Document numérique
Les Documents anciens
Dans leur introduction, Jacques André et Marie-Anne Chabin posent d'emblée la problématique qu'ils ont privilégiée pour ce numéro de Document numérique consacré aux documents anciens : « l'utilisation de l'informatique pour le traitement des documents d'autrefois ».
Un recueil d'expériences
On ne cherchera donc pas ici un manuel de numérisation des fonds anciens à l'intention des conservateurs, ni même un inventaire représentatif des réalisations et des projets en cours dans les établissements de conservation, mais plutôt un recueil d'expériences présentées, le plus souvent, du point de vue de l'utilisateur – historien, historien de l'art, philologue ou éditeur de textes anciens.
Deux grands ensembles de projets nationaux font toutefois l'objet d'une présentation plus traditionnelle – objectifs, moyens, résultats, perspectives : ceux des Archives de France et des Archives nationales (par Catherine Dhérent et Florence Clavaud), et celui de l'Institut de recherche et d'histoire des textes (par Élisabeth Lalou).
Cette publication ne fait donc nullement double emploi avec les ouvrages déjà publiés sur le sujet 1. Au contraire, elle vient très heureusement enrichir la réflexion des bibliothécaires, en mettant en avant les préoccupations des universitaires à travers plusieurs expériences éclairantes : conception d'un poste de travail intégrant de nombreux outils de recherche appliqués à l'étude des textes manuscrits (projet Philectre); édition électronique du Don Quichotte, présentant en hypertexte les variantes et les règles d'établissement du texte; application des principes de codage des textes électroniques à un corpus de lettres de rémission enregistrées par la chancellerie de Bretagne au XVIe siècle…
Limites de ces expériences
Pour le bibliothécaire, soucieux de simplicité et de standardisation, ces expériences trouvent toutefois leurs limites. Conduites par des équipes associant informaticiens et universitaires, elles risquent en effet de mener aux mêmes impasses que feu le PLAO (poste de lecture assistée par ordinateur) de la Bibliothèque nationale de France. La complexité de ce dernier, conséquence du souci louable d'y intégrer le maximum d'attentes d'un maximum de chercheurs de tous horizons, l'a finalement rendu irréalisable et obsolète, car l'offre standard du commerce s'était suffisamment enrichie entre-temps pour couvrir la plupart des besoins exprimés à l'origine.
Les bibliothécaires préféreront sans doute considérer ces projets comme des expériences pilotes, et chercher sur le marché les outils qui permettront de répondre, de manière standardisée, à des besoins moins spécifiques, mais plus généralisables.
La question du signalement bibliographique des documents anciens est quant à elle abordée à la fois sous l'angle des métadonnées par François Role, et à travers le projet Master de description normalisée des manuscrits, qui se fonde sur XML. Cette approche, qui fait la part belle à de riches perspectives d'avenir, risque elle aussi de buter sur une certaine incompréhension chez les bibliothécaires. Les problèmes cruciaux, dans les bibliothèques qui se lancent aujourd'hui dans la numérisation des manuscrits, sont en effet plutôt leur catalogage en Unimarc, comme les autres documents, et l'utilisation d'un système d'indexation des images qui concilie les besoins de cohérence interne au catalogue (Rameau s'impose alors) et la nécessité de décrire précisément les miniatures (et l'on pense au thésaurus Garnier).
Les contributions réunies par Jacques André et Marie-Anne Chabin peuvent donc paraître à première vue éloignées des préoccupations très immédiates des bibliothécaires. On peut également regretter que ne soient pas abordées plusieurs catégories de documents qui posent des problèmes spécifiques : journaux, gravures, cartes et plans, photos, enregistrements sonores… (il y faudrait au moins un deuxième volume entier!). Mais ce volume suscite la réflexion, ouvre des pistes nouvelles d'une grande richesse, et prouve, s'il en était besoin que, dans le domaine de la numérisation des documents anciens comme dans beaucoup d'autres, les bibliothécaires ont tout intérêt à être à l'écoute des expériences et des préoccupations des archivistes et des chercheurs.