Retours sur la médiation
Yves Alix
Jean Caune, théoricien de la médiation culturelle, a naguère stigmatisé « l’usage indifférencié de la notion de médiation » dans une construction du lien social fondée essentiellement sur le consensus. En bibliothèque, cette question resurgit périodiquement, en particulier quand éclatent des conflits avec des franges du public. Et beaucoup de professionnels, alarmés par des situations qui révèlent trop souvent leur impuissance, veulent inscrire leur pratique dans le champ de la médiation sociale. L’expérience interrompue des emplois-jeunes, recrutés sur des profils de ce type, a laissé ouverte une interrogation non résolue : le bibliothécaire, dans le cadre de sa mission (culturelle ? sociale ? « citoyenne » ?) est-il un médiateur ? Aujourd’hui, cette question traverse des thématiques aussi diverses que le partenariat, le libre accès à l’information, la lutte contre la fracture numérique ou l’illettrisme. Elle irrigue la réflexion autour de la lecture et de la transmission du savoir : que signifie être médiateur, dans un contexte de « désintermédiation » ? Que peut apporter aux publics en difficulté ou désocialisés un professionnel de la culture institutionnalisée ? Pour aborder ce débat, le BBF propose deux réflexions sensiblement différentes, et sans doute complémentaires. Abdelwahed Allouche interroge la démocratie culturelle et les représentations de la médiation. Olivier Chourrot dessine un horizon possible dans le profil du « bibliothécaire accompagnateur ». Tous deux, creusant les ambiguïtés d’une notion passe-partout, nous invitent à dépasser une vision superficielle, idéalisante, voire angélique, et à voir les choses en face : la médiation n’est ni un « remède », ni un « cataplasme ».