La maîtrise de l’information par les adultes

Thémat’IC 2007

Gérald Arboit

Pour la deuxième année, chercheurs et professionnels de l’information et de la communication se sont retrouvés, le 16 mars dernier, à l’IUT Robert-Schuman de Strasbourg pour participer à la journée Thémat’IC *, organisée par son département Information-Communication. Après s’être penchés sur les « besoins et usages » d’information, la thématique tout aussi « stimulante et préoccupante » des enjeux et des méthodes de « la maîtrise de l’information par les adultes » les invitait à la réflexion sur leurs pratiques professionnelles et leurs attentes. Animée par des enseignants-chercheurs de Metz, Strasbourg et Mulhouse, la journée se décomposait en deux moments distincts, le matin étant consacré à quatre communications interdisciplinaires, tandis que l’après-midi permettait l’échange au travers de deux séries d’ateliers thématiques.

L’information sans intermédiation

Comme l’explique l’une des organisatrices, Sophie Kennel, Thémat’IC 2007 ne se situait pas au niveau de la médiation documentaire, mais entendait appréhender l’étape de la formation à l’outil technologique, de la connaissance et des méthodes de l’usager promu concepteur d’information. Les travaux actuels montrent une absence de plus en plus fréquente de toute intermédiation dans la démarche de recherche, brouillant ainsi les notions de production et de consommation. Jérôme Dinet, maître de conférences en psychologie cognitive à l’université de Metz, décrit le « passage du fichier aux mains de spécialistes, à la centralité des non-experts, étape liminaire à la dispersion de l’information ». Cette évolution n’est pas sans présenter des inconvénients, notamment quant à la « capitalisation des connaissances », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Triby, professeur en sciences de l’éducation à Strasbourg. En effet, il existe une réelle fracture cognitive entre le possesseur de technologies de l’information et son utilisateur.  Alain Kiyindou, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Strasbourg, n’hésite pas à parler de hiatus entre « l’illusion technologique et l’utilité/appropriation de l’information ». Et de pointer la relativité du concept de « société de l’information », qui relève plus de l’utilité de l’information que de la technologie utilisée pour se l’approprier.  Analysant les référentiels de compétences de la chaîne documentaire, sa collègue mulhousienne Odile Riondet en arrive au même constat. Influencés par une démarche propre à l’intelligence artificielle, ils permettent certes de valider le processus d’acquisition de l’information, mais pas vraiment d’en assurer la pertinence.

L’information se trouve ainsi réduite à un effet de contexte, en liaison avec une augmentation de l’incertitude que reflète justement cette inflation cognitive. Elle devient le résultat d’une complexification des connaissances, témoignant d’une tension entre l’enseignement scientifique et l’apprentissage résultant d’une expérience quotidienne. Le tout sur fond de médiatisation de l’existence, qui procède de la fusion des sphères privée et publique. Plutôt que d’une critique sociale, où la qualité de la formation initiale se trouverait remise en cause, Thémat’IC 2007 pointe un besoin apparemment insatiable d’acquérir de la connaissance à tout âge. Que l’individu soit sa propre ressource, refusant le poids de la tradition comme de la hiérarchie, ou qu’il soit contraint par un construit qu’il a lui-même édifié, la formation permanente devient un enjeu primordial de sa « maîtrise de l’information ». L’atelier animé par Jacques Reibel, coresponsable de l’Urfist de Strasbourg, a ainsi montré la nécessité d’une démarche unique de formation à la recherche d’information, tandis qu’Emmanuel Triby revenait sur « l’ingénierie de formation et la relation pédagogique » dans le cadre de la validation d’acquis de l’expérience.

L’économie de la connaissance

Au-delà de ces développements cognitifs, tous les intervenants se sont accordés sur l’importance économique de « la maîtrise de l’information par les adultes ». Savoir rechercher rapidement une information, et si possible efficacement, a d’abord été, comme l’a montré Jérôme Dinet dans un développement historique original, une nécessité vitale. Mais, depuis l’entrée dans l’ère de la communication instantanée, c’est le règne de l’« économie de la connaissance ». Se fondant autant sur les réflexions issues de la « nouvelle économie de l’individu » que sur son expérience d’économiste, Emmanuel Triby a montré combien la connaissance était devenue une source de valeur, contribuant ainsi à une rationalisation de l’économie générale. Pour illustrer la difficile médiation du documentaliste dans « la stratégie de recherche d’information » de l’usager, l’atelier animé par Olivier Arifon, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Strasbourg, empruntait un détour par le monde de l’intelligence économique. La comparaison a d’abord semblé heurter les participants. Puis, ce public de professionnels de la documentation, essentiellement issu du monde de l’entreprise, a fini par admettre son importance stratégique. Elle lui a été rappelée dans l’atelier de Céline Meyrueis, maître de conférences en droit à Strasbourg, au regard de la protection de la création assurée par le droit d’auteur. « Produire et diffuser de l’information dans le respect du droit » devient ainsi un jeu dangereux, où le simple panorama de la presse s’apparente à un délit…

Les échanges de cette journée ont rappelé une fois de plus la complexité des notions d’information et de communication. Polysémiques, leur constante évolution implique une réflexion sur l’organisation même de la société. Le concept Thémat’IC se veut ainsi porteur d’une impulsion quant à la mise en évidence des perspectives liées à ces deux champs de réflexion.