Habitudes de lectureau Burkina Faso
L’exemple des élèves de 3e dans les villages et les petites villes
Cet article présente l’analyse des données d’une enquête qualitative et quantitative menée dans huit villages et petites villes du Burkina Faso. L’enquête permet de mesurer les différences dans les habitudes de lecture entre les élèves qui habitent dans des villages qui ont une bibliothèque, et ceux qui habitent dans des villages sans bibliothèque. Les élèves des villages ayant une bibliothèque ont lu de 25 à 75 % de plus de livres que les autres élèves.
This article presents an analysis of the data from a qualitative and quantitative survey carried out in eight villages and small towns in Burkina Faso. The survey provides the measurement of differences in reading habits between students living in villages which have a library and those living in villages without a library. The students living in villages with a library read 25 % to 75 % more books than the other students.
Der Artikel gibt Auskunft über die Analyse von Daten einer qualitativen und quantitativen Studie, die in acht Dörfern und Kleinstädten in Burkina Faso durchgeführt wurde. Die Umfrage hat es ermöglicht, die unterschiedlichen Lesegewohnheiten von Schülern, die Zugang zu einer Lokalbibliothek haben, und solchen die in Orten ohne Bibliothek wohnen, zu messen. Schüler aus Orten mit einer Bibliothek lesen zwischen 25 und 75 % mehr Bücher als andere Schüler.
Este artículo presenta el análisis de los datos de una encuesta cualitativa y cuantitativamente llevada a cabo en ocho pueblos y pequeñas ciudades de Burkina Fasso. La encuesta permite medir las diferencias en las costumbres de lectura entre los alumnos que viven en los pueblos que tienen una biblioteca, y aquellos que viven en pueblos sin biblioteca. Los alumnos de los pueblos que tienen una biblioteca han leído entre el 25 y 75 % más de libros que los otros alumnos.
Personne ne doute du fait que la pratique de la lecture tout au long du cursus scolaire soit un exercice très important pour le développement et la consolidation permanente de l’alphabétisation (1 ; 8 ; 2). Malgré ce consensus, il existe très peu d’études sur les habitudes de lecture des élèves en Afrique. La plupart des recherches se concentrent sur les problèmes des bibliothèques publiques (3 ; 13). Mais nous ne connaissons pas d’études qui analysent ou évaluent véritablement l’influence des bibliothèques sur les habitudes de lecture dans les pays africains. Ce qui est regrettable, car, pour évaluer l’impact des projets pouvant stimuler la lecture, il faut, avant la mise en place du projet proprement dit, avoir déjà une idée précise des habitudes de lecture.
Cet article présente l’analyse des données d’une enquête qualitative et quantitative menée par les auteurs dans huit villages et petites villes du Burkina Faso. La méthodologie s’appuie sur la démarche d’enquête en sciences sociales et humaines (entretiens semi-structurés et focus groupes) et en économie (analyse des données). La démarche a consisté à choisir quatre villages dotés de bibliothèque publique et quatre sans bibliothèque.
La fréquentation des bibliothèques publiques et l’inscription des élèves au lycée et au collège constituent souvent le seul accès aux sources de lecture dans les communautés rurales ou marginalisées. Au Burkina Faso, l’achat d’un livre est simplement hors de portée pour la plupart des habitants de villages qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants, l’agriculture de subsistance étant la seule source de revenu. Les élèves se partagent les manuels fournis par l’école et ont très peu accès aux livres en dehors de la salle de classe. Des matériaux appropriés de lecture dans les bibliothèques locales peuvent renforcer l’acquisition de la capacité de lecture.
La conjecture principale de ce travail repose sur l’analyse suivante : si les bibliothèques sont correctement conçues, elles peuvent avoir un impact significatif sur la lecture. Cet impact devrait conduire à implanter des bibliothèques villageoises ou scolaires lors de la construction de lycées et collèges.
La lecture au Burkina Faso
Le PNB du Burkina Faso est d’environ 120 000 F CFA (soit 183 euros ou 240 dollars) par habitant ; ce qui fait du pays un des plus pauvres du monde. Près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette pauvreté explique le niveau très bas de scolarisation dans le primaire (40 %), avec une grande disparité entre les régions : au Sahel, ce taux est de 14,7 %, contre 72,5 % dans les régions du Centre. Dans le secondaire, le taux de scolarisation est d’environ 11 % et, dans le supérieur, de 1 %. Le taux d’alphabétisation des adultes (pourcentage de la population âgée de 15 ans ou plus sachant lire et écrire en français et dans les langues nationales) est de 20 %.
La pauvreté du pays explique aussi le manque d’accès aux livres et matériaux de lecture. La politique du livre relève du ministère des Arts et de la Culture, qui joue essentiellement un rôle de coordination et d’incitation, et fixe la législation. Cette politique est mise en œuvre par le Centre national de lecture et d’animation culturelle (Cenalac). Ce département coordonne les dix-sept centres de lecture et d’animation culturelle (Clac), bibliothèques établies dans de petites villes avec l’appui de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), et les vingt-huit bibliothèques communales de lecture publique (BCLP), émanant de la coopération bilatérale entre le Burkina Faso et la France. Ces bibliothèques contribuent à donner le goût de la lecture aux élèves ; malheureusement elles ne sont que 45 et la majeure partie du pays n’a pas accès au matériel des Clac ou des BCLP. L’insuffisance qualitative et quantitative de bibliothèques est un obstacle majeur au développement de la lecture.
Il va sans dire que d’autres facteurs importants entrent en ligne de compte, notamment le manque d’ouvrages adaptés pour les enfants, l’influence des médias (télé, radio, cinéma), la surcharge des emplois du temps des enseignants et des élèves, la manière d’enseigner, l’insuffisance des réseaux de distribution et de diffusion, la pauvreté dans certaines localités, enfin, de la part de certains jeunes, une culture locale de mépris ou d’indifférence envers la lecture.
Une enquête sur les habitudes de lecture au Burkina Faso, portant sur un échantillon de 240 personnes, a été menée en 2001 par Zagre, Zouri et Ouattara dans les provinces du Kadiogo, Houet, Gourma, Mouhoun, et Séno (17). L’importance de la lecture comme moyen d’apprentissage, de découverte, de distraction n’y est pas perçue. Selon l’enquête, la population qui pratique la lecture le plus activement est la jeunesse (tranches des 20-25 ans et 26-30 ans). Elle représente à elle seule 56,25 %. Les plus faibles lecteurs se trouvent dans les tranches d’âge des 40 ans et plus. 77,6 % des lecteurs sont de sexe masculin. Ces proportions de lectorat sont relativement proches des disparités du taux d’éducation qui existent entre les hommes et les femmes. Il faut ajouter que les élèves/étudiants représentent 50 % des lecteurs de l’échantillon. Leur statut d’apprenant est un facteur incitatif.
L’enquête montre aussi que ceux qui fréquentent les bibliothèques et les centres de lecture appartiennent essentiellement au monde de l’éducation – élèves : 70,6 % ; élèves-étudiants : 89,3 %, élèves-étudiants-enseignants : 97,3 %. Sur huit bibliothèques et centres de lecture enquêtés qui ont pu fournir des informations sur l’évolution du nombre de lecteurs, la fréquentation des bibliothèques et centres de documentation a connu un accroissement de l’ordre de 85 % entre 1990 et 2000. D’une manière générale, l’étude conclut que le nombre de lecteurs a augmenté sur l’ensemble du pays.
Une autre étude menée par Sissao (15) dans les provinces du Kadiogo, Yatenga, Boulkiemdé, Gourma permet, à travers la question de l’insertion des manuels et littératures burkinabé dans les programmes scolaires, de cerner les habitudes de lecture des élèves au Burkina Faso. Il en ressort que les ouvrages burkinabé souffrent d’un problème crucial de disponibilité, qui handicape leur présence dans les programmes scolaires des établissements. Le coût du livre constitue un autre obstacle à son acquisition. Le pouvoir d’achat étant faible de façon générale, le livre apparaît souvent, pour le Burkinabé, comme un bien de luxe. La culture y étant essentiellement orale – celle de l’écrit est très récente –, il va sans dire que les priorités des consommateurs vont à des achats autres que les livres.
Méthode d’enquête
L’échantillon comprenait tous les élèves des classes de troisième des établissements scolaires de huit villages et petites villes, soit au total 400 élèves. L’objectif du questionnaire a été de comprendre les opinions des élèves sur la lecture, leurs aspirations personnelles. Un test de lecture basé sur des extraits de textes d’auteurs africains et européens a cherché à évaluer la compréhension qu’un élève pouvait avoir d’un texte littéraire.
Des restrictions budgétaires et un manque de temps nous ont conduits à limiter l’échantillon, qui n’est donc pas représentatif de l’ensemble du pays ; il reste cependant pertinent parce qu’il repose sur des critères rigoureux de sélection. Notre objectif était d’avoir des informations pratiques sur les habitudes de lecture, et nous nous sommes donc intéressés à des recherches focalisées sur des villages ayant des bibliothèques villageoises, des collèges d’enseignement général (CEG) et des lycées. Deux des bibliothèques du sud-ouest, où l’un des auteurs (Kevane) est impliqué dans un projet d’appui aux bibliothèques villageoises (Amis des bibliothèques de villages africains) *, sont établies dans des villages où il existe un CEG. Nous avons choisi, dans la même zone d’étude, deux villages qui n’ont pas de bibliothèque et deux qui en ont une. Nous les désignons donc comme « villages sans bibliothèque, région de Houndé » et « villages avec bibliothèque, région de Houndé ». Parallèlement, souhaitant mesurer l’impact des bibliothèques Clac et BCLP, nous avons choisi deux villages ou petites villes, l’un avec un Clac et l’autre avec une BCLP, tous les deux bien fournis en livres et accessibles aux lecteurs, et deux villages voisins sans bibliothèque. Nous désignons ces villages par les termes « villages sans bibliothèque Clac/BCLP » et « villages avec bibliothèque Clac/BCLP ».
La distance entre les villages est un obstacle presque impossible à surmonter pour un lecteur – si un village n’a pas de bibliothèque, les élèves n’ont presque aucun accès aux livres. C’est ainsi que moins de 8,6 % de l’échantillon ont accès à des collections privées de plus de 25 livres.
Résultats de l’enquête
Les élèves des villages ayant des bibliothèques les fréquentent lorsqu’ils sont abonnés (cf. tableau 1). Les comparaisons doivent être menées dans chaque catégorie, c’est-à-dire entre les villages avec bibliothèque et les villages sans. On observe que les villages avec Clac/BCLP ont une plus grande fréquentation de la bibliothèque (24 %) et un taux plus élevé d’abonnement (55 %) que ceux sans bibliothèque. Il faut noter qu’à l’exception d’un seul, tous les villages ont au moins une petite bibliothèque appartenant au lycée ou CEG. Ces bibliothèques sont souvent difficilement accessibles aux élèves, mais cela peut expliquer pourquoi certains élèves des villages sans bibliothèque répondent qu’ils ont accès à une bibliothèque.
Il faut aussi remarquer que l’accès à une bibliothèque ne conduit pas directement à la lecture. L’élève doit non seulement aller à la bibliothèque pour avoir accès aux livres, mais surtout s’abonner. Or, les bibliothèques villageoises font souvent payer aux élèves de petites sommes pour s’abonner (200 F CFA, soit 0,30 euro ou 0,40 dollar par an). Cet abonnement donne droit au prêt à domicile pour 15 jours.
L’enquête permet de mesurer les différences dans les habitudes de lecture entre les élèves qui habitent des villages qui ont une bibliothèque et ceux qui habitent dans des villages qui n’en ont pas. Dans une liste de 25 œuvres d’auteurs africains très connus au Burkina, l’élève moyen a lu 6 livres. Le livre L’enfant noir de Camara Laye, par exemple, a été lu par 68 % des élèves dans les villages sans bibliothèque Clac/BCLP, et par 73 % des élèves dans les villages avec bibliothèque Clac/BCLP. Pour les élèves des villages de la région de Houndé, les pourcentages sont également assez élevés.
Par contre, un livre comme Sous l’orage de Saïdou Badian a été lu par 52 % et 64 % des élèves dans les deux types de villages de la région de Houndé, mais par seulement 27 % et 34 % des élèves des villages sans Clac/BCLP et avec Clac/BCLP, respectivement. Certaines données reflètent une culture de lecture « régionale ou identitaire », comme le taux très élevé de lecture de Crépuscule des temps anciens de Nazi Boni dans les villages de Houndé qui se situent dans la région Bwa, d’où est originaire l’auteur. L’accès à une bibliothèque, au Clac/BCLP ou à la petite bibliothèque villageoise par exemple, fait doubler le taux de lecture de ce livre pionnier de la littérature burkinabé.
Dans la liste des 25 œuvres, les élèves des villages avec bibliothèque ont lu un taux plus élevé d’ouvrages que les autres élèves. La différence est faible si l’on compare les villages avec ou sans Clac/BCLP, mais très grande en ce qui concerne la région de Houndé.
Notons que, parmi les romans africains qui sont lus le plus souvent, les différences sont moindres, et parmi ceux qui sont plus rarement lus, on note des différences en fonction de l’accès : la fréquence de lecture est plus élevée dans les villages avec bibliothèque.
Si on compare, dans la liste des 25 livres, la moyenne des livres lus par les élèves des villages où il n’y a pas de bibliothèque et celle des livres lus par les élèves de villages où il y a une bibliothèque Clac/BCLP, ces moyennes sont respectivement de 5,55 livres et de 5,77 (cf. tableau 2). La différence est plus grande dans la région de Houndé, où les élèves des villages avec bibliothèques villageoises ont lu une moyenne de 8,77 livres, tandis que ceux des villages sans bibliothèque n’en ont lu que 5,64, ce qui fait une différence de 3 livres.
Les figures 1 et 2 montrent que, à la question « combien de romans africains ont été lus ? » dans les villages avec bibliothèque villageoise dans la région de Houndé, la moyenne élevée n’est pas due simplement à quelques super-lecteurs, mais plutôt au fait que chaque lecteur lit plus. Pour les petites villes avec et sans Clac/BCLP, la répartition est moins importante, du fait que beaucoup d’élèves de ces villages ne sont pas abonnés à la bibliothèque.
Presque 70 % des élèves interrogés disent qu’ils lisent souvent (plus de « quelques fois par mois »). Mais le nombre de livres lus est très bas. Les réponses aux questions : « combien de livres lus durant la dernière année ? » et « combien de livres lus pendant les 30 derniers jours ? » montrent que les élèves qui habitent dans les villages avec bibliothèque de la région de Houndé lisent beaucoup plus que ceux qui n’ont pas accès aux bibliothèques (cf. tableau 2). Ils ont lu en moyenne 12,67 livres durant l’année écoulée, alors que les élèves des villages où il n’y a pas de bibliothèque n’en ont lu que 7,18. Dans les petites villes avec et sans Clac/BCLP, les abonnés ont lu beaucoup plus de livres durant l’année écoulée (8,15) que ceux qui ne sont pas abonnés (5,68), et aussi que les élèves habitant des villages sans bibliothèque Clac/BCLP (6,45). Dans les villages avec Clac/BCLP, comme dans les villages ayant une petite bibliothèque de village, être abonné incite les élèves à une bonne pratique de lecture. Ceux qui ne sont pas abonnés (moins de 10 % dans les villages avec bibliothèque de la région de Houndé) lisent le même nombre de livres que ceux des villages sans bibliothèque. Dans la région de Houndé, les élèves des villages sans bibliothèque disent qu’ils ont lu 1,65 livre au cours du mois écoulé, et ceux qui ont accès à une bibliothèque en ont lu 2,18, soit une différence de 0,5 livre par mois, ou 6 par an. Les résultats sont analogues en ce qui concerne les villages sans et avec bibliothèque Clac/BCLP.
En résumé, les élèves des villages avec bibliothèque villageoise ont lu entre 25 et 75 % de plus que les autres élèves.
Les réponses, dans le tableau 4, dénotent un certain scepticisme des élèves envers la lecture : moins de la moitié d’entre eux pense que la lecture est une bonne chose pour réussir au lycée. Heureusement, l’idée, répandue, que la culture traditionnelle n’encourage pas la lecture, est définitivement réfutée. En fin de compte, les différences entre les villages, notées ci-dessus, ne correspondent apparemment pas aux idées générales des élèves sur la lecture.
Le questionnaire demandait aux élèves d’indiquer leurs trois genres préférés de lecture. Les catégories « romans d’auteurs africains », -« contes », et « romans historiques », figurent dans les choix de plus de 50 % des élèves (cf. tableau 5). Ce sont évidemment les romans d’auteurs africains qui vont attirer les élèves vers la lecture. Pour la lecture des « livres d’amour », des « bandes dessinées », de la « poésie » et des « livres politiques », on remarque des différences, très prévisibles, entre les filles et les garçons. Mais, on note que filles et garçons partagent une même préférence pour les « livres d’aventure », les « biographies », les livres consacrés aux « mythes ». Les bibliothèques publiques devraient intégrer cet aspect dans leurs commandes, et notamment tenir compte de la grande préférence pour les œuvres africaines. Ce point vient confirmer l’étude de Sissao sur la nécessité d’intégrer les œuvres africaines et burkinabé dans les bibliothèques et les programmes scolaires (15).
Des différences dues aux disparités entre villages ?
Il est fort possible que les différences dans les habitudes de lecture entre les villages soient dues aux différences socio-économiques, et pas uniquement à la présence de bibliothèques plus ou moins orientées vers les élèves de seconde. Nous avons posé un ensemble de questions sur les situations familiales des élèves qui le confirment (cf. tableau 6).
S’il n’y a pas de grandes différences entre les villages sur les indicateurs de biens matériels comme la radio, la télévision ou les moteurs, ces différences sont nettes lorsqu’il est question d’autres indicateurs, tels que le nombre de bœufs ou le nombre d’ampoules dans les maisons. Paradoxalement, cet avantage de la lumière ne mène pas à une performance de lecture considérablement améliorée dans les villages avec Clac/BCLP. Par contre, les villages sans bibliothèque possèdent plus de bœufs, fait qui est en concordance avec leur faiblesse de lecture. Mais une analyse approfondie indique que cette différence au niveau des biens (possession de bœufs) n’explique pas l’amélioration de la lecture dans les villages avec bibliothèque (7).
Le tableau 7 montre les attentes économiques des élèves. Ils sont plutôt optimistes, et il n’y a pas de différence notable entre les villages. Dans la région de Houndé, les élèves des villages avec bibliothèque indiquent que leur situation économique familiale, notamment celle de leurs parents, est mauvaise, mais ils espèrent que leur propre situation s’améliorera dans l’avenir. La comparaison entre les villages avec et sans Clac/BCLP montre que les élèves des villages avec bibliothèque déclarent une meilleure situation, et espèrent, eux aussi, une amélioration.
Les résultats du test de lecture
Tous les élèves soumis au questionnaire ont subi un exercice de compréhension de lecture. Nous avons voulu tester l’hypothèse selon laquelle l’accès au matériel de lecture améliore les résultats des efforts éducatifs des enseignants. Les notes aux examens sont des critères très importants du taux de succès d’un lycée ou d’un collège. Ces taux sont plus élevés dans les lieux où on trouve une bibliothèque accessible aux élèves.
Dans le tableau 8 on voit que la moyenne des réponses est très conve-nable : 60 % des questions ont eu des réponses correctes. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes de villages. Mais seulement 14 % des élèves ont eu plus de 80 % de bonnes réponses. Le pourcentage des élèves qui ont eu plus de 70 % est lui aussi faible ; la plupart des élèves ont autour de la moyenne. On peut se demander si le système éducatif est capable de donner un niveau acceptable à un assez grand nombre d’élèves, notamment en permettant aux très bons lecteurs d’acquérir des connaissances supplémentaires.
On détecte une minuscule amélioration de performance dans les villages avec bibliothèque de la région de Houndé, pour les élèves les mieux notés, mais cette différence n’est pas significative.
Conclusion
Plusieurs élèves en mesure de -continuer leur scolarité ne voient pas de véritable enjeu à le faire. L’accès aux livres peut-il changer cette perception ? Ce changement pourrait être mis en œuvre à travers un système d’encouragement à la lecture. La récompense par l’octroi d’une bande dessinée pourrait inciter les jeunes à se passionner pour la lecture et, ainsi, à poursuivre leur scolarité. Peut-être que la vocation littéraire des auteurs africains en général et burkinabé en particulier peut insuffler aux jeunes le désir d’écrire et de se cultiver ? Peut-être aussi que l’exemple de la petite fraction des lecteurs les plus actifs va les inspirer ?
Dans tous les cas, nous pouvons affirmer qu’effectivement, la présence d’une bibliothèque villageoise incite les élèves à lire plus de livres. Cette lecture, paradoxalement, ne conduit pas à des notes élevées au niveau du test de lecture. Mais la faible différence entre les résultats des tests de lecture ne devrait pas nous mener à conclure que les bibliothèques ont peu d’impact. Elles ont un grand impact sur les habitudes de lecture, et ce fait est assez positif pour la plupart des lecteurs.
Décembre 2006