La fonction documentaire dans l'administration
Gestion des personnels et perspectives
Christophe Pavlidès
La commission Statuts de l'ADBS, animée par sa vice-présidente Florence Wilhelm, a depuis longtemps balayé l'idée reçue qui voudrait que l'association ne s'intéresse qu'aux documentalistes du privé ou, à la rigueur, à ceux du parapublic. C'est bien pour parler des documentalistes de l'administration, et particulièrement de ceux des administrations centrales de ministères, que plus de deux cents professionnels se sont retrouvés le 13 octobre au Conservatoire national des Arts et Métiers sous la présidence de Jean Michel, grâce à l'amicale complicité de Bruno Delmas, directeur de l'Institut national des techniques documentaires (INTD) et, à ce titre, puissance invitante.
Les propositions de l'ADBS en matière de statut des documentalistes ne manquent pas de pertinence : s'appuyant sur le rapport Gazier (1988), l'Association souhaiterait la création d'une véritable école nationale de formation d'application, qui pourrait être un INTD rénové et renforcé, pour former des cadres supérieurs sur le modèle des bibliothécaires et des conservateurs.
C'est vers un autre schéma que s'oriente le ministère de la Fonction publique : Raymond Piganiol, sous-directeur des Statuts à la Direction générale de la fonction publique, confirme que l'on va vers un statut interministériel qui alignera les documentalistes sur les attachés et attachés principaux d'administration centrale, avec désormais trois grades (échelons 379 à 966), recrutés à bac + 3 *. Ce corps remplacerait les corps actuels de documentalistes et chargés d'étude qui n'existent qu'à l'éducation nationale, à la Culture et au Secrétariat général du gouvernement (services du Premier ministre).
L'enjeu pour l'état est important. Dans la plupart des ministères, comme dans le cas exemplaire de la santé et des affaires sociales, les fonctions documentaires sont assurées soit par des administratifs (d'où le choix du corps de référence), soit par des contractuels ; or ceux-ci, nommés avant 1983, sont légitimés à demander devant les tribunaux administratifs leur intégration comme fonctionnaires titulaires...
Ce problème des contractuels, crucial dans le futur statut de l'état, a été totalement ignoré dans la fonction publique territoriale, si l'on en croit Nadine Herman du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) : au sein de la filière culturelle, on a créé des bibliothécaires de spécialité documentation. Peu nombreux jusqu'à présent, ils restent en fait marginaux par rapport aux attachés territoriaux exerçant des fonctions de documentation.
Cette absence de reconnaissance professionnelle spécifique dans le cadre territorial a pu être évitée dans les statuts des personnels de bibliothèque, puisque, comme le rappelle Claudine Belayche, présidente de l'ABF, les mesures transitoires permettant d'intégrer les contractuels et de réserver les places de concours pendant plusieurs années ont créé une dynamique forte dont les documentalistes auront à coeur de s'inspirer dans leurs négociations avec la fonction publique.
Il n'en reste pas moins que ce sont paradoxalement les deux ministères déjà pourvus de corps de documentation qui rechignent le plus à la mise en place d'un nouveau statut : l'éducation nationale se satisferait du statu quo, et la Culture a tenté de créer un corps de documentalistes du patrimoine, refusé par le Budget et par Matignon. Les réticences de ces deux ministères viennent sans doute aussi de la présence, dans leurs services, de nombreux bibliothécaires et conservateurs des bibliothèques : l'établissement de passerelles entre bibliothèques et documentation leur apparaît peut-être la plus naturelle, alors qu'en termes de gestion les autres ministères ont besoin du lien entre administratifs et documentalistes. Comme le rappelle Jean Michel, « le chantier des statuts est ouvert », et la pertinence des solutions viendra peut-être des mécanismes de formation initiale et/ou continue à mettre en place, qui, pour le moment, restent dans les limbes...