Le contrôle de l'État sur le patrimoine des bibliothèques des collectivités locales et des établissements publics
aspects législatifs et réglementaires. Essai de présentation critique
Jean-Luc Gautier-Gentès
Si l'on peut s'étonner de voir en 1998 l'Institut de formation des bibliothécaires lancer, après les déjà fameuses « boîtes à outils », une nouvelle collection intitulée « Les Dossiers juridiques de l'ifb », on ne peut à tout le moins que s'en réjouir. Cette collection, qui remplit un manque patent dans la bibliothèque des professionnels français, s'ouvre de la plus heureuse des manières avec cet « essai de présentation critique » des textes législatifs et réglementaires réunis et commentés par Jean-Luc Gautier-Gentès, de l'inspection générale des bibliothèques.
La notion de patrimoine des bibliothèques
C'est avant tout de patrimoine qu'il est question dans cet ouvrage, mais la définition même de « patrimoine des bibliothèques » pose question, comme le disent tant l'introduction de l'auteur que la préface de Denis Pallier, doyen de l'inspection générale des bibliothèques, qui rappelle ce que l'expression doit au rapport Desgraves de 1982 1 et donc au rapporteur de la commission du même nom, qui n'était autre que Jean-Luc Gautier-Gentès. Les contours de ce patrimoine sont mouvants, et sa prise en compte par la commission supérieure de codification dans le cadre d'un Code du patrimoine a fait l'objet de plusieurs avancées et reculs depuis 1992 : les frontières de ce code avec d'autres codes (notamment celui des collectivités territoriales) ne sont pas faciles à délimiter, et il n'est donc pas près de voir le jour.
La suite du propos montre la difficulté à circonscrire un tel corpus : du fait de la décentralisation, la législation et la réglementation sur les bibliothèques territoriales ont conduit à préciser, à travers le rôle du contrôle technique de l'État, leurs missions et obligations patrimoniales. Ce contrôle fait logiquement l'objet de la partie la plus fournie de l'étude de Jean-Luc Gautier-Gentès. Le rôle de l'inspection générale ou des drac (Directions régionales des affaires culturelles) est ainsi mis en lumière, les éléments présents (ou absents...) dans les statuts des personnels sont soulignés. La faiblesse et le flou des textes concernant les bibliothèques relevant de l'État n'en ressortent que mieux : non seulement les bibliothèques universitaires, mais plus encore la Bibliothèque nationale de France, qui, contrairement à ces dernières, n'est même pas soumise au contrôle de l'inspection !
Réflexion pour une future loi
Ces distorsions devraient utilement faire réfléchir le législateur dans le cadre d'une future loi sur les bibliothèques : légiférons sur les municipales, mais n'oublions pas la nationale ni les universitaires... sans compter celles de la ville de Paris, guère mieux loties. L'habile objectivité avec laquelle l'auteur présente ce déséquilibre vise sans doute aussi à une telle harmonisation.
A cette étude sont joints tous les textes législatifs et réglementaires en vigueur, un témoignage de Jean Goasguen sur le décret de 1988 dont il fut corédacteur, et une remarquable bibliographie où rien ne manque, de l'article de doctrine à la thèse de doctorat, de l'étude de Noë Richter la première en France sur les éliminations (reprenez votre collection du BBF, cuvée 1975) 2 à l'article méconnu du regretté Hervé Bastien sur les biens culturels et le domaine public mobilier 3. La littérature est peut-être disparate, sa recension est ici exhaustive (ou presque : l'auteur, dans une louable intention, oublie de citer ses propres contributions, notamment dans ces colonnes) 4.
Il n'est donc pas besoin d'ajouter que cette étude est indispensable à tout responsable de bibliothèque (ou de formation bibliothéconomique) et que ceux qui pariaient naguère un peu trop vite sur un effacement progressif de l'inspection générale des bibliothèques ont peut-être compté sans la qualité des travaux de ses membres. Leur donner une telle publicité est une expérience qui manifestement sera profitable au plus grand nombre. Alors s'il est peut-être un peu tard pour souhaiter longue vie à l'ifb, longue vie à ses dossiers juridiques !