Culture et multimédia
Anne Dujol
S’inscrivant dans un programme de quatre jours consacré au développement des technologies de l’information et de la communication et sur l’initiative de la ville de Nîmes et de l’École des mines d’Alès (Enseignement, études et recherches en informatique et électronique-EERIE Nîmes), la bibliothèque du Carré d’art organisait à Nîmes, le jeudi 14 septembre 2000, la 4 e journée « Culture et multimédia ».
Cette journée, qui réunissait dans la salle de conférences du Carré d’art environ 200 professionnels des bibliothèques, a permis d’appréhender la pratique des nouvelles technologies dans les bibliothèques de lecture publique comme de recherche, puisque la Bibliothèque nationale de France (BnF) y présentait le projet Gallica 1, et la bibliothèque interuniversitaire (BIU) de Montpellier le cédérom Cantor et Musicus 2.
Les espaces culture multimédias
La première intervention, par J.-C.Théobalt, du ministère de la Culture et de la Communication, présentait les ECM (espaces culture multimédias) en décrivant les 110 sites ouverts depuis 1996 (sur un projet de 220 sites à échéance de 2001). Situés pour leur majorité dans des bibliothèques de lecture publique (45 bibliothèques) ou dans des structures socioculturelles (20 sites), les ECM, définis comme étant des cybercentres, favorisent l’animation et la formation autour des TICE (technologies de l’information et de la communication dans les enseignements d’ingénieurs et dans l’industrie), et apportent l’infrastructure technique et le savoir-faire en multimédia. Ils permettent le développement coopératif des TICE à l’usage du public.
Pour Sophie Pouts-Lajus, ethnosociologue, le travail des ECM sur les usages publics dans des structures publiques qu’elle étudie depuis plusieurs années, permet d’apprécier les évolutions, jugées plutôt lentes dans ce domaine, et de construire un discours modéré sur Internet, qui s’oppose aux discours emphatiques comme aux discours trop critiques. Rappelant les usages d’Internet observés pour le public adulte – initiation- formation, création de sites Web, usages souvent inscrits dans des projets individuels liés à des goûts rares (collectionneurs) ou personnels (généalogie, ateliers d’écriture, chats -bavardage, aide aux devoirs pour les enfants) –, Sophie Pouts-Lajus a plaidé pour un usage plus collectif d’Internet et montré tout le travail professionnel que cela nécessite.
Présenté par Sophie Courcoul, l’ECM de Nîmes, installé à la bibliothèque du Carré d’art, aura permis de mettre en oeuvre des accès libres à Internet pour le public adulte et des accès contrôlés pour les enfants (liste de sites autorisés à travers les logiciels d’Archimed). Dès l’ouverture, l’ECM, avec la mise en oeuvre d’accès à Internet comme au réseau de cédéroms, a remporté un immense succès auprès du public.
Gallica
Durant l’après-midi, Jean-Didier Wagneur, de la BnF, présenta Gallica. Dans le souci de « donner à voir », d’offrir une « porte d’accès à la bibliothèque numérique », de plus en plus de bibliothèques, dont les bibliothèques nationales, présentent sur Internet des corpus d’ouvrages numérisés. Défini comme un corpus de documents libres de droit en accès libre sur Internet, Gallica s’est enrichi de périodiques et d’outils linguistiques, tels les dictionnaires et les encyclopédies. Environ 40 % des ouvrages ont été acquis pour la numérisation, 60 % provenant des microfilms. Le fonds numérisé est composé de 80 % de monographies et de 20 % de périodiques, essentiellement des collections du XIX e siècle en sciences humaines. Les documents, recatalogués, indexés en Rameau à partir de la table des matières, constituent une base de données séparée. De la BnF, l’usager accède à l’ensemble des documents numérisés, y compris ceux dont les droits ont été négociés avec les éditeurs. En revanche, l’usager à distance n’accède pas au corpus des documents dont les droits ont été négociés, mais seulement aux documents libres de droit. Gallica 2000 comprend 40900 ouvrages en mode image (temps de chargement assez long), 12400 volumes en mode texte, 35000 images fixes. L’interface de navigation, déjà vieillie, offre deux modes d’accès, dont le mode « Découverte », plus adapté à l’initiation. Avec un budget de 70 MF et une équipe d’environ vingt personnes, le coût de numérisation reste inférieur à 1000 F par document.
L’anneau citoyen de Valenciennes
L’anneau citoyen de Valenciennes (ACV) permet « d’aller partout y compris de chez soi », comme le rappelle la plaquette de présentation 3.Présenté par Marie-Pierre Dion, directrice de la médiathèque, il rassemble 17 serveurs organisés en plusieurs intranets, ainsi qu’en extranet via Transpac. Financé sur des fonds européens afin de redonner une image à une ville sinistrée, l’anneau citoyen offre des services variés comme la recherche conjointe sur le catalogue de la bibliothèque municipale et de la bibliothèque universitaire, la messagerie, des forums de discussion, la création d’album personnel, la rubrique « Trouv’tout », des journaux intimes, des conférences Web-TV, ou encore en intranet, des cours destinés à la formation du personnel. Les habitants s’y inscrivent gratuitement, des micro-ordinateurs en accès public sont à leur disposition dans les services publics municipaux culturels : musée, théâtre, et, bien sûr, bibliothèque. La charte graphique de la ville est respectée. En se connectant sur les micro-ordinateurs de la bibliothèque, l’usager arrive sur la page d’accueil générale et a parfois du mal à trouver le catalogue. Les postes dispersés parmi les collections nécessitent trois surveillants. La complexité des applications et de la gestion bibliothéconomique reste invisible à l’usager, mais mobilise beaucoup les bibliothécaires. Alors que, pour les élus et les lecteurs, l’objectif serait d’aller vers le tout numérique, le choix de la bibliothèque est de ne numériser que les documents qui n’existent pas ailleurs, ou qui améliorent le service au public. Réalisation exemplaire de portail web municipal, l’ACV fédère les services publics qui facilitent les démarches des usagers et qui permettent un accès gratuit à un bouquet de services dont ceux de la bibliothèque, tout en offrant un usage privé d’Internet.
Pour conclure cette journée consacrée au multimédia culturel, Benoît Lecoq, directeur de la bibliothèque du Carré d’art, s’est réjoui que l’examen des contenus ait prévalu sur celui des aspects techniques. Le panorama des ECM, montrant la différentiation et la spécialisation des réalisations, aura permis d’apprécier l’extrême diversité des projets régionaux : ECM bibliothèque à Nîmes, ECM musique à Carcassonne, ECM cinéma Diago Kawenga à Montpellier.
Toutefois, face à ces projets aboutis et exemplaires, qu’ils soient nationaux ou municipaux, Benoît Lecoq exprima « une lueur d’inquiétude » issue du manque cruel de moyens du côté de certaines villes ou de petites médiathèques, où la difficulté de la mise en oeuvre des projets culturels multimédias se heurte à la complexité des organigrammes existants des collectivités territoriales.