Éditorial

Anne-Marie Bertrand

En ce temps-là, la situation était simple. Le monde des bibliothèques était rassemblé sous la tutelle unique de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique (DBLP). Un petit monde (environ 10 000 emplois en 1975, environ 35 000 aujourd’hui), homogène, connu et reconnu. La disparition de la DBLP, en 1975, il y a trente ans, a provoqué une faille identitaire (sommes-nous toujours pareils, bien que séparés ?). Et peut-être des évolutions divergentes. C’est ce « peut-être » que ce dossier cherche à examiner : entre bibliothèques d’étude et de recherche, d’une part, et bibliothèques de lecture publique, d’autre part, les métiers se sont-ils éloignés, spécialisés ou, au contraire, sont-ils restés proches, voire globalement similaires ?

Des arguments pour l’une ou l’autre réponse semblent tout aussi valides. Ainsi, on peut soutenir que le rapport au territoire ou le rapport au politique diffèrent grandement entre les types de bibliothèques. Que la relation au public, plus ou moins captif ou tout à fait libre, est un des éléments de différenciation. Que le rapport au savoir, à sa production et à sa diffusion est très éloigné dans une bibliothèque universitaire de ce qu’il est dans une bibliothèque municipale.

Inversement, on peut soutenir tout aussi valablement que, dans tout type de bibliothèque, les bibliothécaires ont le même rôle de constituer, organiser et rendre accessibles des collections de documents. Que les outils utilisés sont peu ou prou les mêmes. Que les compétences sollicitées sont peu ou prou les mêmes. Que tous travaillent dans le cadre de politiques publiques. Que les notions d’intérêt général et de service public sont largement partagées.

Encore du combustible pour alimenter la chaudière de l’interrogation identitaire. Qui, semble-t-il, se nourrit de plus en plus de « Nous ne sommes pas », à défaut de savoir dire « Nous sommes ». « Nous ne sommes ni des auteurs, ni des ingénieurs, ni des commerçants, ni des professeurs mais une nouvelle espèce d’experts qui doivent gérer les modes d’accès au savoir », dit Michel Melot. Une nouvelle espèce ? La disparition de la DBLP comme étape du darwinisme professionnel…