L’Europe des bibliothèques
Yves Alix
L’Union européenne a accueilli en 2007 deux nouveaux États, la Bulgarie et la Roumanie. Nous sommes désormais 27. Le BBF est heureux de saluer l’entrée des bibliothèques de ces deux pays dans l’Union, par ce dossier qui fait suite au numéro « Réunion européenne » publié en 2004 1.
Mais 2007 aura vu aussi une nouvelle extension de la zone euro, et surtout, le 21 décembre dernier, l’entrée dans « l’Espace Schengen » de neuf nouveaux États, dont huit issus de l’ancien « bloc de l’Est ». L’émotion qui se lisait sur les visages des officiels ou des anonymes, dans les reportages télévisés faits ce jour-là aux postes frontaliers de ce qui fut, il n’y a pas si longtemps encore, le « rideau de fer », témoigne de la valeur symbolique de cette étape pour chaque citoyen européen. L’Europe sans frontières se construit. Si la Bulgarie et la Roumanie n’y sont pas encore, elles y entreront bientôt. Après elles, les États voisins des Balkans, déchirés il y a une décennie par une guerre fratricide, rejoindront un jour l’Europe unie. Puisse celle-ci être l’Europe de la paix et de l’entente entre les nations, puissent les frontières invisibles tomber aussi sûrement que les frontières visibles ! Ainsi les peuples européens feront-ils mentir Mário de Andrade qui s’exclamait en 1928 : « L’Europe c’est fini, n-i ! » 2
Et l’Europe des bibliothèques ? Marian Koren nous dit « qu’elle est encore dans les limbes ». Pour la construire, il faut certes cultiver un état d’esprit coopératif et solidaire, et on peut espérer que les bibliothécaires en sont pourvus en abondance. Mais il faut aussi des structures et des moyens, pour bâtir la coopération sur des bases solides. Aux bibliothécaires, à travers leurs associations – de Liber à Eblida, de l’Ifla à EAHIL ou à Euclid –, de s’imposer aux institutions communautaires et de revendiquer leur place dans le développement de la société de la connaissance. L’effarante complexité des organigrammes de l’Union n’encourage certes pas à se mobiliser dans l’indispensable travail de « lobbying bibliothécaire au plus haut niveau des institutions européennes » (François Cavalier) qui, seul, peut permettre de conquérir cette place. Il faut pourtant se résoudre à le faire, si nous voulons que les pouvoirs publics consentent aux bibliothèques les moyens de leur développement. Car des réussites comme les Idea Stores à Londres, ou des politiques ambitieuses comme celles menées par les Pays-Bas ou la Finlande, ne peuvent cacher les difficultés présentes partout et aggravées par la crise des finances publiques : au Royaume-Uni, pays pourtant emblématique en la matière, quarante bibliothèques ont fermé en 2007 3.
Résolument optimiste, le BBF, suivant Éluard (« La terre est bleue comme une orange »), passe d’une couleur à l’autre et s’habille de neuf pour cette nouvelle année. Et Européen convaincu, pour les bibliothèques comme pour le reste, il vous donne d’ores et déjà rendez-vous au prochain élargissement !