Les métiers du livre à l’épreuve du marché

Annie Le Saux

L’heure est à la morosité. Écrivains, éditeurs, libraires et bibliothécaires sont confrontés à un - contexte économique difficile, peu favorable à la culture.

Lors de la table ronde du Salon du livre organisée par la Région Rhône-Alpes et consacrée aux métiers du livre à l’épreuve du marché, Alain Absire (président de la SGDL) a dénoncé un fort ralentissement de la vente de livres au détail (– 5 % au dernier trimestre) et la difficulté, pour des écrivains, à vivre de leur plume. Et la suggestion d’Abraham Bengio, directeur régional des affaires culturelles de la Région Rhônes-Alpes, d’attribuer des bourses aux écrivains pour leur donner le temps d’écrire ne peut servir que d’expédient partiel. Cette situation pour le moins délicate s’explique, selon Alain Absire, à la fois « par une politique de flux en librairie, un problème de relais médiatique et une perte de l’influence du livre dans la transmission des savoirs »

Guère plus optimiste, Bertrand Legendre, maître de conférences à Paris-XIII, a fait remarquer que le taux de disparition des maisons d’édition n’avait cessé de croître depuis plusieurs années. La plus grande facilité technique à fabriquer des livres est confrontée à un marché de plus en plus difficile à pénétrer. Les éditeurs doivent désormais faire face à une production qui augmente, des circuits de distribution qui se concentrent et une durée de vie d’un ouvrage en librairie de plus en plus courte.

Chez les libraires, deux figures, ou une figure double, émergent d’une étude menée sur la librairie en région Rhône-Alpes par Françoise Benhamou (enseignant-chercheur à Paris-I), celle du « commerçant » et celle du « militant ». Le commerçant est amené à diversifier son offre pour attirer la clientèle ; le militant, par ses conseils, cherche à développer la lecture, défend la création littéraire et conçoit sa librairie comme un lieu où l’on flâne, un lieu qui crée du lien social.

Les bibliothécaires, qui ont, pendant longtemps, occulté le versant économique du livre, ont désormais conscience de faire partie du « creuset économique » (Dominique Arot, bibliothèque municipale de Lille).

Plusieurs moyens de résister au marasme ambiant ont été avancés. À commencer par internet, qui, en échappant à la notion de territoire, ouvre des perspectives. Outre l’information qu’il diffuse, internet peut aussi être utilisé dans des domaines de niches ou encore par de petits éditeurs, en favorisant un regroupement à la fois de leurs propres forces et des publics potentiels.

La numérisation des collections a été saluée notamment à travers les réalisations d’Europeana et de Gallica de la BnF. Mais l’accès à distance qu’elle permet a provoqué certaines réserves de la part du président de la SGDL, qui lui reconnaît cependant l’avantage de faire renaître des ouvrages disparus.

La modification de la Directive européenne sur le droit d’auteur et, partant, de la loi Dadvsi, inapplicable en l’état, sera le prélude à de nouveaux échanges de vues entre les différents acteurs de la chaîne du livre, sans oublier les acteurs politiques. Des débats sans doute houleux en perspective, mais qui auront l’intérêt d’aboutir à une meilleure connaissance de chacun des volets de l’économie du livre.