La bibliothèque de Peterborough :
la plus ancienne bibliothèque publique du monde financée par l’impôt
Gernot U. Gabel
Au soir du 9 avril 1833, les citoyens de Peterborough, une petite communauté de l’État du New Hampshire aux États-Unis, s’assemblèrent à l’hôtel de ville pour délibérer de la création d’une bibliothèque. Quelques mois auparavant, la ville avait reçu une partie d’un fonds de l’État constitué en 1821 pour une université dont le projet était resté lettre morte. L’assemblée de l’État avait autorisé le déblocage du fonds et son partage « au bénéfice des écoles publiques et d’autres projets éducatifs ». L’intérêt pour les bibliothèques avait été entretenu chez les habitants de Peterborough par le docteur Abiel Abbot, un pasteur unitarien, qui s’était installé dans la petite communauté en 1827 avec l’intention d’y développer la vie intellectuelle, en particulier en faisant partager son enthousiasme pour les livres et la lecture. Un an après son arrivée, Abbot avait ouvert une bibliothèque enfantine chez lui et en avait confié la gestion aux femmes de sa famille. Cinq ans plus tard, il contribua à l’organisation de la Société de la bibliothèque de Peterborough, dont les parts pouvaient être souscrites pour 2 dollars et une contribution annuelle de 50 cents.
Grâce au plaidoyer d’Abbot, les citoyens votèrent un crédit de 750 dollars pour l’aménagement d’une bibliothèque publique. La bibliothèque (Peterborough Town Library) fut officiellement constituée sur le principe d’une bibliothèque publique gratuite, financée par l’impôt. On constitua un comité de trois personnes, présidé par le Dr Abbot. Pendant la première année, 67 dollars furent dépensés pour l’achat de livres. Avec des crédits complémentaires fournis par la société biblique locale, on put acheter environ 370 livres. Dans son premier rapport annuel, le comité nota que les livres « n’avaient pas été empruntés en nombre excessif et avaient été lus, semblait-t-il, avec satisfaction ». Le premier catalogue, préparé et dressé par le Dr Abbot, comptait 499 volumes.
Stimulé par l’exemple donné par les citoyens de Peterborough, l’État du New Hampshire adopta en 1849 une loi autorisant les villes à percevoir des taxes destinées à l’établissement et à l’entretien de bibliothèques publiques. L’année suivante, la Grande-Bretagne vota une loi analogue, suivie deux ans plus tard par le Massachusetts, et bientôt par d’autres États, aux États-Unis et ailleurs.
Le comité de la bibliothèque de Peterborough, soucieux d’économie, installa le fonds dans l’entrepôt local de la firme Smith et Thompson. Le magasin accueillait aussi un petit bureau de poste, et le receveur accepta d’assurer la fonction de bibliothécaire, en plus de sa mission postale. Il fut remplacé en 1854 par une jeune dame, engagée comme bibliothécaire. Dans les décennies suivantes, la collection s’accrut régulièrement, tant et si bien que l’entrepôt se révéla trop petit. En 1873, la bibliothèque fut relogée dans l’hôtel de ville. On pensait ce déménagement définitif, mais en 1890, devant l’accroissement continu du fonds, qui dépassait 6 000 volumes, il fallut chercher un nouvel espace. Dans cette même période, plusieurs citoyens, conscients que la ville n’avait pas les moyens de financer un nouvel édifice, décidèrent de se faire donateurs. Deux anciens résidents, descendants des fondateurs, offrirent leur soutien. Une dame donna 10 000 dollars, son cousin 5 000, sommes considérables à cette époque. Leur seule exigence était que leur cousin George S. Morison, un ingénieur renommé, fût chargé de la construction. Après que les citoyens eurent donné leur accord, les travaux purent commencer et en octobre 1893 l’inauguration officielle du bâtiment, un immeuble fonctionnel en brique, fut célébrée. Quelque vingt ans plus tard, on flanqua la façade d’un péristyle semi-circulaire blanc à colonnettes, avec un toit coiffé d’un ananas de bronze, symbole de l’hospitalité en Nouvelle-Angleterre.
Peterborough étant une petite ville, l’assiette de l’impôt restait faible et les fonds publics, même s’ils formaient l’ossature de la bibliothèque, ne permettaient aucun développement. Pour progresser, on fit appel à la générosité publique et des mécènes se manifestèrent, avec le civisme caractéristique des citoyens des petites communautés de Nouvelle-Angleterre. La plupart des dons étaient d’ailleurs modestes : 60 dollars offerts par la Société dramatique, 400 provenant des revenus d’une manifestation, 900 d’une campagne de soutien, ou 100 d’un donateur âgé. Mais Peterborough attira aussi l’attention du riche industriel Andrew Carnegie, mécène et soutien des bibliothèques en Grande-Bretagne, aux États-Unis et ailleurs, qui fit un don de 5 000 dollars en 1901. D’autres bienfaiteurs créèrent des trusts ou établirent des legs assurant à la bibliothèque un revenu régulier, sans compter ceux qui donnèrent des ouvrages.
Cinquante ans après son ouverture officielle, la bibliothèque reçut un legs de 100 000 dollars qui permit la construction d’une aile, ouverte en 1957. Au début des années 70, le fonds dépassait 40 000 volumes et le besoin d’espace se fit à nouveau sentir. Grâce aux concours financiers d’un donateur, de particuliers, d’entreprises et d’organismes divers, un projet d’extension put être mené à bien en 1979. Qui plus est, en 2000, on put acheter la maison adjacente, grâce à un chèque inattendu fait par un ancien bibliothécaire bénévole.
Dans sa 175e année d’existence, la bibliothèque de Peterborough, un exemple de vertu civique qui continue de bénéficier du soutien généreux des habitants de la petite cité, offre à ses utilisateurs, sept jours sur sept, une collection de plus de 50 000 documents et des outils technologiques de pointe. Depuis 1892, une plaque apposée sur l’édifice commémore la fondation de la première bibliothèque publique du monde anglophone gratuite et financée par l’impôt.
Site de la bibliothèque :
http://www.townofpeterborough.com
Contact : library@townofpeterborough.us
* Traduction de l’anglais par Yves Alix.