Il y a une vie après Marc
François Léger
Le lundi 19 novembre 2007 avait lieu à l’Enssib une journée d’étude en hommage à Pierre-Yves Duchemin intitulée « Il y a une vie après Marc », et consacrée aux évolutions et perspectives des normes et standards utilisés en bibliothèques.
La normalisation pour rendre plus visibles les bibliothèques sur le web
Si la normalisation visait autrefois avant tout à permettre les échanges de données entre bibliothèques, son objectif principal est aujourd’hui de faciliter l’accès direct aux données via le web. C’est donc au niveau international que la normalisation prend tout son sens. Françoise Bourdon (Bibliothèque nationale de France) a rappelé la nécessité d’un engagement des bibliothèques françaises, en constatant toutefois les hésitations de nos collègues à participer aux instances internationales de normalisation. Pour que le travail sur les normes et standards ne demeure pas l’apanage des seuls grands établissements, il est important de donner à cette activité une reconnaissance officielle au sein même des bibliothèques, en définissant des postes, en prévoyant des budgets, en publiant les résultats des travaux…
En ce qui concerne les catalogues, le travail de normalisation se poursuit au niveau international à l’initiative de l’Ifla, qui a mis en place entre 2003 et 2007 un cycle de conférences visant à établir des principes internationaux de catalogage, en tenant compte de l’explosion du nombre des catalogues en ligne, des nouveaux besoins des lecteurs, et du modèle conceptuel FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records). La réflexion a débouché sur la définition d’un ISBD (International Standard Bibliographic Description) consolidé, actuellement encore en chantier. L’objectif doit être, souligne Françoise Leresche (BnF), de rendre les catalogues exploitables par les moteurs de recherche, ce que pourrait permettre l’adoption par les bibliothèques françaises d’une norme internationale comme le RDA. Le Resource Description Access est une autre forme d’adaptation du catalogage aux FRBR et aux catalogues électroniques, marquant une ouverture vers le monde de la documentation.
Le succès des langages structurés basés sur XML
Pour rendre l’information visible à l’échelle mondiale, les standards en cours de définition ne visent pas seulement à harmoniser les pratiques : par rapport à un format Marc dérivé de l’ISBD, qui a difficilement et très peu évolué, les DTD (Document Type Definition) basées sur XML (eXtensible Markup Language) permettent une structuration à la fois plus souple et plus profonde. De plus, ils offrent davantage de fonctionnalités et de visibilité. Actuellement Marc demeure pourtant le format utilisé pour le catalogage, mais l’utilisation directe du langage XML s’impose pour les bibliothèques numériques. Les SIGB (systèmes intégrés de gestion de bibliothèque) sont donc voués à évoluer en autorisant le catalogage en XML.
L’exemple de l’EAD (Encoded Archival Description) illustre bien, pour les archives, ce qu’un langage structuré basé sur XML peut apporter pour la publication des données : un format facile d’accès, à plusieurs niveaux hiérarchiques, incluant de nombreuses informations relatives au contexte d’édition et propice à l’échange de données. Le langage XML permet une grande souplesse dans l’organisation des informations : l’EAD est ainsi complété par la DTD EAC (Encoding Archival Context) permettant de créer des notices d’autorité, collectivité, famille ou personne physique.
La TEI (Text Encoding Initiative), également basée sur XML et appliquée à l’édition de textes, est une autre illustration d’une démarche de normalisation réussie. Un travail constant de développement, conduit au sein d’un consortium international, a mené à la version actuelle de la TEI, qui accroît encore la souplesse de ce schéma d’encodage. Cette souplesse rend nécessaire une interprétation préalable des données à encoder, faisant de la TEI, en même temps qu’un outil technique, le support d’une réflexion approfondie sur la structure d’un document.
Coopération et projets d’établissement
Normes et standards nouveaux se diffusent selon des modalités variées. Ils sont établis ou encore traduits au sein d’organismes de normalisation. Pierre-Yves Duchemin contribuait ainsi activement à la traduction de la TEI au sein d’un groupe de travail de l’Afnor.
Mais, en dehors des instances de normalisation, il peut et doit exister d’autres formes de coopération visant à établir des normes en sortant du cadre restreint des bibliothèques. Dominique Lahary (bibliothèque départementale du Val-d’Oise) a fourni un exemple de cette standardisation négociée entre différents acteurs (libraires, fournisseurs de SIGB, bibliothécaires, fournisseurs de données bibliographiques), à propos de l’enrichissement des catalogues (critiques, biographies, voire accès à la ressource).
C’est aussi au travers de projets d’établissements, liés au développement des collections d’une bibliothèque, que les standards sont mis en œuvre. C’est grâce à des formats nouveaux que Pierre-Yves Duchemin, dont les intervenants de cette journée ont voulu rappeler l’esprit visionnaire et l’enthousiasme communicatif, a amélioré l’accès aux collections spécialisées à la BnF. Il y a animé le « projet Richelieu » et joué un rôle pédagogique fondamental, par exemple pour promouvoir l’usage de l’EAD au département des Manuscrits. Le département des Cartes et Plans a bénéficié d’un travail de normalisation internationale relayé par l’Afnor et, au niveau local, de la mise en place de projets de catalogage, numérisation, rétroconversion. Les perspectives actuelles (par exemple la numérisation des tableaux d’assemblage), montrent comment les efforts fondateurs de Pierre-Yves Duchemin au sein de ce département ont, au-delà des premiers résultats, amorcé un mouvement qui se poursuit aujourd’hui.