Autoroutes, CD, multimédia
le manège électronique continue de tourner
Norbert Paquel
La confusion des termes – multimédia, autoroute de l’information, édition électronique, etc. – correspond à une évolution fondamentale des techniques et des usages et à des interrogations sur les acteurs et leur rôle dans les nouveaux métiers qui se dessinent. L’augmentation des débits des réseaux et des capacités des supports, assortie de la demande des utilisateurs en matière de définition d’image, a participé en 1994 à l’explosion du marché des micro-ordinateurs domestiques, des ordinateurs multimédia, du CD-Rom, et d’Internet. Les rôles des spécialistes de l’information vont évoluer davantage encore vers la sélection et la diffusion sur profils, assistés des puissants outils qui voient le jour, tels que les agents et les logiciels de tri. Quelles seront les utilisations des autoroutes de l’information et de la télévision interactive ? Quelles techniques et quelles normes pour quels contenus ? Quels financements ?
Multimedia, information superhighway, electronic publishing are confusing terms which correspond to a fundamental evolution in techniques and uses and to the questions raised about the actors and their role in the new professions that arise. The increasing debit rates and media capacities, together with users demand for image definition, contributed in the explosion of the market of the home micro computer home, multimedia computers, CD-Rom, and Internet. What will be the information highways and interactive television be used for ? Which techniques or standards will be adopted for which types of contents, with what money ?
Es herrscht immer mehr eine Verwechslung der Wörter – Multimedia, Autobahn der Information, elektronischer Verlag usw –, die einer gründlichen Entwicklung der Techniken und Gebräuche entspricht sowie bestimmten Befragungen über die Mitwirkenden und deren Rolle in den neuen entstehenden Berufen. Die zunehmende Abflußmenge der Netze, die immer wichtigere Kapazität der Datenträger und die Nachfrage der Benutzer, was die Bildschärfe betrifft, haben 1994 dazu beigetragen, daß der Binnenmarkt der Heimcomputer, der Multimedien, des CD-Rom und des Netzes Internet explodierte. Die Rollen der Informationsfachleute müssen immer mehr fortschreiten in der Richtung des Absuchens und der Verbreitung nach Profil, mit Hilfe der mächtigen entstehenden Werkzeuge, z.B. der Auswahlsoftwares. Wie werden die Autobahnen der Information und das interaktive Fernsehen benutzt ? Welche Techniken und Normen, für welchen Gehalt ? Was für Geldmittel ?
Peu de phénomènes dans l'histoire ont été aussi difficiles à maîtriser, aussi divers et aussi fluctuants que le sont aujourd'hui les nouvelles technologies de communication. Aussi, la confusion est-elle grande entre l'édition électronique, le multimédia, les autoroutes de l'information, les nouveaux médias, etc. Cependant, au-delà des effets de mode, un bouleversement important est en cours.
Il est essentiel pour tous ceux dont le métier est l'information de suivre en permanence le phénomène, de le maîtriser et même d'y devenir des acteurs. C'est notamment le cas des bibliothécaires, des documentalistes, des éditeurs. Beaucoup s'y sont déjà employés, ont été ou sont des pionniers. Le présent article essaie de fixer quelques repères et de restituer le mouvement inhérent au nouvel univers qui est en train de naître.
Définitions et aperçu d'ensemble
La situation actuelle se caractérise par une généralisation du multimédia et par le débat sur les autoroutes de l'information. La convergence tant annoncée des médias électroniques numérisés semble enfin proche.
L'unité du phénomène
Les systèmes numériques deviennent des systèmes de communication directe. C'est le fil conducteur du multimédia et des autoroutes. Le numérique, utilisé pour la production des documents, n'avait gagné la consultation directe par l'utilisateur que dans des niches – messageries, banques de données, bornes d'information, OPAC de bibliothèques, etc. La communication numérisée peut maintenant dépasser sa seule réalisation de masse – le Minitel français : la banalisation du micro-ordinateur et en général de l'écran comme outil de travail, mais aussi environnement de loisir rejoint finalement l'expansion des nouveaux usages de la télévision et le jeu vidéo.
L'augmentation des débits des réseaux et des capacités des supports est caractéristique de la nouvelle situation. Les utilisateurs réclament maintenant de l'image plein écran, haute définition et en 16 millions de couleurs (soit, sans compression, quelque 40 Mo pour une photographie). Ils veulent ou voudront bientôt illustrer un document avec de la vidéo, soit un débit minimal de 12 Mo/s et, en améliorant la définition, jusqu'à 40 Mo/s (rappel : les modems les plus rapides du marché en 1995 transmettent à 28 800 bps (bits par seconde) – il en faudrait environ 10 000 en parallèle pour obtenir ce débit, si une telle chose était possible). Une fois comprimée, en qualité broadcast, la télévision représente encore au minimum un flot de 4 Mbps (milliards de bps, compression MPEG2, norme pour la compression de l'image animée).
Toute l'évolution est donc aussi affaire de capacités (disques, vitesse des bus des ordinateurs qui transmettent les fichiers entre les éléments du système), et de débits sur les réseaux. Les débits sont aussi conditionnés par les nombres élevés d'utilisateurs. Un système de communication suppose des axes de concentration et des pointes. Une simple messagerie peut entraîner, à certaines heures, d'énormes flux sur les artères centrales.
Les développements en cours visent aussi à permettre de mieux gérer et synchroniser des flux multiples de données, dont certaines sont statiques et d'autres isochrones, dépendant du temps, et certaines sont soumises à des contraintes d'exactitude fortes, tandis que d'autres, sensorielles, exigent la fidélité dans la restitution (par exemple la couleur).
Enfin, l'interactivité va être un critère important pour distinguer les applications et les plates-formes. Il est désormais impossible de confondre toutes les formes d'interaction. La simple sélection d'un canal son ou vidéo, la possibilité d'effectuer une recherche documentaire, le choix d'un embranchement dans un menu ou la réactivité d'un jeu de combat aérien n'ont pas grand chose à voir, et représentent des contraintes très différentes.
Néanmoins, une tendance commune est de redonner un contrôle plus grand à l'utilisateur, au travers d'outils conviviaux et d'interfaces ergonomiques.
Les explosions
Des croissances explosives se sont produites en 1994, et ceci dans les différents pays, quelles que soient les situations économiques.
La micro-informatique avait atteint au début de 1993 des taux élevés de pénétration dans les ménages : 30 % aux Etats-Unis, 16 % en France. En 1994, la croissance du parc s'est accélère, tandis que le marché des entreprises ne faiblissait pas. Ainsi deux millions de micros auront été vendus au cours de l'année en France, dont 700 000 sont destinés au marché domestique.
Plus d'un tiers des micros vendus sur le marché domestique sont multimédias, alors que, jusqu'ici, 1 % du parc au maximum avait de vraies capacités de ce type – qui exigent de la puissance, un lecteur de CD-Rom, etc. La présence de modems est encore attachée surtout à l'activité professionnelle (1,3 million de modems pour un parc total de 7 millions de micros en France). Déjà nombreux sur les micros portables et sur les machines de cadres, de chercheurs, de professionnels, ils ouvrent de nouveaux marchés aux services en ligne. Actuellement, le standard tend vers 28 800 bauds. Au-delà, le décollage de masse du RNIS (réseau numérisé, en France Numéris) s'annonce, pour supporter les transferts d'images et de documents et la visiophonie, sur terminal spécialisé ou sur micro. Ce décollage se confirme même aux Etats-Unis, pourtant moins en avance sur ce point.
1994 a été aussi l'année, si souvent annoncée, de l'explosion du CD-Rom. Les chiffres sont nets, qu'il s'agisse des parcs de lecteurs (400 000 fin 1994 en France pour 24 millions aux Etats-Unis), des disques vendus (520 000 de septembre 1993 à septembre 1994 en France, et sans tenir compte des bundles 1, des nombres de titres (9 000 dans le monde). Cette augmentation concerne aussi bien les applications professionnelles que les marchés grand public.
Mais plus rapide encore a été le développement d'Internet 2 au-delà du monde de la recherche. Jamais un moyen de communication ne s'était développé aussi vite dans l'histoire de l'humanité. Cette explosion se mesure très approximativement par des nombres de têtes de réseau (2 millions), d'adresses (20 millions), de machines connectées (2 à 3 millions), de flots de données (taille des conférences Usenet qui transitent chaque jour : 172 Mo), de serveurs (2,2 millions dans le monde, 70 000 en France, et 3 500 serveurs World Wide Web). Le W3 permet pratiquement de réaliser très simplement des serveurs de documents et d'images très conviviaux et, si nécessaire, reliés entre eux.
D'autres médias de communication ont explosé dès 1993 : c'est le cas des services d'information sur micro aux Etats-Unis, qui atteignaient 5 millions d'abonnés fin 1994. Le leader, AOL (America on line), sert de prototype à plusieurs offres européennes en création (notamment EOL, Europe on line).
Enfin, si la télévision interactive n'a pas vraiment décollé, la télévision numérique multi-canaux (jusqu'à 200) a démarré aux Etats-Unis, et ceci non sur le câble, mais sur le satellite lancé par l'alliance Hughes-Thomson (100 000 abonnements dans les trois premiers mois).
Les autoroutes de l'information
Ces évolutions convergent dans les autoroutes de l'information. Les points communs aux diverses approches sont l'accroissement des débits d'une part, l'ouverture d'autre part. A terme, comme pour le téléphone, Télétel ou Internet, les réseaux doivent être ouverts à tous, dans des conditions techniques et économiques connues. Les autoroutes n'ont, de ce point de vue, rien à voir avec les réseaux rapides d'entreprises. A partir de là, plusieurs approches existent. Elles sont en concurrence et coexisteront probablement pendant une longue période.
Certaines démarches se fondent sur le réseau téléphonique et son développement par le RNIS. Il supporte la visiophonie, la visio-conférence dans les entreprises. Même, la transmission de vidéo ˆà la demande de qualité moyenne est envisagée. L'évolution du réseau pour permettre la transmission de plus hauts débits se fera avec une technique fondamentale, acceptée internationalement, l'ATM (Asynchronous Transfer Mode). Ce système de transmissions de paquets de données à débit variable, sur fibre optique, permet d'atteindre des flux de 1 Gbps (1 milliard de bps ) et de s'adapter aux données les plus diverses. Il commence à être utilisé, pour les liaisons entre les serveurs vidéo, par exemple. Reste que la vitesse de passage à la fibre optique jusque chez l'abonné est aujourd'hui objet de controverse.
De son côté, le câble peut supporter plusieurs centaines de canaux numériques. L'approche la plus ambitieuse consiste à transmettre 500 canaux jusqu'à un point de distribution vers 500 ménages, chacun disposant alors de son canal. Dès lors, il devient théoriquement possible de transmettre un film diffèrent à chaque abonné, ou une page particulière de catalogue de mode. C'est l'expérience la plus ambitieuse, celle de Time Warner à Orlando. Un premier travail est de créer une voie de retour d'information sur un système initialement de diffusion, pour permettre l'interaction. La difficulté la plus grande vient ensuite : le serveur doit supporter des pointes effrayantes de demandes (par exemple des milliers de requêtes pour le même film entre 20h 30 et 20h 35). Dans de tels projets, en effet, le film est traité comme une page sur Télétel, ce qui est un défi technique vraisemblablement relevable dans les dix ans, mais à un prix encore très élevé. Aussi, beaucoup de projets se limitent à proposer des canaux nombreux, des catalogues de VPC (vente par correspondance) et le téléphone. Car c'est là un enjeu fondamental : la communication inter-personnelle est le marché le plus sûr, et le débat sur les autoroutes ne peut être séparé de celui sur la dérégulation du téléphone d'une part, de l'accès à la publicité télévisée ou à ses successeurs (VPC) d'autre part.
Le développement actuel le plus clair des autoroutes de l'information est Internet. Il permet l'accès à des débits allant de ceux d'un Minitel à quelques millions de bps. Il supporte déjà les images et la vidéo (mais pas en temps réel). Aussi, une nouvelle vague de projets apparaît, qui tente d'exploiter ou de reproduire Internet. Le terminal privilégié, pendant une première phase, va être le micro-ordinateur multimédia. Il peut être relié par modem, par RNIS et – c'est là une perspective en rapide développement – par le câble. Cette offre est celle d'opérateurs comme Delphi (Murdoch aux Etats-Unis), les câblo-opérateurs français bientôt, et par exemple Novell, dans une alliance récente avec General Instruments (accès à Internet et aux réseaux d'entreprise au travers soit de la télévision, soit du micro-ordinateur, tous deux reliés au câble par des décodeurs spéciaux). L'accès à Internet ou aux réseaux de ce type est alors possible à des débits de l'ordre du Mbps. L'enseignement vidéo à distance, les bases d'images et de clips, etc., deviennent généralisables.
Tendances récentes
Les plates-formes et les formats
En ce qui concerne les plates-formes, le micro-ordinateur est la machine reine de l'année, ce qui ne signifie pas que d'autres ne s'annoncent pas ensuite (assistants personnels, consoles de TV comme le CD-I, etc.). En 1995, le PC sous Windows triomphe, sans toutefois annihiler son brillant et perpétuel challenger, le Macintosh, ni les machines UNIX destinées à des applications plus haut de gamme (Sun, Silicon Graphics). Le PC supporte désormais les jeux, les bases de données, l'accès à Internet, les extensions multimédia, etc.
Les normes et les standards de formats de données se répandent aussi, puisqu'ils sont indispensables à la communication. Pour les documents, c'est le succès croissant de SGML et de HTML, mais aussi des visualiseurs, dont le leader, Acrobat d'Adobe, se détache. Il est désormais possible de trouver, sur CD ou réseau, des banques d'information associées à des revues et documents accessibles en texte intégral et affichables ou imprimables en format identique à celui d'origine, avec transposition des caractères, contrôle de la couleur, etc. Les logiciels de lecture sont gratuits et les fichiers peuvent être distribués avec eux.
Les images photographiques se diffusent sous plusieurs formats de compression en fonction de leurs usages. En informatique, JPEG (norme pour la compression de l'image photo haute définition couleur) est partout. En édition, lorsque la décompression doit être favorisée, les fractales sont de plus en plus intéressantes (cf. l'encyclopédie Encarta de Microsoft). Pour les arts graphiques et la reproduction, ou la constitution de CD de présentation, les avatars du format Photo-CD de Kodak deviennent incontournables. Ils présentent l'avantage d'être lisibles sur toutes les machines (micro, TV, lecteurs spéciaux).
En vidéo, 1994 a vu l'explosion de l'offre en compression MPEG. MPEG1 devient la norme en vidéo de qualité sur micro, MPEG2 pour la diffusion. Cependant, d'autres offres, adaptées à des puissances moindres, et à terme concurrentes, se maintiennent (Indeo de Intel). L'offre est aussi très importante en visioconférence sur micro associée au partage de documents et d'applications, en utilisant la norme internationale H320, au moins comme passage entre tous les systèmes.
Les supports
Le débat entre les CD et les réseaux évolue encore une fois très rapidement. Techniquement, le CD est entraîné vers la distribution de vidéo – au standard CD-vidéo (MPEG1) qui vise à remplacer le vidéodisque et le Laserdisc analogiques. La nécessité d'améliorer la vidéo et de fournir des films de plus de 72 minutes amène à accélérer l'introduction de disques à quadruple densité, selon le nouveau standard des constructeurs.
L'autre marché du CD est la diffusion de CD-Rom pour le micro grand public et les plates-formes de jeu (telles la Sony PlayStation).
En revanche, dans le secteur professionnel et les banques de données, le CD a peut-être déjà atteint son apogée. Il tend à devenir une super-disquette sur laquelle sont fournies des bases de référence et des archives (collection d'un journal en fin de trimestre). Le service en ligne retrouve tout son attrait avec les interfaces graphiques, la création de serveurs W3, la diffusion de documents en formats Acrobat et SGML, la mise en place d'artères rapides, etc.
Quoi qu'il en soit, la tendance est aujourd'hui connue : diffusion sur les divers supports, complémentarité et association entre CD et en ligne (abonnement commun, requête unique), mise des CD sur le réseau (Microsoft le pratique déjà).
Un nouvel univers d'information
Il se met en place, caractérisé par des sources réparties, gérées par les spécialistes, entreprises, chercheurs, musées, etc., des éditeurs qui vont éventuellement réunir des sources ou stimuler la production de services, des serveurs et services qui assurent orientation, diffusion, facturation.
L'édition elle-même se modifie. HTML et certains CD annoncent une édition complètement ignorante du papier et cependant accessible directement par l'utilisateur. Les interfaces d'Internet, en particulier Mosaic, et les protocoles de transport, Mime, tendent à devenir des standards généraux. Les frontières entre littérature grise et publications commencent à évoluer. La grande inconnue reste le problème des droits et de l'économie du système, qui sont à l'ordre du jour des réflexions et le demeureront longtemps. Internet était un monde où l'information était gratuite. Nombreux sont ceux qui ont commencé à y faire commerce (voir par exemple les banques de données qui s'y transfèrent, les services de fourniture de documents comme Uncover). Il reste que les problèmes de propriété, de paiement, de recopie, ne sont pas tous réglés. De nombreuses offres s'annoncent pour y répondre : serveurs sécurisés et transmission cryptée pour les documents eux-mêmes avec paiement sécurisé par carte, codes, etc. (cf. le projet Globe-info de presse en ligne des éditeurs français).
Les bibliothécaires et la sélection
Les développements ne surprennent pas les bibliothécaires. Un désordre invraisemblable est en passe de s'installer chez les utilisateurs avec des centaines de CD et l'accès à des milliers de serveurs d'information crées par des non-spécialistes qui se contentent de placer là tous leurs travaux et documents. Ce qui pouvait très bien fonctionner dans des univers restreints de chercheurs devient inutilisable dans un monde ouvert.
Le rôle du documentaliste et du bibliothécaire est donc encore plus de sélectionner, d'informer, de diffuser. L'acteur qui assurera cette fonction va être aidé par les agents de recherche intelligents (logiciels qui poursuivent une recherche sur le réseau même après déconnexion, dans des serveurs et bases multiples, et apprennent progressivement les profils des utilisateurs), par des serveurs qui vont devenir des tables d'orientation et de reroutage, par des logiciels de tri sémantique.
Les bibliothécaires deviennent nécessairement pour partie des éditeurs : ils mettent en place des serveurs W3 ou Gopher (système non graphique plus rapide lorsque les débits sont limités) sur Internet. Ils interviennent aussi dans les développements de systèmes d'enseignement à distance, en mettant à disposition des ensembles de documents. Ils vont aussi faire leurs courses sur les serveurs de documents, comme ils le faisaient jusqu'ici pour les seules fiches bibliographiques. Ils devront souvent choisir entre la possibilité de maintenir un lien avec un autre serveur et le rapatriement des documents électroniques eux-mêmes, comme ils l'ont toujours fait pour l'ouvrage papier.
Acteurs et stratégies
Des projets nombreux
Les autoroutes et la communication électronique représentent sans doute un des piliers de l'économie de demain, et le vrai début de l'économie de l'information. Aussi, tous les acteurs importants se positionnent sur le secteur.
Ce sont les opérateurs de télécommunications, les câblo-opérateurs, les groupes de communication et les industriels de l'électronique notamment. Ainsi, AT&T, France-Telecom, TCI, Time-Warner, la Générale ou la Lyonnaise des eaux, Bertelsman ou Hachette, Thomson, Sony, Sega, Kodak, pour n'en citer que quelques-uns, développent-ils tous des stratégies. C'est aussi le cas des acteurs de l'information comme le Financial Times et les banques financières, Springer, le groupe Reed/Elsevier, etc. A côté de ces géants, de nombreux petits éditeurs et opérateurs peuvent exister, car les coûts pour produire des informations et surtout pour atteindre des publics ciblés sur la planète se réduisent.
Les projets sont multiples – revues scientifiques en ligne de Springer ou Elsevier, Encyclopedia Britannica sur Internet, programmes de télévision et catalogues à la demande de Warner, réseau intelligent d'AT&T-Sony 3, marché mondial de la photographie ou des images d'art pour Kodak, visiophonie et téléphonie sur le câble ou le téléphone, expérience française de télémédecine (enseignement à distance, consultations d'experts à distance pendant les opérations, plus généralement, concentration des données médicales sur une région).
Une ambition mondiale
Il faut mettre à part l'annonce du leader mondial de la micro-informatique, et donc de l'informatique, Microsoft. Elle se caractérise par son ambition en même temps qu'elle met en lumière de nombreux aspects du problème. L'atout premier est que le logiciel d'accès sera inclus dans Windows 95, nouvelle version du programme que Microsoft pense placer sur 30 millions de PC dans le monde en un an.
The Microsoft Network (TMN) offrira, au travers d'un accès modem, messagerie, forums, logithèques, un accès Internet et le support de fournisseurs de services – soit au départ : Dow Jones, Reuters, Nickelodeon et d'autres chaînes du câble, des éditeurs, la Chase Manhattan Bank, etc. TMN couvrira 35 pays, avec une interface en 20 langues et une facturation en 19 monnaies. Microsoft inclura des passerelles pour la messagerie Internet et bien sûr un browser, mais aussi, dans Word, un traducteur HTML ainsi qu'un visualiseur. Il sera donc possible de transmettre sur écran soit des pages Word à tout système, soit de réaliser automatiquement des pages standard du W3 et de les charger sur des serveurs.
Enfin, l'offre est directement orientée vers le commerce électronique. Elle doit être rapprochée de l'accord avec Visa pour un système mondial de paiement et de l'achat d'Intuit, dont le logiciel Quicken est leader de la gestion de comptes par les particuliers et les petites et moyennes entreprises (et de la liaison avec leur banque). Elle doit enfin être associée au projet Teledesic de lancer 840 satellites en orbite basse pour assurer l'accès aux micros et machines portables et mobiles sur toute la planète.
Face à cette attaque tous azimuts, de nombreux acteurs s'inquiètent et se regroupent. Ainsi, Novell, leader des réseaux locaux, a annoncé des services avec AT&T et un superbe accès Internet, avec l'intégration mondiale de toutes les machines qui peuvent intéresser une entreprise, y compris les distributeurs de boissons. Rappelons que de nombreux distributeurs de Coca des campus américains sont sur Internet et qu'il est possible de connaître l'état du stock sans se déplacer…
Une bataille mondiale est en cours, sur un marché dont personne ne connaît encore exactement les possibilités. L'économie de l'information se met en place. Le travail de groupe et la visio-réunion s'annoncent. Des bibliothèques et des médiathèques réparties et virtuelles se mettent en place. Les plus grands acteurs, et les plus pragmatiques, croient aux bases d'oeuvres d'art, au génome, aux encyclopédies littéraires, comme au jeu, à la pornographie, à l'information financière. Tous ces marchés vont se segmenter. L'important est de croire que, demain, tout le monde aura accès au haut débit et, en même temps, que les réalités économiques et culturelles imposent des étapes. L'important, pour les gestionnaires d'information, est de rester informé et ouvert, de connaître les standards, de pratiquer eux-mêmes les nouveaux médias avec les machines et réseaux disponibles, d'expérimenter la fourniture de services en restant à l'écoute des utilisateurs.
Janvier 1995