Une nouvelle demeure pour la plus grande bibliothèque parlementaire d'Europe
Gernot U. Gabel
Le 10 décembre 2003, Wolfgang Thierse, président du Bundestag, le Parlement allemand, a inauguré à Berlin le nouveau bâtiment de la bibliothèque, ouverte aux seuls membres de l’Assemblée nationale. Le dernier ajout à l’ensemble architectural du centre historique de Berlin a pris le nom de Marie-Elisabeth-Lüders-Haus, en souvenir d’un ancien membre du Parlement.
Un chantier de cinq ans
Le nouveau bâtiment fait partie d’un ensemble dénommé l’« aile fédérale », englobant trois édifices situés au nord et à l’ouest du Reichstag historique, l’un des points de repère de Berlin. Le Reichstag a été érigé à la fin du XIXe siècle et rénové au milieu des années 1990 par l’illustre architecte Norman Foster. Son dôme transparent avec un passage pour piétons en spirale fait partie des principales attractions touristiques de la ville. Quand les députés ont opté en 1993 pour Berlin comme nouvelle capitale de l’Allemagne réunifiée, les autorités fédérales chargées des constructions ont lancé un ambitieux programme qui ne se contentait pas d’inclure la rénovation du Reichstag mais concernait également la construction de trois nouveaux bâtiments, conçus pour accueillir les députés ainsi qu’un nombre croissant d’assistants et de chercheurs parlementaires. Le coût total du déménagement et de l’emménagement et du gouvernement allemand, de ses divers ministères et agences fédérales de Bonn à Berlin a, à l’heure actuelle, dépassé 1,5 milliard d’euros.
Le Marie-Elisabeth-Lüders-Haus est situé au nord du Reichstag, sur la rive opposée de la rivière Spree, qui serpente à travers la capitale. Le bâtiment est relié aux deux autres édifices formant l’« aile fédérale » par un élégant pont piétonnier. La construction tout en longueur, qui a nécessité plus de cinq ans et coûté aux contribuables allemands 220 millions d’euros, a été conçue par l’architecte allemand Stephan Braunfels, salué dans le monde entier pour la réalisation du musée d’Art moderne de Munich, inauguré fin 2002. Le public et la presse ont applaudi la variété des formes de ce dernier ajout à l’ensemble gouvernemental.
La nouvelle structure, une ossature lisse faite de béton, d’acier et de verre éclatants, avec un avant-toit, est surmontée d’une toiture plate recouvrant la galerie centrale. Le bâtiment, surprenant, offre un total de 68 000 m2 de surface utile. Outre la bibliothèque, y ont pris place les archives parlementaires, un auditorium carré ainsi qu’environ 600 bureaux destinés aux services de recherche parlementaires. Au rez-de-chaussée, une galerie d’art et une salle de remise en forme réservée exclusivement aux députés seront bientôt créées. L’escalier spacieux, qui descend directement de la galerie jusqu’au bord de la Spree, est accessible au public. Lors de la construction, on s’est préoccupé de faire des économies d’énergie et le bâtiment est chauffé par une usine thermique. En souvenir de la ville autrefois coupée en deux – le nouveau bâtiment est construit sur un terrain qui faisait partie de l’infâme « bande de la mort » le long du mur de Berlin – un morceau du mur a été placé dans le sous-sol.
Une salle de lecture circulaire
La bibliothèque est manifestement la pièce centrale de cet ensemble. Elle est agrémentée d’une salle de lecture circulaire rappelant aux visiteurs son célèbre modèle, la salle de lecture du British Museum à Londres, construite au milieu du XIXe siècle. Le cylindre de verre de la rotonde de la bibliothèque s’élève au-dessus de la toiture soutenue par des piliers élancés. La façade de la bibliothèque, haute de cinq étages, est éclairée par de larges baies, qui offrent aux usagers une vue imprenable sur le Reichstag et les autres bâtiments du Parlement. La bibliothèque est équipée de rayonnages et de tables en bois, ce qui donne aux salles une chaude note marron clair. L’intérieur de la rotonde est paré d’un « cercle bleu », créé par des néons, qui, au-dessous du plafond, dessinent une boucle de lumière de plus de 80 mètres de longueur. Les magasins, équipés de 60 km de rayonnages, sont dans les sous-sols du bâtiment. La salle de lecture a une superficie de 1 270 m2 et les magasins de 8 380 m2.
Créée en 1949, la bibliothèque du Parlement allemand a été pendant plus d’un demi-siècle localisée à Bonn, alors capitale de la République fédérale d’Allemagne. À ses débuts, elle n’a pas pu profiter de l’immense collection de la bibliothèque du Reichstag (environ 400 000 volumes), qui fut en grande partie détruite par un incendie criminel en 1933 et entièrement décimée dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale. La nouvelle collection a donc commencé avec un fonds d’environ un millier de volumes, qui s’est accru jusqu’à une collection importante couvrant de larges aspects de la vie, de la politique et de l’histoire allemandes. Chaque année, 30 000 nouveaux titres viennent s’ajouter au fonds. La bibliothèque est abonnée à environ 11 000 titres de revues. Plus de 80 000 articles sont consultés annuellement par les députés et leurs collaborateurs. Près de cent personnes sont employées par la bibliothèque.
Avec l’augmentation constante de la documentation, la bibliothèque parlementaire avait vu, il y a des années, son modeste logement des rives du Rhin craquer de toutes parts, ce qui avait nécessité le déménagement d’une partie considérable des collections dans près de 20 dépôts provisoires. Avec le déménagement à Berlin, la période des logements de fortune est enfin révolue. Pour la première fois en ses 54 ans d’histoire, la bibliothèque s’est vue offrir une résidence imposante. Avec une collection de plus d’1,3 million de volumes, la bibliothèque du Parlement allemand est la plus grande dans son genre en Europe et la troisième plus grande du monde, après la Bibliothèque du Congrès à Washington et la Diète japonaise à Tokyo.