La bible Internet
Frédéric Mora
L'avènement de la formidable communauté virtuelle que constitue Internet a suscité un nombre de publications à la mesure de sa croissance exponentielle, et de l'engouement suscité auprès du public et des médias de toute nature.
Se connecter à Internet et faire le tri...
Cet ouvrage se propose, une fois de plus, de présenter « les différents matériels et logiciels avec lesquels vous pourrez explorer Internet », et de donner « les moyens de faire le tri ». De ce fait, et si l'on veut être puriste, il s'agit plutôt d'une glose que d'une Bible... fournie avec une disquette de démonstration qui permet à tout un chacun d'obtenir 24 heures de connexion gratuite au « réseau », puisque c'est ainsi, désormais, qu'on le qualifie...
Ingénieur logiciel chez IBM, Frédéric Mora a, dans cet ouvrage, un double mérite : d'une part, il montre que l'intérêt et les possibilités d'Internet ne se limitent pas aux usagers publics et institutionnels, qui ont le privilège de l'accès à Renater, mais qu'il peut intéresser des partenaires privés, ou des individus ; d'autre part, son style est clair, précis, souvent humoristique, mais non de cet humour désolant d'adolescent attardé qu'on trouve parfois sur le réseau. De plus, La Bible Internet ne sombre pas, comme beaucoup, dans l'apologétique béate (souvent mal documentée), mais évoque, à côté des avantages, les dangers, les lacunes et les faiblesses du réseau. Paradoxalement, cette lucidité convaincra sans doute de l'intérêt d'Internet les réticents mieux que ne l'auraient fait de péremptoires et naïves déclarations d'enthousiasme.
La plomberie Internet
S'efforçant de présenter les « notions de base » de la « plomberie Internet » [sic], l'auteur part du principe - miséricordieux pour les non-informaticiens - qu'« on peut parfaitement conduire une voiture sans savoir comment fonctionne son allumage ». Si La Bible Internet présente de manière claire de nombreuses explications techniques, leur lecture n'est pas indispensable à ceux qui ne se soucient que de l'outil et non, par exemple, des subtilités des protocoles. Les différents chapitres de l'ouvrage reprennent les grands domaines de connaissance, indispensables pour utiliser au mieux le réseau :
- comment se connecter, avec une présentation des différents niveaux de connexion, et les services utilisables à chaque niveau, de la simple messagerie au dialogue interactif avec une machine IP (= Internet Protocol) ;
- où et avec qui se connecter, avec une présentation très détaillée des principaux prestataires français, qui inclut Renater, mais ne se limite pas à ce partenaire ;
- les principes de base d'Internet : les noms de machines et d'utilisateurs, la notion d' « adresse », les « domaines » et la hiérarchie des « domaines », les systèmes d'exploitation utilisés, où l'on voit qu'Unix domine largement, sans être pour autant le seul ;
- le courrier et le dialogue électroniques (ce dernier semble-t-il moins répandu, quoique fort utile) ;
- les listes de diffusion : que sont-elles ? Où trouver le sujet qui vous intéresse, comment y participer ?
- les transferts de fichiers à l'aide des protocoles FTP (= File Transfer Protocol) ;
- les serveurs FTP anonymes, où chacun peut venir chercher des informations sur les sujets qui l'intéressent, et les outils de type Archie pour effectuer les recherches et s'affranchir des contraintes des systèmes d'exploitation utilisés ;
- les forums Usenet, modérés ou non, où l'on peut dialoguer sur tous les sujets possibles ;
- les gopher, Wais et autres WWW : un peu curieusement, ces services, très à la mode sur le réseau et apparemment en pleine expansion, n'occupent qu'une faible part de l'ouvrage.
Forme contraignante, contenu libre
L'auteur souligne que la principale difficulté d'Internet vient de ce que, « si la forme est normalisée, le fond, lui, ne fait l'objet d'aucune restriction ou presque ». De fait, si les normes et protocoles utilisés sont mis à jour et font l'objet d'une application contraignante, pour le reste, tout est permis... ou presque. De ce fait, Frédéric Mora renouvelle les conseils de prudence, de courtoisie, aux utilisateurs de la multiplicité des services du réseau : « N'écrivez [notamment dans les forums] rien que vous ne puissiez voir cité à la une d'un journal ». La référence au support écrit (si désuet ?) laissera rêveur, tout comme laissera perplexe cette affirmation mal contrôlée (la seule de l'ouvrage) : « Internet n'est pas une démocratie, c'est un privilège ». Pour l'auteur, « Internet est avant tout une communauté humaine connectée par des machines, et non un monde de robots ». Ce point de vue volontairement pragmatique et finalement rassurant - sauf pour les misanthropes - est clairement illustré tout au long d'un ouvrage jamais rebutant, qui s'efforce de multiplier les clés d'accès à un « savoir » souvent « mal signalé... ».
Dans l'avalanche de publications plus ou moins sérieuses signalée plus haut, La Bible Internet se distingue aisément par sa grande fiabilité technique et informatique, la clarté de son style et de sa présentation, son humour et son souci appréciable de décomplexer les néophytes curieux que souhaitent demeurer les utilisateurs de base, potentiels ou accomplis, d'Internet.