L'évaluation des bibliothèques universitaires dans l'espace francophone
actes du congrès de l'ABCDEF, tenu à Dakar les 17 et 18 mars 1993
L'ouvrage analysé ici regroupe les principales communications présentées lors du congrès de l'Association des responsables des bibliothèques et centres de documentation universitaires et de recherche d'expression française (ABCDEF) *. Dans le rapport de synthèse, Jacques Cordonier estime que la nécessité de l'évaluation est reconnue par tous, mais que la méconnaissance des techniques l'emporte encore, malgré l'émergence, en France, de diverses méthodes fragmentaires comme le Tableau de bord ou l'ESGBU (Enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires).
Définir des objectifs
L'évaluation provient du monde des entreprises qui sert de modèle à l'administration depuis bientôt trente ans.
Plusieurs définitions en sont données dans les différentes interventions : outil de communication et d'autojustification, outil de gestion, bilan, enquête statistique. L'évaluation est un jugement de valeur sur l'organisme étudié, et nécessite donc l'établissement d'une valeur de référence. S'il s'agit de vérifier l'adéquation de l'outil à l'objectif, encore faut-il avoir défini cet objectif : adéquation à l'enseignement, satisfaction des lecteurs, des personnels, qualité de la collection, tout est possible.
Jean Sirinelli analyse cette problématique dans un premier chapitre, complété par Salah Dalhoumi. Ce dernier définit l'évaluation comme « un processus managérial qui part de l'existant et tend à l'accomplissement d'un but préalablement défini ». Elle suppose une volonté de gérer autrement la bibliothèque universitaire, en vérifiant ses moyens par rapport à ses buts et en adoptant un style plus démocratique. Car il n'y a pas d'évaluation sans participation du personnel, mais aussi des utilisateurs et d'intervenants extérieurs. Elle part d'un diagnostic pour aboutir à un plan d'action. D'autres éléments de définition sont donnés selon les secteurs à évaluer : service à l'usager, satisfaction du personnel, ou plus spécifiquement accès libre, prêt, ouverture, collection, etc. L'évaluation met en cause tous les moyens dont dispose la bibliothèque : collection, locaux, personnel, crédits, mais aussi les processus, la réputation, l'accessibilité, la valeur ajoutée.
Exemples et expériences
La plus importante évaluation évoquée dans ce volume est celle de l'Université du Québec à Montréal par Jean-Pierre Côté. Elle est complète et détaillée puisqu'elle décrit tous les mécanismes de cette opération, le comité d'évaluation, les différents rapports d'enquête auprès des employés et de la clientèle, et, en annexe, donne la liste des éléments de mesure utilisés.
Les rapports concernant l'Afrique, la Belgique et la France sont beaucoup plus embryonnaires et montrent que, malgré les bonnes volontés, l'évaluation n'avance pas. Les tableaux chiffrés de l'ESGBU ou du Tableau de bord relèvent davantage du contrôle administratif que de l'évaluation. Ce qui manque, écrit Jacques Cordonier dans sa synthèse, c'est « la boîte à outils » en langue française de l'évaluateur. Si, en 1982, la « norme est la pierre de touche de l'évaluation », en 1993 il s'agit plutôt des objectifs propres à chaque institution en fonction de son public et de sa mission. On est passé d'une logique de l'offre à une logique de la demande dans laquelle les personnes, usagers et personnel, sont au centre du processus.
Voilà donc un livre passionnant, qui devrait être lu et médité par les directeurs de bibliothèques universitaires et les autres.