Le catalogue collectif de France
Contenus et évolutions
Olivier Tacheau
Au début des années quatre-vingt-dix, la Bibliothèque nationale de France (BnF) se voyait confier la maîtrise d’ouvrage de l’ambitieux projet du Catalogue collectif de France (CCFr), qui devait à terme offrir l’accès à plus de quinze millions de notices des bibliothèques françaises. Aussi, l’achèvement de la phase de conception-réalisation lancée en 1997 s’avérait-il l’occasion de présenter un état des lieux du projet à plus de trois cents professionnels réunis le 23 novembre dernier à la BnF, ainsi que d’engager une réflexion sur les possibilités d’évolution technique et fonctionnelle de cet outil d’identification, de localisation et de fourniture de documents.
Si les amateurs de pataphysique auront apprécié l’abondance de schémas alambiqués et de sigles ésotériques distillés sans parcimonie par les différents intervenants, les néophytes comme les experts auront néanmoins glané de précieuses informations sur le fonctionnement et les missions du futur CCFr, en dépit de certaines réponses partielles, voire partiales, fournies aux questions de l’auditoire, il est vrai souvent prématurées ou peu constructives, d’aucuns n’hésitant pas à jouer le rôle habituel du tireur embusqué... !
La matinée fut donc l’occasion de revenir sur les trois principales bases bibliographiques que le CCFr interfacera en un seul accès dans le courant de 2001 : BN-Opale Plus, le système d’information de la BnF, le Système universitaire de documentation appelé Sudoc et le BMR, catalogue des bibliothèques municipales rétroconverties, auxquels il convient également d’ajouter le RNBCD, Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation, actuellement composé de 3900 notices d’établissements.
BN-Opale Plus
Accessible depuis mai 1999 sur Internet, BN-Opale Plus 1 est aujourd’hui, avec près de 7 millions de notices bibliographiques et 850000 notices d’autorité, le plus grand catalogue de bibliothèque francophone en ligne. Marcelle Beaudiquez, directrice de l’Agence bibliographique nationale, rappela cependant que BN-Opale Plus ne contient ni les collections spécialisées de la BnF ni les ouvrages en libre accès à Tolbiac qui possèdent, à l’instar de Gallica pour les documents numérisés, leurs propres catalogues.
La mise à jour de BN-Opale Plus demeure une question cruciale. En effet, les correctifs et l’intégration des nouvelles notices se font dans BN-Opale, base à partir de laquelle BN-Opale Plus est mise à jour tous les trois ou quatre mois. La fin de l’année 2001 devrait voir BN- Opale Plus devenir une vraie base de travail où les modifications en ligne seront possibles. En conclusion, Marcelle Beaudiquez anticipa sur les interrogations de l’assistance (cf. infra) en justifiant la présence de la BnF dans le futur CCFr comme l’ultime recours pour la fourniture de documents de substitution ou la réservation des originaux pour leur consultation sur place, dans les salles de la BnF.
Le Sudoc
La directrice de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES), Suzanne Santiago, présenta à son tour la seconde composante du CCFr : le Système universitaire de documentation 2.Conçu depuis l’origine comme un outil d’identification, de localisation et de fourniture des documents, le Sudoc provient de la fusion de plusieurs bases hétérogènes où les bibliothèques universitaires cataloguaient jusqu’à présent : BN-Opale (treize établissements), Sibil (vingt établissements) et OCLC (quarante-quatre établissements), auxquelles s’ajoutent la base Télé-thèses et le CCN-PS, catalogue collectif national des publications en série.
Ouvert en accès public sur Internet depuis avril 2000, le Sudoc offre aujourd’hui, au terme de longs mois de conversion informatique, environ 4,5 millions de notices dont 300000 seulement s’avèrent être des doublons à détruire. Suzanne Santiago présenta la philosophie générale du Sudoc qui repose sur un système d’échange entre une base centralisée à Montpellier et les systèmes locaux des cent dix établissements du réseau universitaire. Pour ce faire, deux types d’accès ont été mis en place, l’un professionnel pour le catalogage et la mise à jour en ligne à partir d’un client appelé WINIBW, l’autre public, pour l’accès au catalogue par Internet avec WINOPC, interface que la passerelle Z39.50 du CCFr intégrera. Le déploiement des 330 sites universitaires au rythme de sept à quatorze par mois devrait donc voir l’actualisation et la consultation du Sudoc en temps réel d’ici à la fin 2001.
Les bibliothèques municipales rétroconverties
Enfin, la responsable de la mission du Catalogue collectif de France, Edwige Archier, présenta la base bibliographique des fonds rétroconvertis des bibliothèques municipales (BMR) 3. Riche de près de deux millions de notices, cet outil interrogeable depuis juillet 2000 à la future adresse du CCFr connaît déjà un réel succès, comme en témoignent les mille sessions d’interrogation enregistrées en moyenne chaque jour.
Edwige Archier rappela aussi l’historique et les critères de sélection qui présidèrent aux trois campagnes successives qui ont permis depuis 1992 la conversion rétrospective des fichiers de plus de cinquante bibliothèques municipales. Le long inventaire à la Prévert des richesses et des célèbres fonds présents dans le BMR achoppe cependant sur la question du prêt de ces documents en majorité antérieurs à 1811 et qui n’ont donc pas vocation à quitter leurs bibliothèques détentrices... Ce paradoxe est vigoureusement évoqué par l’auditoire.
Vers quel prêt entre bibliothèques ?
Les bibliothécaires des universités se montrent d’autant plus inquiets que le Sudoc intégrera en ligne les fonctions du prêt entre bibliothèques (PEB), actuellement gérées par l’ABES. Leur crainte est alors de voir les demandes des utilisateurs affluer vers les fonds courants des bibliothèques universitaires, en l’absence d’autres documents empruntables dans le CCFr. Si Edwige Archier réaffirme que le CCFr avait aussi pour but de pallier la disparition du Centre national de prêt de Versailles en 1996, sa démonstration sur le futur système de prêt inter bibliothèques (PIB) propre au CCFr, et encore à réaliser, n’est pas totalement convaincante.
Le concept de « point focal » entre le Sudoc et le CCFr demeure en effet très obscur ainsi que les algorithmes informatiques qui permettront de réorienter les demandes en ligne des usagers vers la bibliothèque publique la plus proche, même si le fonds courant de cette dernière n’est pas signalé dans le CCFr ! L’évocation d’un signalement possible du dépôt légal imprimeur ou des fonds des pôles associés de la BnF dans le CCFr pour impulser le prêt pose plus généralement la question de l’accès et de l’élargissement du CCFr aux fonds courants des bibliothèques publiques.
Accès et fonctionnalités du CCFr
Les projets et les réalisations de catalogues collectifs en Europe présentés par Philippe Lévy, consultant chez Six et Dix, montrent qu’il existe d’autres modalités d’accès en ligne aux catalogues que la norme Z39.50 de la future passerelle d’interrogation du CCFr. Au terme d’un bref historique retraçant l’évolution de cette architecture client/serveur depuis 1981, Catherine Lupovici, directrice du Département de la bibliothèque numérique à la BnF, expliqua d’ailleurs qu’il faudra nécessairement faire évoluer le profil Z39.50 du CCFr pour offrir de plus grandes potentialités : sauvegarde des résultats, gestion des DSI (Diffusion sélective de l’information), travail hors ligne, commande de documents, recherche sur les états de collection, interrogation de bases hétérogènes du type musées, archives...
Véritable catalogue virtuel, le CCFr ouvrira donc trois potentialités qui pourront coexister : un portail permettant d’accéder aux catalogues des bibliothèques via les notices du RNBCD, un accès multibase Z39.50 (BNO-Plus, Sudoc, BMR) auquel devront progressivement s’agréger les profils de bases ou de catalogues collectifs locaux, un portail Internet de recherche orienté vers le texte intégral, mais plus lourd à mettre en place.
Couverture documentaire et services du CCFr
Deux expériences locales viendront éclairer en clôture de journée la question de l’élargissement horizontal et vertical de l’offre du CCFr.Tout d’abord, celle de la base bibliographique régionale de Champagne-Ardenne, présentée par Françoise Bérard, directrice de la bibliothèque de Châlons-en-Champagne, qui a pour objectif la réalisation d’un catalogue virtuel de 200000 notices interrogeables via une passerelle Z39.50. L’autre exemple est celui de la bibliothèque municipale de Lyon et le développement d’un catalogue enrichi proposant une offre diversifiée en ligne. Pierre Guinard montra alors, en marge des limites techniques, financières et juridiques, la difficulté, à la seule échelle locale, à dépasser l’enrichissement anecdotique du catalogue pour proposer des liens et des ressources en ligne à la fois pertinents et durables. Il présenta également la politique ambitieuse de la BM de Lyon en matière de fourniture de document de substitution sous trois formes : analogique (photocopie, microfilm, photographie...), numérique (en ligne) ou fac-similé (reproduction à la demande du document).
Au vu du nombre de notices du catalogue de la BM de Lyon avoisinant les 850000 pour seulement 120000 localisées dans le BMR, on comprend aussi l’intérêt d’interfacer les bases locales avec le futur CCFr. L’étendue des collections universitaires, estimée par Claude Jolly à environ dix millions de notices pour vingt-cinq millions d’exemplaires, démontre aussi la nécessité de poursuivre l’effort de rétroconversion entamé depuis maintenant plus de dix ans.
Courte pause dans une longue histoire passée et encore à venir, cette journée d’information a donc permis de mettre en lumière la complexité et les enjeux du Catalogue collectif de France qui s’avère être en ce début 2001, pour reprendre la conclusion donnée par les différentes tutelles à cette journée, à la fois un aboutissement, un chantier et un point de départ.