Du film au DVD
Le métier d'éditeur
Hélène Petitjean
Du repérage de film cinématographique à la négociation des droits, en passant par les différents aspects de la fabrication et de la promotion du DVD, l’édition vidéo, beaucoup moins connue que l’édition écrite, méritait bien que l’association Horschamp 1 lui consacre cette journée d’étude, le 20 mars 2006, à la bibliothèque Buffon à Paris.
La négociation des droits
Trois groupes d’éditeurs se partagent le marché vidéo : les majors appartenant aux grands studios américains (Warner, Paramount…) qui détiennent 65 % du marché, les filiales de chaînes de télévision (TF1, Arte Vidéo…) et les éditeurs indépendants (Montparnasse, René Chateau, Bach Films…) 2. Ces derniers ne s’intéressent qu’aux producteurs indépendants car les majors et les chaînes de télévision gèrent leurs propres productions en exclusivité. Les producteurs peuvent s’adresser directement à l’éditeur pour lui soumettre un projet alors que le film est en phase de production. Mais la plupart du temps, c’est l’éditeur qui repère le film et qui est à l’initiative des transactions.
Pour les films récents, repérés au cours de festivals, l’éditeur s’adresse au producteur afin de négocier les contrats vidéo après avoir vérifié qu’il est bien le détenteur des droits du film. Trois types de contrat existent : le « contrat flat » (qui se limite à une somme forfaitaire car les risques commerciaux sont élevés), le « contrat sur royautés » (l’éditeur reverse un pourcentage sur ses ventes) et enfin le plus courant, le « contrat mixte » (l’éditeur verse une avance plus ou moins élevée puis un pourcentage à chaque vente quand l’avance a été atteinte). L’éditeur détient l’exclusivité du contrat pour une durée qui varie de 7 à 10 ans sur un territoire donné (France, Belgique, Suisse, Monaco et Andorre) mais qui peut s’étendre au monde entier.
La concurrence est sévère et le producteur peut faire monter les enchères. Pour un film sorti en salle, l’avance minimale est actuellement de 150 000 euros. Il arrive que deux éditeurs se partagent les droits, ainsi pour Himalaya, l’enfance d’un chef, les éditions Montparnasse ont cofinancé avec France Télévisions l’avance qui s’élevait à 2,2 millions d’euros. 500 000 DVD ont été vendus.
Pour les films anciens (plus de 15 ans), retrouver le détenteur des droits relève de l’enquête policière car il est fréquent qu’un film passe entre plusieurs mains. L’inscription au CNC (Centre national de la cinématographie) est la règle pour les films sortis en salle mais ce n’est pas une obligation. L’éditeur doit s’appuyer sur ses juristes qui mènent leurs investigations dans les festivals, la presse professionnelle ou les cinémathèques.
Les petits éditeurs comme Bach Films préfèrent négocier des « contrats flats ». Ils profitent de l’après-marché pour acheter à des prix intéressants des films qui n’ont pas trouvé preneur.
Pour les films anciens et particulièrement ceux tombés dans le domaine public (70 ans après la mort du dernier détenteur de droits), il est rare de trouver une copie intégrale de qualité. S’engage alors une recherche dans le monde entier afin d’obtenir la copie la plus complète et la mieux conservée. Les frais de restauration varient selon l’état des copies et la longueur du film. Un nettoyage de l’image par balayage peut être complété par de lentes réparations manuelles en cas de pliures ou de brûlures. Le son peut subir aussi de nombreuses dégradations. Pour les films récents, la copie bêta analogique ou numérique détenue par le producteur est souvent de bonne qualité mais est vérifiée en laboratoire.
La fabrication du DVD
William Gaumont (société DVD Maker) a décrit les étapes de la fabrication d’un DVD. Selon les négociations et les contraintes techniques, l’éditeur choisit le type de DVD (une ou plusieurs couches, une ou plusieurs faces), le standard (Pal pour le monde entier à l’exception des États-Unis et du Japon [NTSC]), le format de l’image et du son et la zone géographique des droits.
Au cours du pré-mastering (avant le pressage en usine) sont conçus l’arborescence (le contenu du DVD) et les aspects techniques : nombre de pistes audio, de doublages, de sous-titrages selon les droits obtenus et enfin les suppléments et la jaquette en accord avec le producteur.
Il faut savoir que les fabricants de lecteurs de DVD se sont regroupés en consortium afin de déterminer les normes techniques d’un DVD qu’un lecteur doit pouvoir lire. Mais tous les fabricants n’appartiennent pas à ce consortium, ce qui explique que certains DVD ne sont pas lisibles par tous les lecteurs.
Première étape, le graphisme (affichage du menu, du texte de loi, du logo, du chapitrage, de l’accès aux langues, aux bonus) peut être plus ou moins soigné, plus ou moins animé selon la demande et surtout les moyens de l’éditeur. Le graphiste travaille avec des logiciels pour le montage des images (Photoshop) et le son (Aftereffect). L’éditeur valide chaque écran.
L’encodage du film constitue la deuxième étape. Le film est capturé à partir d’une cassette bêta. Il est encodé en fichiers MPEG2 (norme de compression vidéo) et, pour le son, dans la norme choisie selon la qualité voulue 3.
L’authoring est la troisième étape. Tous les éléments audios et vidéos sont assemblés et reliés entre eux par le système de navigation. À chaque « claque » (image) est associée une valeur qui renvoie à un numéro de chapitre ou un time-code. Une partie Rom peut être ajoutée (affiche du film, galerie de photos). L’éditeur choisit le système de protection interdisant la copie : le CSS (Content Scrambling System) est le plus courant car il n’implique pas de versement de droit contrairement à Macrovision.
Chaque couche de DVD est ensuite enregistrée sur une bande numérique (DLT) qui est transmise à l’usine de pressage qui en extrait les données avant de réaliser le moule (glass master) qui servira au pressage des DVD.
La promotion du DVD
Seven Sept-Metropolitan possède un catalogue de 350 films et sort 10 DVD par mois. Sylvie Legrand, son attachée de presse, travaille avec les services commercial, marketing et communication, ainsi qu’avec les chefs de produits et les chefs de projets qui ont conçu les DVD. Elle envoie les DVD tests et les communiqués aux journalistes lors des sorties vidéo ou de l’établissement des plannings des sorties. Certains sites Internet sont réservés aux journalistes qui peuvent télécharger les fiches techniques, les jaquettes et autres éléments du DVD.
Le travail avec la presse écrite se fait plus en amont (deux mois avant la sortie vidéo) et tend à disparaître au profit de la presse sur Internet. Parfois, certains producteurs bloquent l’information jusqu’à la sortie du DVD afin d’interdire à la presse de donner son avis !
Aujourd’hui, la vente du DVD est la principale ressource financière du cinéma avant les entrées en salles puisqu’elle finance 55 % de la production. Un échec cinématographique peut se révéler un succès vidéo. On recense en moyenne 200 sorties de DVD par mois.
78 % des ménages étaient équipés en lecteur DVD en 2005 et 82 % le seront fin 2006. Malgré une légère hausse des ventes de DVD en 2005 (+ 0,35 %) bien moindre qu’en 2004 (+ 23 %), on note un effondrement du chiffre d’affaires (– 12 %). En effet, les prix « cassés » pratiqués sur Internet où les ventes ont augmenté de 400 %, ainsi que le succès rencontré par les points presse qui proposent aussi des DVD à prix réduits, entraînent une baisse générale des bénéfices.
Le DVD devient parfois un simple produit dérivé vendu dans un paquet de corn flakes ou avec un quotidien. Serait-on en train de tuer la poule aux œufs d’or ? On peut enfin s’interroger sur l’avenir du DVD qui fête ses douze ans et semble aujourd’hui menacé par la VOD (vidéo sur demande), la diffusion sur les téléphones portables et l’annonce d’une future guerre commerciale entre le format Blue Ray lisible par la future Playstation 3 et le format HD-DVD (haute définition). À l’ère du tout numérique, verra-t-on disparaître, avec le support-objet DVD, les intermédiaires que sont les éditeurs et bien sûr les vidéothèques ?