Information science in theory and practice
Brian C. Vickery
Alina Vickery
La préface est l’occasion pour les auteurs d’expliciter les objectifs de l’ouvrage – apporter une contribution au développement de la science de l’information –, mais aussi de souligner les modifications essentielles caractérisant cette troisième édition, avec un nouveau chapitre consacré à Internet.
Refonte ou rédaction d’un nouveau volume ?
Dans le premier chapitre, « Information science : emergence and scope », la science de l’information est définie comme l’étude de la communication de l’information dans la société. C’est donc une science complexe et profondément multidisciplinaire comme le précise l’annexe 2 : « Areas of study in information science ». L’environnement urbain joue un rôle déterminant dans l’apparition de ce nouveau domaine de connaissance, avec l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation sociale à l’origine d’un système d’information inédit. C’est pourquoi il importe d’avoir « a social approach to information » (chapitre 2) permettant de présenter le rôle et les besoins des acteurs concernés dans l’acte de communication de l’information, de comprendre la nature intrinsèquement sociale du processus de transfert de l’information.
Une place à part est donnée au réseau Internet à l’origine de bouleversements importants dans la communication de l’information avec un impact et des conséquences encore mal mesurées sur la science de l’information et les professions. Dans le chapitre 10 (« The Internet and information science »), les auteurs se préoccupent essentiellement des processus de recherche d’information, des assistances apportées à l’usager pour trouver des informations de toute nature : scientifique, événementielle, pratique… Bizarrement, ce chapitre est le lieu qu’ils utilisent pour proposer une conclusion générale, rappelant que ce livre est leur « apport imparfait » à l’émergence d’une science de l’information cohérente. Ils en profitent également pour signaler au lecteur une soixantaine de publications caractérisées par des mots clés complétant leur propre texte.
Ces références, le lecteur les retrouve dans une longue bibliographie d’environ 800 titres. Ils retrouvent également les mots clés, fusionnés dans un important et indispensable index, véritable boussole pour s’orienter dans ce travail dense.
L’ouvrage, toutefois, soulève la problématique liée à toute réédition revue et corrigée. Refonte totale ou rédaction d’un nouveau volume ? Ici, la plupart des références ou enquêtes des neuf premiers chapitres renvoient à des études relativement anciennes (1950-1980). Les travaux cités sur l’intelligence artificielle datent des années 1980. Les auteurs parlent de serveurs tels que Dialog ou Datastar sans actualisation et présentent Prestel comme un exemple de système d’information.
Nous ne signifions pas, pour autant, que ces informations sont sans intérêt. Il est souvent utile de rappeler les travaux des pionniers afin de mesurer les distances que le temps a créées entre eux et leurs successeurs ou, au contraire, les questions identiques qui les réunissent. Cependant, le lecteur aurait préféré que les neuf premiers chapitres soient davantage actualisés. Le chapitre 10 offrait cette occasion mais les liens établis avec les chapitres précédents sont un peu superficiels. Ainsi les chapitres 5 (« Information retrieval »), 6 (« Semantic retrieval ») et 10 auraient mérité d’être fusionnés pour tout ce qui est relatif à la recherche. Le choix de dédier un chapitre à Internet, au lieu de l’intégrer dans les autres chapitres, entraîne les auteurs dans de nombreuses redondances – par exemple sur la communication scientifique – et sépare des informations qui auraient dû être rapprochées. La bibliographie révèle d’ailleurs cette problématique éditoriale car la plupart des références datant des années 1995-2004 ne renvoient qu’au chapitre 10.
Un ouvrage résolument anglo-saxon
Par ailleurs, le lecteur français peut exprimer deux principaux regrets : la traduction de ce texte fondamental n’existe pas. Mais surtout il ne peut que regretter l’absence de professionnels de l’information latins, en particulier français ou francophones. Otlet comme La Fontaine sont totalement ignorés. La bibliographie répare un peu cette absence en citant quelques auteurs : Escarpit, Gardin, Moles. Cependant, comme le reconnaissent d’ailleurs les auteurs, l’ouvrage reste résolument anglo-saxon. Tout se passe comme si, dans ce monde de l’information où l’on met constamment en avant le concept de mondialisation et de communication sans frontières, les communautés professionnelles continuaient à avancer dans des tunnels parallèles sans se connaître ni se reconnaître par-delà leurs langues ou leurs nationalités.
Cependant, cette étude reste intéressante. Les auteurs soulèvent de façon exhaustive toutes les problématiques liées à la science de l’information, comme le précise le titre : théorie et pratique. B. et A. Vickery apportent ici une contribution de haut rang à cette science. C’est pourquoi tous les professionnels de l’information, qu’ils soient chercheurs, enseignants ou praticiens doivent lire ce texte, pierre essentielle de l’édifice scientifique en train de se construire. Les étudiants en bibliothéconomie, en documentation mais aussi ceux de journalisme ou de communication y trouveront des pistes de travail, des exemples ou des modèles d’enquête à exploiter. Tous y trouveront un matériau riche pour acquérir ou consolider une culture professionnelle nécessaire, de nombreux points de réflexion et l’occasion de rencontrer des auteurs inédits en France.