Les images dans les bibliothèques
Claude Collard
Isabelle Giannattasio
Michel Melot
Dans sa riche contribution introductive intitulée « Cinq leçons préliminaires sur l'image », Michel Melot s'attache à définir ce qu'est une image, son rapport au signe, au langage, à l'écriture, afin d'en dégager la spécificité et analyse le dépassement du multimédia avec l'unimédia. On est en effet passé en peu de temps de produits hétérogènes combinant de façons diverses et variées textes, images et sons sur des supports différents (livres, cassettes, vidéo, disques, disquettes, etc.) à leur combinaison sur un seul support, d'abord optique, puis numérique, accessible sur un même appareil et pouvant faire l'objet d'un usage interactif.
L'image irréductible
La légitimité de l'audiovisuel dans les bibliothèques ne saurait désormais être contestée sous peine d'en exclure dans le même temps le texte qui en est matériellement solidaire. L'écrit présente cependant une différence irréductible avec l'image : le message qu'il transporte est indépendant de son support du fait de la rupture physique entre le signe et le référent dans l'écriture.
Par conséquent, la reproduction d'un texte ne change pas le texte. Cette rupture n'existe pas avec l'image qui, de copie en copie, conserve un lien avec son modèle. De ce fait, la reproduction, la segmentation ou l'assemblage d'images produira une nouvelle image. Cela entraîne de nombreuses conséquences, y compris sur la notion d'auteur et sur les droits de la propriété intellectuelle et artistique. Quant à l'écriture elle-même, elle peut aller jusqu'à adopter les vertus figuratives de l'image, par exemple avec l'art de la calligraphie ou du calligramme.
Comme le rappelle Michel Melot, « personne aujourd'hui n'est capable de fournir une définition de l'image qui fasse autorité », ce qui oblige à rechercher « beaucoup de réponses ». L'image désigne à la fois la chose vue et l'idée de cette chose, elle est moyen de connaissance et objet matériel de représentation, apparence ou illusion. L'image est aussi représentation et en tant que telle elle est tantôt une présence dégradée, tantôt une présence amplifiée.
L'image polysémique
L'image est polysémique, car son sens est défini par ceux qui la regardent et peut, de ce fait, être interprétée de façons très diverses. Quant à rendre compte d'une image par des mots, c'est une entreprise extrêmement difficile. En effet pour déterminer le sujet d'une image, il est nécessaire de savoir dans quel but elle est produite, quel est l'usage qui en est fait et même pourquoi on la recherchera.
Les bibliothécaires ont longtemps assujetti l'image au texte et considéré celle-ci comme auxiliaire de la lecture. Michel Melot rétablit à juste titre le principe d'indépendance de l'image et souhaiterait mettre un terme à l'opposition qui a été développée en Occident entre le texte et l'image. Cette séparation n'est pas aussi prononcée dans les écritures idéographiques orientales par exemple. L'auteur constate en même temps que l'évolution technique tourne aujourd'hui à l'avantage de l'image : celle-ci impose désormais son espace au texte.
Documents et usages
La première partie, due aux trois auteurs, porte sur « Les documents et leurs usages ». Elle retrace tout d'abord une brève histoire des techniques de reproduction des images, de la peinture rupestre et des sceaux gravés sur pierre vers 3000 ans av. J.-C. aux différentes techniques de l'estampe, de l'industrialisation de l'image à l'invention de la photographie, de l'image projetée à l'image animée et enfin à l'image transportée en passant par la mémoire optique, codée ou non codée. Les auteurs s'attachent ensuite à retracer les usages et les publics de l'image dans sa pratique institutionnelle et présentent également un guide des ressources sur les grandes collections d'images (de l'estampe à l'image animée).
Images fixes et images animées
La deuxième partie de l'ouvrage, due à Claude Collard et Michel Melot, est consacrée au traitement de l'image fixe, et la troisième, due à Isabelle Giannattasio, au traitement de l'image animée. Y sont développés les différents modes d'acquisition, les principes de classement, les questions de conditionnement et d'entretien courant, de conservation des documents, du catalogage et de l'indexation, de la communication des documents et des services ainsi que la conception des espaces et le choix des mobiliers, la consultation sur place et l'accès à distance, le prêt des documents, sans oublier l'animation et la place de l'image dans les expositions.
La question concernant l'édition de banques d'image (microformes, vidéodisque, CD-I, CD-Photo, CD-Rom), ainsi que celle du transfert sur support de substitution sont également traitées tant pour ce qui est du cadre juridique correspondant que de la mise au point du cahier des charges. On trouvera également les textes régissant le dépôt légal, un modèle de contrat d'achat de droit après réalisation, un exemple de marché pour transfert sur support vidéo ainsi qu'un modèle de fiche de visionnement.
Richesse théorique et caractère pratique
Comme on peut donc le constater, il s'agit là d'un ouvrage très complet, présentant à la fois une grande richesse théorique et un caractère pratique, où chacun des aspects traités fait l'objet de listes d'adresses ainsi que de références bibliographiques particulières. Cet ouvrage de bibliothéconomie est absolument indispensable à tout bibliothécaire d'aujourd'hui, le premier semble-t-il consacré à l'image en bibliothèques sur le plan international.