Le patrimoine écrit, une responsabilité partagée
9es journées des pôles associés
Annie Le Saux
C’est à Rennes, tout près de la douzième – et dernière – bibliothèque municipale à vocation régionale construite depuis douze ans, que se sont déroulées, les 30 juin et 1er juillet derniers, les 9es journées des pôles associés organisées par la Bibliothèque nationale de France en collaboration avec Rennes Métropole 1.
Le thème de ces journées « Patrimoine écrit : une responsabilité partagée », répondait à un besoin de plus en plus manifeste de mise en commun, d’échanges d’expériences et surtout, comme l’a dit et redit Valérie Tesnière (Bibliothèque nationale de France), de lisibilité et de visibilité des actions des uns et des autres.
Des actions dont la BnF est souvent le moteur et qu’elle cherche, de plus en plus, à réaliser à partir d’un « travail en réseau, avec partage et organisation des responsabilités des uns et des autres » (Jean-Noël Jeanneney, président de la BnF).
D’autres acteurs institutionnels sont à l’origine, eux aussi, de programmes de coopération, dont les enjeux sont communs à ceux de la BnF. Le Plan d’action pour le patrimoine écrit 2, par exemple, lancé par la Direction du livre et de la lecture, a pour but « de mieux connaître, mieux valoriser et mieux conserver un patrimoine aux formes multiples, dispersé sur l’ensemble du territoire ». (Marc-André Wagner, DLL) Pour ce faire, le Pape s’appuie sur une enquête auprès des bibliothèques territoriales, des bibliothèques de sociétés savantes, universitaires ou encore privées (Michel Yvon, DLL).
Le cas particulièrement intéressant d’une coopération rendue complexe par la diversité des institutions participantes fut exposé par Gilles éboli (Cité du livre d’Aix-en-Provence). Dans la région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur) des établissements aux statuts variés se sont réunis en une association complémentaire du pôle associé « Échanges en Méditerranée » pour valoriser leurs richesses patrimoniales. C’est un des exemples d’une « adaptation souple aux réalités locales », qui respecte néanmoins les conventions, que Valérie Tesnière a vivement encouragé.
Signalement et valorisation
La politique territoriale de la BnF est cependant souvent mal perçue par les bibliothèques, comme en témoigne une enquête citée par Jean-Noël Jeanneney et lancée en mars 2005 par l’Association des directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes (ADBGV) 3. Autant le retentissement d’expositions comme celles sur la mer réalisée en collaboration avec Brest, sur l’affichiste Cassandre (avec Chaumont) ou sur le bestiaire médiéval (avec Troyes) est positif, autant d’autres services tels que les dérivations de notices, les prêts d’œuvre ou le rôle des pôles associés semblent mal connus ou mal compris.
La BnF a donc décidé de privilégier l’amélioration de deux de ses outils à portée nationale et internationale (le CCFr et Gallica). Cette action s’adresse aussi bien au catalogage des fonds anciens qu’aux liens avec les catalogues en ligne ou à la numérisation des revues des sociétés savantes et des quotidiens nationaux et régionaux.
Ainsi le CCFr s’est-il fixé comme priorité d’augmenter progressivement le nombre de catalogues interrogeables simultanément et de proposer des résultats fusionnés, afin de « donner au public le moyen d’identifier le plus rapidement et le plus simplement possible les sources qu’il recherche » (Véronique Falconnet, BnF). Deux exemples concrets ont illustré ces propos : le projet de numérisation et d’encodage du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France dont la mise en ligne via le CCFr va permettre le signalement de manuscrits, qui, pour la plupart d’entre eux, ne font l’objet d’aucune description dans les catalogues informatisés des BM concernées. Le second exemple concernait le catalogue collectif et de localisation du réseau européen des bibliothèques judaica et hébraica, Rachel 5 (Jean-Claude Kuperminc, bibliothèque et archives de l’Alliance israélite et universelle).
Le deuxième axe de travail de la BnF concerne Gallica et la visibilité à donner aux programmes de numérisation qu’il partage avec les pôles associés (partage des compétences, partage des collections), pour devenir, à terme, un portail (Frédérique Joannic-Seta, BnF). Une nouvelle maquette – l’actuelle datant de 2000 – devrait voir le jour en 2006. La solution OAI 6, protocole simple et ouvert qui utilise des standards reconnus sur le web (http et XML), et qui permet de fédérer des contenus dispersés – a été choisie (Emmanuelle Bermès, BnF).
Deux exemples de partenariat avec Gallica ont été cités : celui du Conservatoire national des arts et métiers et celui de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine, dont Jean-François Vincent (BIUM) a détaillé la répartition. Medic@ 7 (bibliothèque numérique d’articles, de thèses, monographies, périodiques médicaux) et la BnF jouent la carte de la complémentarité documentaire dans le domaine de la médecine. Chacune d’entre elles gardera son identité, et l’utilisateur, grâce au protocole OAI-PMH, fera une seule recherche.
Conservation et numérisation réparties
Confronté à l’impossibilité de tout conserver de façon centralisée, le dépôt légal, dont Fabien Plazannet (DLL) a récapitulé le cadre législatif et réglementaire, avec la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information et la réforme du décret du 31 décembre 1993 8, est en voie d’évoluer vers une nouvelle distribution des exemplaires. La réforme prévoit, pour les documents imprimés, une réduction du dépôt légal éditeur à 2 exemplaires au lieu de 4 actuellement, et du DL imprimeur à 1 au lieu de 2 exemplaires.
Cette future réforme, dont les traits essentiels ont été énoncés par Danièle Heller (BnF) et par Catherine Gazziello (BM de Poitiers), confirmera la vocation patrimoniale de l’exemplaire du DL imprimeur. Vingt-six bibliothèques dépositaires seront chargées de le collecter et un contrôle croisé sera effectué avec le DLE reçu par la BnF. On aboutira ainsi à deux collections : une complète à la BnF (DLE) et une répartie dans les différentes régions (DLI).
La redistribution du second exemplaire du DLE se fera selon des profils qui ont été redéfinis, pour les monographies, par le Centre technique du livre de l’Enseignement supérieur et, pour les périodiques, par la BnF. « On va passer, se félicite Denis Bruckmann (BnF), d’une conservation redondante et non partagée à une conservation véritablement partagée, en réseau. » Dans le cas plus complexe de la presse quotidienne régionale (PQR) à éditions multiples, la BDLI devrait devenir une « bibliothèque de dépôt légal en région », car étant la seule à conserver les éditions locales, la BnF se chargeant de la conservation des pilotes et de l’édition principale.
Cette réforme s’accompagne d’une réflexion de la BnF sur une meilleure coordination des plans de numérisation de la presse quotidienne régionale. Des négociations sont en cours avec Ouest-France pour la numérisation de Ouest-Éclair, qui seront ratifiées par une convention. Cette action vient en complément du plan de numérisation de la presse quotidienne nationale, dont Pascal Sanz (BnF) a exposé les choix numériques et techniques 9 et précisé qu’il s’agissait de grands titres de la presse quotidienne française des XIXe et XXe siècles, représentant différentes tendances politiques. Le premier de ces quotidiens à être numérisé est La Croix, qui sera accessible début 2006. Suivront Le Figaro, L’Humanité et Le Temps.
Nouvelles conventions 2006-2008
Des conclusions ont été tirées après consultation des pôles associés sur les services qui leur étaient offerts, qui ont amené à diversifier les actions de coopération, à mieux les adapter aux besoins et à les rendre plus lisibles. Valérie Tesnière les a clairement détaillées : une plus grande clarté au niveau des interventions (qui intervient et pour quel type de prestation ?) ; une priorité donnée au réseau des pôles associés au travers d’une « carte des pôles associés », dans les domaines notamment de la conservation et des formations (de formateurs) ; de nouvelles conventions 2006-2008, selon un dispositif triennal incluant éventuellement d’autres types de coopération (le Pape par exemple). Ce nouveau dispositif devrait entrer en vigueur en janvier 2006.