La bibliothèque de la galerie nationale de Prague

Thomas Pergler

L’histoire de la bibliothèque de la Galerie nationale de Prague, une des plus anciennes bibliothèques spécialisées en art de Bohême et Moravie, est étroitement liée à celle de l’Association des amis de l’art. En 1796, cette dernière fonde une pinacothèque, noyau des collections actuelles de la Galerie. Au cours des années 1799-1800, elle crée une école artistique, précurseur de l’Académie des arts plastiques de Prague, et, au cours du XIXe siècle, fonde une bibliothèque. Après de nombreux déménagements, celle-ci s’installe en 1948 dans le palais Sternberk, au voisinage immédiat du château de Prague.

Au XVIIIe siècle, le fonds est constitué par des dons de collectionneurs d’œuvres d’art, de particuliers et des membres de l’Association, puis, après 1880, par des acquisitions. En 1900, la bibliothèque compte 733 volumes, dont 510 en allemand, ce qui correspond à la répartition sociale de l’époque en Bohême. Au début du XXe siècle, la proportion de littérature en d’autres langues étrangères, notamment en anglais et français, est en augmentation. La bibliothèque compte 10 961 volumes en 1951, et 24 258 en 1965.

Les fonds actuels

En mars 1995, le fonds est riche de près de 70 000 volumes en histoire de l’art, 3 500 volumes du XIXe siècle, 150 du XVIIIe siècle et 25 des XVIe et XVIIe siècles. Les publications en langues étrangères constituent environ 60 % du fonds. Les collections suivantes sont particulièrement présentes : catalogues d’expositions européennes depuis le XIXe siècle (munichoises, berlinoises, viennoises et parisiennes) ; catalogues de diverses pinacothèques et collections de tableaux privées ou publiques ; catalogues de ventes ; publications périodiques et almanachs spécialisés, en langues étrangères dans une forte proportion ; œuvres graphiques et estampes, ensembles de reproductions d’œuvres d’art, de fac-similés et d’ouvrages imprimés ou publiés pour une occasion particulière.

La bibliothèque principale, d’une superficie de 550 m2, est située dans le bâtiment Renaissance du palais Sternberk à Hradcany. Elle est ouverte au public quatre jours par semaine, en accès libre, sauf pour les ouvrages rares et anciens, et ce pendant toute l’année.

Informatisation

Les notices bibliographiques sont consultables sous forme de fiches imprimées dans les catalogues alphabétiques auteurs et anonymes, alphabétiques de noms d’artistes, de matières, catalogues de ventes et d’expositions par lieu et date, registre de publications périodiques et registre analytique d’articles des revues tchèques.

Fin 1992, la bibliothèque a acheté un système modulaire d’informatisation Tinlib de la société britannique IME, produit choisi parce qu’il offrait une version tchèque du logiciel. Elle est ainsi la première bibliothèque informatisée spécialisée dans les beaux-arts en République tchèque. En 1994, le réseau a été élargi de quatre à six ordinateurs PC en version TinNet-Ethernet TCP/IP. Contrairement à la première version (1993), le réseau fonctionne dans la configuration décrite pratiquement sans problème. Cinq ordinateurs sont utilisés pour l’entrée des données (on procède parallèlement à une conversion des notices plus anciennes à l’aide de la méthode de visu, c’est-à-dire à partir de la source même et non de la notice) et un seul pour l’instant (le serveur du réseau) sert aux utilisateurs pour effectuer leurs recherches. Cependant cette proportion va s’inverser en raison de l’augmentation rapide du nombre de données traitées *.

Le catalogage méthodique par matières des bibliothèques spécialisées est toujours un grand problème, et la bibliothèque de la Galerie nationale de Prague ne fait pas exception. Avant fin 1992, était en usage une liste de mots clés formée tout au long des années précédentes de manière plutôt anarchique. Après l’informatisation, cette liste est devenue inutilisable. Deux solutions se sont présentées : indexer avec le risque que le thésaurus ainsi élaboré soit erroné ou bien attendre l’élaboration d’une liste d’index tchèque ou une traduction à partir d’une langue étrangère. Finalement, une solution de compromis a été choisie : l’indexation sans structure fixe, avec, pour guide, le Getty’s Art and Architecture Thesaurus, le meilleur dans ce domaine. La constitution d’une équipe de traduction de cette œuvre en tchèque est prévue, mais le projet à très long terme risque sans doute de se heurter à des problèmes de financement.

Employés, usagers, services

L’effectif de la bibliothèque, dirigée par un conservateur dépendant directement du directeur de la Galerie, est de neuf personnes, sept pour le fonds de base et les huit bibliothèques spécialisées, et deux pour le département spécialisé en documentation artistique. Six des bibliothécaires ont une formation universitaire (école de bibliothécaires de l’Université Charles), dont trois sont spécialisés en informatique, et trois ont une formation secondaire spécialisée. Dans l’organigramme de l’institution, la bibliothèque est au même niveau que les quatre départements de collections et les autres départements d’activité spécialisée (restauration ou archives).

Parmi les usagers, les historiens ou critiques d’art sont les plus nombreux, ainsi que les conservateurs de la Galerie même ou des établissements pragois dont la spécialisation est comparable à celle de la Galerie nationale. A l’origine, la bibliothèque était conçue pour servir aux besoins de la Galerie, mais au cours de la dernière décennie, elle s’est progressivement ouverte à un public de professionnels, et au grand public. Les relations entre chercheurs et bibliothécaires ont toujours été et sont toujours très bonnes, probablement grâce à un esprit d’équipe très développé. Les étudiants en histoire de l’art et ceux des écoles d’art supérieures ou secondaires constituent un autre groupe important de lecteurs. Ces dernières années, grâce à sa riche collection d’almanachs de ventes, la bibliothèque est également fréquentée par les gérants des galeries, antiquaires et commerçants d’objets d’art.

Les visiteurs de la bibliothèque peuvent utiliser la salle de lecture pour la consultation sur place. Les services de prêt en dehors de la salle de lecture ne sont destinés qu’aux spécialistes de la Galerie – il est toutefois possible de faire des photocopies à un tarif modéré. Sont également offerts des services de consultation et des services bibliographiques. Il existe une liste des prix pour la recherche informatisée sur les banques de données spécialisées dans le domaine (par exemple Internationaler Kunstlerdatenbank). Quatre fois par an, la bibliothèque publie une liste des nouvelles acquisitions sous forme imprimée ou sur disquette.

Acquisition, budget

A partir de 1989, le budget d’achat des livres spécialisés a augmenté, la libération des prix ayant provoqué l’augmentation progressive des prix des livres et des périodiques. En 1990, 204 700 couronnes ont été dépensées ; en 1994, les dépenses ont été de 424 146 couronnes. La restriction attendue est intervenue dans le budget 1995. Le montant destiné à l’achat des livres et des périodiques y est limité à 70 000 couronnes, ce qui ne suffit même pas à assurer les abonnements aux séries et à la presse périodique ! Sans un don de la Fondation Getty (en 1991 et en 1994) pour l’achat de livres d’art étrangers, la bibliothèque n’aurait pas pu acheter une seule monographie en 1995. Les mêmes restrictions touchent les frais d’exploitation et les salaires. En 1995, il était prévu de réduire radicalement le nombre d’emplois dans l’ensemble de la Galerie.

Coopération, échanges

Une nouvelle étape dans la coopération entre bibliothèques spécialisées en art a commencé en 1991 avec la création du Conseil des bibliothèques spécialisées en histoire des beaux-arts de la République tchèque, ceci afin de rechercher une solution commune aux problèmes liés à l’informatisation. Parmi les problèmes principaux, citons la coordination des acquisitions en littérature étrangère, le thésaurus, l’élaboration d’une banque de données commune, la communication en réseau on-line, et, éventuellement, les échanges de notices. Le conseil comprend aujourd’hui les représentants de dix bibliothèques spécialisées et se réunit deux fois par an. Au début des années 90, s’est développée une collaboration internationale, notamment dans le cadre de l’Art Libraries Society et de la section des bibliothèques d’art de l’IFLA. Certaines bibliothèques ont adhéré individuellement à Arlis (Art Libraries Society) et plusieurs bibliothécaires ont pu, grâce au soutien de ces organisations, participer aux programmes internationaux et à certains projets.

La bibliothèque joue un grand rôle dans les échanges aux niveaux national et international. Ces échanges sont la source principale de complément de la collection de catalogues d’exposition tchèques et étrangers : quatre-vingts partenaires étrangers et quinze partenaires locaux, notamment de bibliothèques de musées et de galeries. Des échanges occasionnels peuvent être réalisés en fonction des besoins individuels.

Perspectives

Dans les deux années à venir, la tâche prioritaire est l’ouverture d’une bibliothèque spécialisée en art moderne au Palais des foires à Prague. Un bâtiment des années 30 abritera la première exposition permanente d’art moderne et contemporain tchèque et mondial, dans l’histoire de la Galerie nationale de Prague. Environ 600 m2 de surface sont attribués à la bibliothèque, qui disposera d’une salle de lecture destinée aux chercheurs, d’une bibliothèque d’usuels non accessible au public, et d’une grande salle de lecture de plus de 300 m2 destinée au public et en accès libre. La bibliothèque sera multimédia : livres, revues et catalogues, cassettes vidéo, diapositives, affiches, photographies et documentation concernant l’art moderne et contemporain, y compris les manuscrits d’artistes. Elle sera le deuxième département de la bibliothèque de la Galerie nationale. Pour des raisons de personnel et de système informatique, certaines activités (échange et acquisition) ne seront pas faites en double et, au moins dans les prochaines années, elles seront assurées par le premier département de la bibliothèque. Les deux départements seront reliés par un système on-line, à l’aide d’une ligne téléphonique commutée, seule solution envisageable étant donnée la situation financière actuelle. Avec le système Tinlib, l’exploitation du catalogue par les deux bibliothèques ne posera aucun problème. Au début, en fonction des possibilités financières, on prévoit d’installer de 7 à 9 PC et tout autre équipement technique nécessaire.

C’est l’aménagement de la grande salle de lecture publique qui pose le plus de problèmes. Il doit en effet correspondre aux critères esthétiques les plus sévères, respecter le caractère du bâtiment et être d’un coût accessible tout en étant de qualité supérieure. La charge utile de l’étage étant limitée, les rayonnages de livres seront disposés en « atolls », au centre desquels se trouveront les tables de lecture. La disposition morcelée des locaux donnera aux lecteurs une impression d’intimité et de confort. Une large terrasse donnant sur Prague pourra servir de lieu de détente pendant les mois d’été. Malgré de considérables problèmes financiers (réduction du budget et de 20 % du personnel), la nouvelle bibliothèque devrait ouvrir au public en septembre 1996.

Ce texte a été traduit par Irène Beguinovà.

  1. (retour)↑  La notice de catalogue se présente sous la forme de la version tchèque du format international Unimarc, le standard tchèque concernant le format d’échange (CSMARC) est cependant encore à élaborer et à publier.