Gower Handbook of Library and Information Management
Ce manuel, qui s'adresse à tous les professionnels de l'information bibliothécaires issus de tous les horizons, documentalistes, archivistes, éditeurs, spécialistes des réseaux, etc. a l'ambition de réunir en un seul volume les notions-clés du management des bibliothèques et de l'information.
Rédigé par une dizaine de collaborateurs qui se sont partagé les dix-sept chapitres, précisons tout d'abord qu'il est très marqué par le contexte institutionnel britannique et, marginalement, australien. Ce qui ne signifie pas que le lecteur français s'en désintéressera : on sait bien que les notions essentielles du management nous viennent du monde anglo-saxon. De plus, il glanera un certain nombre d'informations sur l'évolution récente des bibliothèques universitaires britanniques, comme le rapport Follett et bien d'autres portant sur l'évaluation de la performance des politiques publiques : si la réflexion sur le management est bien plus avancée chez les Britanniques, c'est que les années Thatcher sont passées par là. On ne s'attardera pas sur la définition du management perçu comme l'ensemble des procédés et modes d'organisation qui contribuent à la production, au stockage, à la recherche, l'analyse, l'évaluation, la diffusion et l'utilisation de l'information.
L'ouvrage est organisé en cinq parties regroupant de trois à cinq chapitres aux intitulés très explicites qui, complétés par un index développé, facilitent une lecture non séquentielle : le contexte (essai d'anticipation de ce que nous réservent les nouvelles technologies) ; la stratégie et la planification (étude de l'environnement, planification financière, planification stratégique) ; les services (service au client, mesure de la performance, recherche, droit de copie) ; le management des ressources (management stratégique, audit des services d'information, ressources humaines, conservation) ; l'accès et la fourniture ce chapitre est entièrement consacré aux nouvelles technologies.
Couvrant à la fois les aspects traditionnels (l'imprimé) et novateurs du management des bibliothèques, ce manuel doit fournir à tous les professionnels les réponses aux questions qu'ils se posent dans un contexte marqué par la flexibilité et l'adaptabilité.
Un ouvrage disparate
On ne peut toutefois manquer de relever les différences de niveau et d'approche des différents chapitres, rançon sans doute du nombre de collaborateurs, pour la plupart consultants. Certains, comme ceux consacrés à la conservation et aux publications électroniques, ne sont qu'une présentation sommaire des différentes techniques tout juste digne d'un manuel élémentaire : avantages et inconvénients des microformes, définition d'un cédérom, etc., notions de base dont on ne voit pas très bien ce qu'elles viennent faire dans un manuel de management supposé s'adresser à des professionnels confirmés.
Le chapitre sur les ressources humaines s'attarde trop sur les modalités de recrutement et pas assez sur des notions beaucoup plus stratégiques comme l'évaluation des personnels, évacuée en une page.
Au contraire, les contributions sur le management et la planification stratégiques exigent de bien maîtriser les outils et théories du management. Et ce n'est pas en accablant le lecteur sous une avalanche de théories et de longues citations que la compréhension en sera facilitée (voir le chapitre 4 sur la planification stratégique).
Ces quelques réserves ne sauraient occulter d'excellentes contributions comme celle sur le droit d'auteur, dont la problématique, délibérément détachée des droits nationaux, s'attache aux défis posés par la publication électronique. Ou encore celle sur la mesure de la performance qui, au passage, fournit des ratios intéressants comme celui d'un professionnel pour cinquante utilisateurs (tout en précisant qu'avec ce ratio, 44 % des bibliothèques universitaires britanniques sont en sous-effectif). Toute la démarche de mesure de la performance repose sur des critères qualitatifs qui se substituent aux chiffres que nous avons l'habitude de fournir. Est-il vraiment utile de connaître le nombre de personnes entrées à la bibliothèque (pour quoi faire ? lire, dormir, réaliser des photocopies ?) ? Ce qu'il faudrait plutôt savoir, c'est si les étudiants réussissent leurs examens, ou si les gens qui fréquentent la bibliothèque trouvent du travail.
Les chartes-clientèle
L'introduction des chartes-clientèle sous la pression du gouvernement reste encore largement inconnue en France, mais témoigne de la priorité accordée par les Anglo-saxons au client aux dépens du document : « Les services d'information doivent être centrés sur le client et non plus sur le travail interne ». Le texte intégral de la charte de l'université de
Sheffield, qui s'engage sur des délais de fourniture de documents, laissera le bibliothécaire français rêveur.
Peut-être était-il difficile de réussir le pari d'exposer en quatre cents pages des notions de management applicables à toutes les professions de l'information, qu'elles relèvent du secteur public ou privé. L'éditeur le reconnaît lui-même lorsqu'il écrit que « l'absence de la notion de valeur marchande dans les bibliothèques rend difficile une meilleure organisation du management » (p. 212). Si ce manuel comporte trop d'analyses ne concernant que le secteur privé, il intéressera toutefois les bibliothécaires soucieux de mieux appréhender les répercussions - positives comme négatives - des théories libérales sur la profession.
On lira aussi avec intérêt les réflexions sur les nouveaux paradigmes de l'accès et de la fourniture d'information : on nous laisse augurer un rapprochement entre le bibliothécaire et l'enseignant (ce qui ne constitue pas une perspective à proprement parler révolutionnaire). Mais la question centrale restera à trancher : les bibliothèques devront-elles continuer à stocker des données ou bien plutôt se concentrer sur la fourniture de données ? La formulation de la question ne laisse aucun doute sur la réponse...