L'europe et la culture
rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne
Si la culture est un enjeu majeur pour la construction de l’Europe – ce dont ne doute pas l’auteur, le sénateur Maurice Blin –, quel bilan peut-on dresser de l’action culturelle communautaire ? Un « bilan en demi-teinte » indique pudiquement l’un des sous-titres de ce rapport. Pourtant, à la lecture, il paraît très négatif.
Si la culture est dans les compétences du Conseil de l’Europe dès 1949, il faut attendre Maastricht (1992), puis l’article 151 du traité d’Amsterdam (en vigueur depuis 1999) pour une reconnaissance explicite de la culture comme compétence communautaire. Ajoutons que la culture est l’un des très rares domaines où s’applique la procédure de décision la plus lourde possible, celle qui nécessite à la fois un accord complet entre le Conseil et le Parlement européen, et l’unanimité au sein du Conseil…
Culture 2000
« Culture 2000 », premier programme cadre pour la culture, a été une tentative de regrouper des objectifs auparavant dispersés dans les programmes « Raphaël », « Ariane » et « Kaléidoscope » 1.
Un programme cadre unique, une action 2 2 qui favorise la constitution de réseaux européens de professionnels, la mise en place de relais d’informations : ces progrès ne doivent pas masquer le manque de cohérence, le manque de moyens, un effet d’appel qui a multiplié les déceptions, et surtout, la persistance de subventions particulières accordées par le Parlement directement à des organismes divers.
Du côté de la politique audiovisuelle, les débats sont houleux, peu productifs, et voient la confrontation entre des positions inconciliables : favorise-t-on la production ou la diffusion ? Enfin, les échanges d’étudiants restent faibles et concentrés sur trois pays (France, Grande-Bretagne, Allemagne).
Paradoxalement, les fonds structurels (Fonds européen de développement régional-FEDER, Fonds européen d’orientation et de garantie agricole-FEGOA, Fonds social européen-FSE), où la culture peut être présente dans la mesure où elle est un élément de développement économique et social, sont la principale source du financement communautaire dans le domaine culturel (la part culture des fonds structurels est douze fois plus importante que le budget « Culture 2000 »). Certes, les problèmes ne sont pas simples. L’articulation entre la notion de marché unique – et donc de libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux –, et celles de reconnaissance des professionnels, de légitime protection du patrimoine culturel des États, d’harmonisation entre les systèmes de droit d’auteur et de fiscalité, n’est pas aisée. On peut même aller jusqu’à dire que l’application stricte des règles de concurrence en matière culturelle est en contradiction avec la définition d’une action culturelle européenne et la défense de l’« exception culturelle » dans les relations extérieures de la Communauté.
Quel avenir ?
Les freins à une action culturelle européenne ne manquent pas : l’Europe privilégie des actions dispersées à retentissement local, la direction chargée de la culture a très peu de poids, et certains États ne souhaitent pas d’action culturelle commune. Les dangers sont connus : « déferlante » de la culture d’origine américaine, système de prix unique du livre menacé (les accords transfrontaliers sont considérés comme des ententes, la résolution qu’a réussi à faire adopter la France sur le commerce électronique n’a pas de valeur juridique contraignante), un marché de l’art européen peu valorisé… L’Europe dispose de richesses culturelles considérables, liées à son histoire et à sa créativité : à elle de se doter d’un projet politique culturel. C’est au niveau de la diffusion des œuvres – entre des États membres encore très cloisonnés et au-delà des frontières européennes – que se joue l’avenir de la culture européenne.