Les défis de l'édition électronique en biomédecine

critères de recherche d'informations et de documents validés

par Corinne Verry-Jolivet

Pierre-Marie Belbenoit-Avich

Paris : Frison-Roche, 1999. – 328 p. ; 23 cm. ISBN 2-87671-333-0 : 295 F/ 44,97 euros

Un titre prometteur laissait espérer un tour d'horizon bienvenu sur le sujet complexe de l'information électronique biomédicale, sujet qui méritait une synthèse salutaire. Dès les premières pages, pourtant, on reste perplexe : de quoi cet ouvrage traite-t-il exactement ? L'information médicale n'apparaît qu'à partir de la page 143. À qui s'adresse l'ouvrage ? Aux médecins, aux bibliothécaires, aux documentalistes, aux producteurs d'information, aux chercheurs, à « l'utilisateur final », jamais bien défini ?

L'auteur, qui a eu l'intention louable de faire le tour de la question en plus de 300 pages, nous met en garde, il est vrai, sur la gageure qui consiste à figer sur le papier un sujet aussi rapidement évolutif. On peut penser, en effet, que l'ouvrage sera hors d'actualité d'ici moins d'un an. Mais finalement le problème n'est pas là, car même sur une courte durée, il est toujours bon de faire un bilan d'étape ; à condition que la cible en soit claire et l'objet défini.

Les causes de l'édition électronique

L'ouvrage débute par « les causes de l'édition électronique », ou ce qu'il aurait été plus heureux d'appeler « les conditions d'apparition de l'édition électronique ». Un ensemble de facteurs conjoncturels a permis l'émergence d'une édition scientifique électronique. Ce que l'auteur appelle « une désaffection de la forme papier » est en fait un nouveau processus de diffusion de l'information et de validation du contenu. Ce qui n'est pas montré suffisamment à travers ce processus, c'est comment, aujourd'hui, on passe progressivement de la notion de « document » à celle d'« information », beaucoup plus globale.

L'auteur montre bien cependant le changement qu'entraîne la publication électronique dans la notion de « document princeps » qu'on croyait immuable, bien qu'il ait tendance à considérer cette mutation comme acquise, alors que nous sommes encore dans une dynamique, une période de transition. Il explique aussi comment la question économique (les coûts des périodiques essentiellement), couplée aux avancées technologiques rapides, est au cœur de la question. Mais son analyse, qui consiste à voir dans la pression exercée par les documentalistes et les chercheurs sur les éditeurs une des « causes » essentielles de l'édi tion électronique, est sujette à caution.

Les caractéristiques de l'édition électronique

Le chapitre suivant traite des caractéristiques de l'édition électronique en général. Les « produits » électroniques sont passés en revue, des sommaires au texte intégral en passant par les diverses solutions d'accès, y compris celles proposées par les agences d'abonnement confrontées à l'obligation d'apporter une valeur ajoutée à leurs offres.

Suit un chapitre sur la presse sur Internet, qui reprend des questions souvent débattues, en particulier : les conditions pour qu'un périodique électronique devienne un avantage pour le lecteur ; la trop grande diversité des formats, des accès et des coûts, qui contribue à l'impression d'anarchie ressentie d'autant plus par les bibliothécaires et documentalistes qu'elle engendre des problèmes de gestion ; la question fondamentale de l'archivage, qui conditionnera l'accès à l'information rétrospective ; la question du peer review ou acceptation d'un article par les pairs avant publication, et sa remise en question avec l'édition électronique ; enfin, la validation des publications, qui risque de passer de l'éditeur au lecteur lui-même.

L'information médicale sur Internet

Il faut attendre le quatrième chapitre pour voir traiter l'information médicale sur Internet. L'auteur s'étonne qu'un large réseau en « télémédecine » ne soit pas encore en place, tout en reconnaissant les multiples obstacles technologiques, financiers, institutionnels et politiques. Le terme « télémédecine » est pris ici au sens large, comme recouvrant les modes de communications entre les différents acteurs (médecins, patients, etc.), qui dépassent la simple recherche d'information et permettent d'accéder à des bases référentielles communes.

L'auteur consacre une partie à la presse médicale électronique, en remontant à son histoire et en montrant ses caractéristiques, à savoir une édition soumise à des exigences juridiques, de contrôle, de périodicité, de financement, etc. Mais parfois le lecteur est égaré : on lui présente, par exemple, la hausse des coûts des abonnements comme une « cause » de l'édition électronique, elle-même présentée comme une « cause » de la hausse des coûts, par les frais qu'elle engendre pour l'éditeur (ce qui reste à prouver). Au final, on en retire peu d'information fiable faute d'exemples concrets.

Ce quatrième chapitre, pourtant central, est le seul qui ne soit pas suivi d'une liste de sites. On se reportera aux notes, assez complètes, mais qui comportent quel-ques erreurs dans les adresses. On notera également un silence sur tout ce qui concerne les corpus de références pour la Formation Médicale Continue (FMC), avec seulement un trop court chapitre sur l'enseignement à distance, alors qu'Internet est en train d'apporter beaucoup dans ce domaine.

Rien n'est dit non plus sur les aspects proprement informatiques et sur le lien évident, né de ces nouvelles formes d'accès, entre l'information et l'infrastructure infor matique. Ceci est particulièrement sensible dans le domaine biomédical, avec l'importance que prennent la bio-informatique, les outils pour la recherche, les systèmes d'information hospi taliers, etc.

Parmi les quelques listes d'adresses utiles dans les fins de chapitres, notons quelques listservs et newsgroups (avec sujet et adresses) – on remarquera l'absence de la récente liste « biblio-santé », et une certaine confusion dans la présentation des newsgroups, listes, et adresses Web pointant sur des serveurs de news ; quelques vendeurs d'information push ; quelques moteurs de recherche ; des métamoteurs ; des moteurs de recherche biomédicaux ; quelques lieux d'évaluation de sites Internet – cette dernière liste, présentée par ordre alphabétique, est brute et sans commentaires, et donc peu utile ; une « évaluation de l'évaluation » aurait été précieuse.

Le dernier chapitre qui concerne « le nouveau rôle des bibliothèques et des centres de documentation » n'apporte pas d'éclairage nouveau sur la question et n'a plus guère de rapport avec l'information médicale.

Un travail d'édition bâclé

Pour conclure, il est fort regrettable que cet ouvrage, outre ses approximations et ses généralités, outre un index tellement réduit qu'il n'a plus d'utilité, pèche surtout par un travail d'édition bâclé : manifestement l'ouvrage n'a pas été relu, et on est en droit de se demander comment un éditeur peut laisser passer autant d'erreurs grossières, fautes de frappe, fautes d'orthographe, fautes de français, sans parler des sources non citées ou non vérifiées (le fondateur du Science Citation Index-SCI, par exemple, n'est pas Eugene Gresser, mais Eugene Garfield…). Rédaction ou publication trop rapides, la faute est sans doute partagée, mais il reste une impression amère devant tant de désinvolture à traiter d'un sujet qui méritait plus d’attention.