Bibliothèques, bibliothécaires et coopération internationale

Annie Le Saux

Organisée par Médiadix, avec le soutien de la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France et de la Sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique, la journée d’étude du 5 avril 2007 a mis l’accent sur le rôle que les bibliothèques auront de plus en plus à jouer dans la coopération internationale.

Enjeux

Encore trop peu présente dans les pratiques des bibliothécaires français, la participation aux actions internationales revêt de multiples enjeux, relevés par Michel Marian (Sous-directeur des bibliothèques et de l’information scientifique) : enjeux culturels et scientifiques, où les bibliothèques deviennent la vitrine de la science et de la culture française à l’étranger ; enjeux stratégiques, pour lesquels une présence française forte et active à des colloques et congrès internationaux permet de peser dans les discussions professionnelles ; enjeux professionnels, par des échanges et partages d’expériences ; enjeux économiques et sociaux enfin, liés à une compétition européenne et internationale qui ne peut que croître, notamment sur le marché de l’emploi.

Bien sûr, ces actions en direction de l’international coûtent cher, et les budgets sont limités. Bien sûr, il y a l’obstacle de la langue, la suprématie de l’anglais étant incontestable. Mais le développement de la coopération internationale fait partie des actions que la SDBIS compte non seulement poursuivre mais amplifier, en encourageant la participation de Français à des colloques internationaux, en soutenant le Comité français de l’Ifla, etc. 1

D’où l’utilité de journées comme celle-ci, qui contribuent à « faire comprendre aux bibliothécaires que l’international n’est pas uniquement l’affaire d’une élite » (Christophe Pavlidès, directeur de Médiadix).

Plusieurs témoignages ont apporté des éclairages sur « la coopération internationale au quotidien ». Marian Koren (directrice de la recherche et des affaires internationales de l’Association des bibliothèques publiques des Pays-Bas, NBLC), Marie-Joëlle Tarin (bibliothèque de la Sorbonne) et Françoise Danset (dont le dernier poste a été la direction de la BDP des Bouches-du-Rhône) ont insisté sur la richesse des échanges que leur procure leur participation à l’international – que ce soit en tant que membres de l’Ifla, d’Eblida (European Bureau of Library, Information and Documentation Associations) 2 ou acteur d’une coopération plus ciblée –, tant sur le plan personnel que professionnel. Mais elles n’ont pas minimisé l’énergie dont il fallait faire preuve pour s’impliquer dans ces actions, en commençant par celle de convaincre hiérarchie et collègues que participer à des colloques, en particulier à l’étranger, ne signifie pas faire de la représentation passive, selon l’idée un peu trop répandue. Convaincre que c’est à la fois « donner et apprendre » (Christine Deschamps), échanger, partager, et, par là même, favoriser la diversité, les comparaisons et « revivifier la culture professionnelle » (Michel Marian). L’implication dans des actions de coopération internationale entre pour une part importante dans « l’apprentissage tout au long de sa vie » (Marian Koren).

Dans bien des cursus de formation initiale, la mobilité européenne est déjà chose fréquente, l’intérêt porté aux programmes Erasmus pour les étudiants et Leonardo pour la formation professionnelle en témoigne. Dans la formation aux métiers du livre, exemple de coopération donné par Michel Bruillon (maître de conférences en licence et master métiers du livre à l’université Paris-X – Nanterre), il existe déjà un master européen en édition et un master européen en bibliothèques est à l’étude.

Instances internationales

« Structurer son parcours en s’appuyant sur des instances internationales est la façon la plus simple de participer à la coopération internationale » (Marie-Joëlle Tarin). L’Ifla, Liber (Ligue des bibliothèques européennes de recherche), Eblida sont les plus connues de ces instances professionnelles. Présidente de l’Ifla de 1997 à 2003, Christine Deschamps en a rappelé les valeurs fondamentales – liberté d’accès à l’information, accès universel et équitable à l’information… – et a souligné le rôle essentiel des bibliothèques dans la défense de ces valeurs. Adhérer à une association internationale, « c’est, affirme par expérience Christine Deschamps, faire partie d’une communauté professionnelle, briser l’isolement professionnel ».

Un nouvel acteur est apparu sur la place de la coopération internationale, l’AIFBD ou Association internationale francophone des bibliothécaires documentalistes 3, que son président, Réjean Savard (professeur à l’Ebsi, université de Montréal), a présentée. Née du constat qu’il était essentiel d’affirmer la présence du français et de la francophonie au niveau international 4, la nécessité de créer une association francophone dans le domaine de la bibliothéconomie, de la documentation et des sciences de l’information s’est concrétisée en août 2006, lors du congrès Ifla à Séoul. Depuis cette date, plusieurs actions ont été entreprises, dont l’élaboration d’un portail, Bibliodoc 5, d’une liste de discussion 6 (1 600 abonnés à l’heure actuelle) et, surtout, la préparation du premier congrès de l’association qui se tiendra au Canada, début août 2008, une semaine avant le congrès de l’Ifla à Québec et sur le thème « Francophonies et bibliothèques : innovations, changements et réseautage ».

En conclusion, on ne peut qu’inciter les professionnels français à s’investir dans les relations internationales… car, si plusieurs pays, dont les États-Unis et l’Allemagne, y sont très présents, la France a encore du chemin à parcourir pour que les politiques des établissements prennent en compte ce volet et pour que des professionnels décident de s’y engager.