L'institut national de formation des bibliothécaires... tambour battant !
Bertrand Calenge
Un an après sa création au 1er septembre 1992, l'Institut national de formation des bibliothécaires emménage dans des locaux neufs à Villeurbanne. C'est donc avec rapidité que cet Institut a trouvé ses points d'ancrage dans le paysage de la formation professionnelle, même si cette rapidité n'a pas toujours permis à chacun de distinguer nettement les contours du projet. Il est vrai que les bouleversements statutaires n'ont pas facilité la vision calme d'un univers serein, et que l'INFB est directement issu de ces bouleversements.
Un enjeu prioritaire
Un peu d'histoire tout d'abord : lorsqu'en 1991 le Comité interministériel d'aménagement du territoire décide de délocaliser le Centre national de coopération des bibliothèques publiques (CNCBP), la Direction du livre profite de cette occasion pour réflechir aux priorités de sa politique. A cette époque, deux questions se posent : comment proposer une formation adaptée pour les bibliothécaires territoriaux (nouveau cadre d'emploi dont les statuts viennent alors de paraître) ? Comment promouvoir la formation continue statutaire des personnels d'Etat des bibliothèques publiques, dont le nécessaire développement s'accommode mal d'une gestion menée directement par l'administration centrale ?
L'enjeu de la formation est tellement prioritaire que la décision est vite prise : un institut de formation, initiale et continue, va être créé, localisé à Villeurbanne et cet organisme pourra être outil national de prestations de service en matière de métiers et de formation à l'intention des bibliothèques publiques.
Or, au premier semestre 1992, des interrogations similaires agitent les deux directions concernées par les personnels de bibliothèque au sein de l'Enseignement supérieur : la Direction de la programmation et du développement universitaire (DPDU), pour la formation des bibliothécaires d'Etat, dont les statuts viennent d'être promulgés, et la Direction des personnels de l'enseignement supérieur (DPES), pour la formation continue des personnels des bibliothèques de l'enseignement supérieur.
La création programmée de l'INFB, et la collaboration induite par la réunion de tous ces partenaires dans un même ministère de l'Education nationale et de la Culture, emportent la décision en juillet 1992 : le nouvel institut aura la charge de former l'ensemble des bibliothécaires d'Etat, de reprendre l'ensemble des programmes de formation continue gérés jusqu'à présent par les deux ministères (y compris les programmes de formation liés au développement de la lecture et financés par la Direction du livre).
Déjà, la localisation du futur institut est fixée à Villeurbanne - pour favoriser la synergie avec l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) et favoriser l'émergence d'un pôle professionnel fort -, déjà la Direction du livre prépare la constitution de la nouvelle équipe qui animera l'Institut.
Premiers programmes
Les quatre directions concernées apportent leur écot pour la bonne marche du projet : du côté de la Culture, la Direction de l'administration générale débloque les crédits de délocalisation qui permettent achat et aménagement de locaux, la Direction du livre fournit sept postes, les crédits de fonctionnement de l'établissement et les crédits de formation de ses programmes ; du côté de l'Enseignement supérieur, la DPDU apporte quatre postes et les crédits de formation de ses bibliothécaires, la DPES offre six postes de maîtres de conférence associés à mi-temps et ses crédits de formation continue.
L'Institut est officiellement confirmé et délocalisé par arrêté du 21 août 1992 sous l'appellation d'Institut de formation des bibliothécaires, et les premiers membres de l'équipe s'installent à Villeurbanne dès le 1er septembre 1992, dans des locaux provisoires loués à la municipalité. L'ensemble du centre de documentation du CNCBP reste pour un an à la disposition du centre de formation Médiadix, lequel conserve pour cette période transitoire le libre usage des locaux de Massy, avec toutes garanties de soutien budgétaire à leur fonctionnement.
Une année s'est écoulée, pendant laquelle l'INFB a élaboré ses premiers programmes avec une équipe très restreinte (cinq postes budgétaires pourvus, puis deux de plus en mars 1993, avant que trois autres agents arrivent en septembre 1993, et les maîtres de conférence attendus en janvier 1994). Trois mois après l'installation à Villeurbanne paraissait le premier programme de formation continue pour 1994, trois mois plus tard étaient accueillis les premiers bibliothécaires d'Etat, recrutés par concours interne exceptionnel. Sur le premier semestre 1993, un petit bilan s'impose :
- 106 bibliothécaires stagiaires accueillis, soit 2 705 journées ;
- 287 stagiaires reçus dans les stages de formation continue, soit 1 349 journées, dont 127 pour des bibliothécaires stagiaires accueillis en formation continue.
Bref, au total 3 927 journées, en 22 sessions de formation continue et 12 sessions de formation initiale des bibliothécaires, organisées dans des conditions parfois acrobatiques vu l'absence de locaux aptes à recevoir des stagiaires. Premiers constats de cette mise en œuvre : un brassage extrêmement riche entre personnels dépendant de la Culture et personnels sous l'autorité de l'Enseignement supérieur, brassage dans les sessions elles-mêmes (formations initiales et continues) et dans l'information apportée aux agents (échos favorables reçus à la parution des deux premiers Vademecum : formations en bibliothèques, catalogues semestriels de tous les stages de formation continue mais aussi recensements de réflexions, d'adresses utiles, d'informations sur les métiers, etc.).
Des locaux fonctionnels
Et, pendant ce temps, le bâtiment a été recherché, analysé, aménagé... Deux plateaux nus, totalisant 1 250 m2, ont été choisis dans un immeuble d'entreprise ; sous le contrôle de l'INFB et de la Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes, qui ont proposé l'architecte Michel Gamard (déjà co-auteur du bâtiment de la bibliothèque départementale de prêt de Saône-et-Loire), le promoteur-vendeur a aménagé ces locaux avant d'en signer l'acte de vente à l'Etat en juillet 1993. L'ensemble de l'opération, équipement mobilier compris en cours, représente un coût de 16 millions de francs, gérés par la DRAC Rhône-Alpes.
Les locaux sont agréables, fonctionnels et, de plus, croyons-nous, d'une architecture intérieure réussie. Un escalier intérieur pivot de l'établissement relie les deux niveaux en un ensemble unique. Outre les bureaux et foyer divers, l'Institut propose maintenant une salle de conférence (93 places), quatre salles de cours, une salle audiovisuelle, deux salles d'enseignement informatique et un centre de documentation. Un travail de signalétique (Olivier Cartaillier, architecte-graphiste) complète l'effet d'image dans l'esprit de la ligne graphique de l'Institut.
Des formations en alternance
Il est vrai que ce lieu était indispensable ; l'Institut a un programme chargé pour l'année 1993-1994 :
- 129 bibliothécaires stagiaires (concours interne exceptionnel 1993) ;
- fin de la formation des 106 bibliothécaires stagiaires du concours interne 1992 ;
- 20 bibliothécaires d'Etat recrutés par concours externe 1992 (date d'affectation encore inconnue) ;
- environ 50 stages de formation continue prévisibles.
En outre se profilent l'hypothèse de la formation des bibliothécaires territoriaux (concours au deuxième semestre 1993 - des négociations ont été entreprises sur cette question avec le CNFPT), celle de la formation possible des bibliothécaires de la Ville de Paris, et l'établissement de programmes éventuels de formations liées au développement de la lecture et encore à l'étude à la Direction du livre.
L'Institut souhaite également être une des ressources pour l'organisation de formations de formateurs, tant ces derniers sont devenus nécessaires partout (stages locaux, plans de formation d'établissements, etc.).
Pour l'ensemble de ces formations, l'INFB raisonne toujours en termes de modules : unité de temps (3 jours à 1 semaine), unité d'objectif, homogénéité du recrutement (« évaluation des pré-requis ») et bilan personnel (« validation des acquis »). Il conçoit également toujours l'ensemble de ses stages comme des formations en alternance, étayées sur la situation professionnelle des stagiaires, et en liaison avec leur établissement (rappelons que les bibliothécaires sont déjà affectés sur leur poste dès leur recrutement et au moment de commencer leur formation) ; l'INFB n'accueille donc pas d'étudiants.
Enfin, l'Institut veut toujours proposer et suivre pour chaque stagiaire un itinéraire personnalisé de formation : déjà en place pour les bibliothécaires stagiaires, cet itinéraire est en cours de réflexion au niveau de la formation continue pour l'aide à l'élaboration de livrets individuels de formation. De la sorte, l'INFB souhaite développer son expertise dans le domaine des métiers des bibliothèques (des programmes d'évaluation sur l'impact des formations sont en préparation), en s'appuyant d'une part sur les compétences de l'ENSSIB en matière de sciences de l'information et de bibliothéconomie, d'autre part sur l'expérience des Centres régionaux de formation aux carrières des bibliothèques, indispensables interlocuteurs et partenaires des établissements aux niveaux local, académique et régional.
Ambiguïté statutaire
Des projets de collaboration précis sont en cours d'élaboration avec l'ENSSIB (qui est déjà partenaire administratif de l'INFB), notamment dans le domaine documentaire (liaison étroite entre les deux bibliothèques, avec coopération dans les domaines des acquisitions, de la bibliographie, de la conservation, etc.).
Cette ambition et ces projets nombreux peuvent être mis en place progressivement. Ils devront être affinés, précisés, évalués au fur et à mesure. Leur évolution sera plus ou moins accélérée selon le statut que prendra l'établissement. Actuellement, l'Institut est service extérieur du ministère de la Culture et de la Francophonie, mais, pour l'affectation des moyens en provenance de l'Enseignement supérieur et l'ensemble des crédits pédagogiques, il a été jugé plus utile de solliciter de l'ENSSIB son soutien et son intermédiaire. Cette situation permet sans aucun doute un fonctionnement satisfaisant grâce aux bonnes relations entretenues entre les deux établissements, mais devra être simplifiée et éclaircie sur le plan du futur statut juridique de l'INFB, encore en cours de réflexion au sein du ministère de la Culture. Cette ambiguïté statutaire ne doit cependant pas limiter ou freiner l'ambition de cet Institut : être un véritable outil national de formation professionnelle continue, un lieu d'échange et de réflexion sur les métiers, au service de l'ensemble des établissements.