BPI Jeunesse
Le lancement de la pastille
Michel Béthery
Scolaires et adultes débutants ont bien du mal à s'orienter à la BPI. Le soutien personnalisé n'étant pas possible, la bibliothèque a décidé de faciliter leur approche par une signalétique de niveau indiquant, à l'aide d'une pastille de couleur, les ouvrages d'accès facile. Après une première expérience, en 1987, limitée aux fonds de biologie, de botanique et de zoologie, cette signalétique a été étendue à toute la bibliothèque, en avril 1989. Elle vise les adolescents, les adultes débutants, mais aussi les amateurs et les curieux à la recherche d'une information de base sur un sujet d'actualité ou une activité de loisir. Les ouvrages retenus doivent être clairs et aisément compréhensibles, et ne pas nécessiter de vocabulaire spécialisé ni de connaissance préalable du sujet. Actuellement au nombre de 8500, ils représentent 3 % du fonds total. Les notices catalographiques du catalogue de la BPI doivent également signaler ce code de niveau, afin de permettre des tris ultérieurs.
Students and other debutants have difficulty in orientating themselves in the BPI. Personalized assistance being impossible, the library has decided to facilitate their access by pointing out, by means of a coloured badge, easiest books. After a first experiment which was, in 1987, limited to books of biology, botany and zoology, this signalling has been extended to the whole library in April 1989. It is directed to adolescents and unexperienced adults, but also to amateurs and occasional visitors in search of a basic book about a current topic or a matter of leisure. The books chosen have to be clear and easily understandable ; they should not require a specialized vocabulary nor a previous knowledge of the subject-matter. At the present time, 8500 items constitute 3 % of the whole stock.
Avec son fonds de plus de 250 000 ouvrages, la BPI offre au public un large éventail de niveaux. Le public est également très diversifié, avec une proportion importante de gens cultivés, d'étudiants ou de spécialistes qui s'orientent aisément dans cet ensemble complexe. En revanche, d'autres lecteurs moins à l'aise - adolescents, scolaires ou adultes débutants - ont manifesté le besoin d'être aidés dans la recherche des ouvrages de niveau élémentaire ou facile qui peuvent répondre à leur demande.
Approches
La préoccupation d'améliorer l'accueil aux adolescents et aux débutants existe depuis plusieurs années. L'expérience acquise dans les bureaux d'information du public a en effet mis en évidence les difficultés de ces lecteurs à trouver des documents adaptés à leurs besoins. En outre, l'enquête de satisfaction du public de la BPI faite en mai 1988 1 a confirmé qu'une partie du public scolaire se sentait « perdue » dans la bibliothèque : certains (9,5 %), en raison du nombre important de livres, d'autres (20 %), à cause de leur niveau.
Le personnel des bureaux d'information étant sollicité par un nombre très important de demandes, et la fréquentation considérable de la BPI rendant le service public très lourd, il est impossible d'envisager le soutien personnalisé et le suivi individuel des lecteurs les moins avertis par les bibliothécaires de service. C'est donc par un détail signalétique sur les ouvrages que nous avons cherché à faciliter l'orientation de ces lecteurs.
Une première expérience a débuté en 1987 sur une partie restreinte du fonds: en biologie, en botanique et en zoologie. Ces disciplines ont été choisies parce qu'elles intéressaient un nombreux public - élèves des collèges et des lycées pour leurs exposés, naturalistes amateurs,... -, mais aussi parce que l'édition elle-même semblait établir des niveaux en publiant, dans ces domaines, des ouvrages pour amateurs. Dans chacun des domaines concernés, le responsable des acquisitions a sélectionné les ouvrages élémentaires du fonds. Ces livres ont ensuite été équipés d'une étiquette autocollante rectangulaire - 2,2 sur 1,5 cm -destinée à attirer l'attention du lecteur par un « i » en gras et en rouge, le long duquel s'inscrivait verticalement le mot « initiation ». Furent ainsi équipés les encyclopédies et les dictionnaires illustrés, les ouvrages généraux d'initiation et les guides de terrain : au total, environ 3 % des volumes du domaine.
Les difficultés rencontrées pour cette première opération furent diverses. La principale est que, si l'on peut choisir les ouvrages à signaler d'après le catalogue, cela ne suffit pas. Il faut également voir les livres, à la fois un par un et dans leur ensemble ordonné, pour pouvoir apprécier le niveau de chacun et sa place dans l'ensemble. Dans un fonds d'une telle importance, cela représente, pour chaque discipline, un travail de plusieurs heures. Qui plus est, ce travail ne peut s'effectuer dans de bonnes conditions qu'après un rangement complet.
Or, pour cette première expérience, et pour s'affranchir de ce rangement préalable, on avait tenté une mise en place progressive de la signalétique de niveau, réalisée par tranches successives, trop lentement, et sans avoir une vue d'ensemble suffisante des disciplines traitées. Par ailleurs, le domaine restreint d'application interdisait une information claire et générale du public sur l'existence et la signification de cette signalétique. Enfin, sur le plan pratique, la visibilité et la lisibilité de l'étiquette se sont révélées insuffisantes. Pour toutes ces raisons, l'opération est restée marginale et n'a rencontré qu'un écho très faible dans le public.
Parallèlement se mettait en place, d'abord dans les fonds de sciences et techniques, puis, dans toute la BPI, une signalétique détaillée des disciplines, avec des étiquettes placées le long des rayonnages pour chacune des subdivisions du plan de classement. Cette signalétique permettait à la fois une meilleure orientation des lecteurs et une plus grande efficacité du rangement quotidien des ouvrages sortis, ce qui améliora sensiblement le libre accès aux documents. Ces meilleures conditions pour l'ensemble du public ne résolvaient cependant pas le problème spécifique de l'accès à des documents pour les lecteurs moins avertis, en particulier les adolescents dont le nombre augmentait et que la bibliothèque devait accueillir. Ce, d'autant plus que les fonctions de la nouvelle « Salle d'actualité Jeunesse » leur étaient moins favorables que celles de l'ancienne « Bibliothèque des enfants » 2. Il fut donc décidé de reprendre et d'étendre à l'ensemble de la BPI l'expérience de signalétique de niveau.
La prise de la pastille
L'éventail de livres concernés a été élargi : livres pour scolaires et adolescents, livres d'initiation élémentaire à un sujet, livres d'information générale et de vulgarisation. La signalétique nouvelle vise le public des adolescents et des débutants, mais aussi celui des amateurs ou des curieux à la recherche d'une information de base sur un sujet d'actualité ou une activité de loisir. Sur le plan pratique, l'étiquette peu lisible utilisée. précédemment dans les rayons des sciences de la vie a été remplacée par une pastille autocollante rouge vif de 1,5 cm de diamètre. En avril 1989, après le « reclassement » de tous les étages de la bibliothèque, c'est-à-dire après remise complète des fonds cote par cote, et par ordre alphabétique auteurs-titres à l'intérieur de chaque cote, les responsables des acquisitions dans chaque domaine ont procédé à la sélection des livres en même temps qu'à leur équipement. Pour gagner du temps, cette sélection avait d'abord été préparée à l'aide du catalogue, mais l'examen direct des ouvrages fut le critère décisif. A la fin de l'opération, la totalité des rayons de la bibliothèque était équipée, à l'exception de quelques disciplines pour lesquelles une deuxième séance de travail s'avéra nécessaire.
Critères de sélection
Les ouvrages retenus doivent être rédigés d'une façon aisément accessible, sans nécessiter du lecteur une connaissance préalable du sujet, et permettre une approche claire et progressive du vocabulaire spécialisé ou technique nécessaire. La présence d'illustrations, d'index ou de bibliographies, l'aspect attractif de la mise en pages et de la maquette, le talent pédagogique de l'auteur et la publication récente sont des éléments d'appréciation décisifs. Les ouvrages retenus sont presque tous en français. Les ouvrages en langue étrangère ne l'ont été que très exceptionnellement quand l'équivalent français n'existait pas. Le nombre total d'ouvrages ainsi équipés s'élève à 8 500, soit un pourcentage moyen de 3 % pour l'ensemble de la bibliothèque.
Toutefois, si les critères de sélection étaient en principe homogènes pour toute la bibliothèque, ce pourcentage global n'a pas grande signification, car les résultats ont été très variables d'une discipline à une autre : dans certaines branches, il est impossible d'indiquer des ouvrages immédiatement accessibles en raison même de la complexité du sujet. Par ailleurs, la rareté des ouvrages équipés peut aussi refléter les déséquilibres et les lacunes de l'édition : en chimie, par exemple, aucun livre de vulgarisation n'a été publié depuis Molécule la merveilleuse de Raoul Salem en 1979. Inversement, certains secteurs pourraient être équipés intégralement : jeux, économie domestique, par exemple. Dans ce cas, seuls quelques livres vraiment généraux et élémentaires ont été choisis.
Etat des lieux
L'opération s'est déroulée comme suit dans les différentes classes du fonds :
Classe 0, généralités: très peu d'ouvrages ont été équipés, exception faite des dictionnaires et encyclopédies (cote 0.31) ;
1 et 15, philosophie et psychologie: moins de 5 % des ouvrages de philosophie ont été équipés ; ce sont les manuels scolaires, les dictionnaires, les collections d'initiation aux auteurs classiques. Le pourcentage est plus important en psychologie en raison des collections destinées au grand public et à la formation permanente ;
2, religions : quelques collections sur le christianisme et de très rares ouvrages sur les autres religions ;
3, sciences humaines: 1 % des ouvrages en moyenne, avec des points forts comme le droit et les sciences de l'éducation, équipés à 4 à 5 % ; principalement les guides juridiques et les guides pratiques destinés aux parents ;
5/6, sciences, médecine et techniques : quelques pourcentages en ce qui concerne les manuels scolaires et les collections de vulgarisation facile dans les sciences fondamentales; beaucoup plus, jusqu'à 10 %, dans les disciplines appliquées ;
7, arts : moins de 5 % des ouvrages dans l'ensemble du domaine, peu d'entre eux s'adressant, en effet, aux adolescents. L'opération a plutôt visé le public des adultes débutants ;
8, langues et littératures: essentiellement des manuels, des histoires littéraires, parfois des ouvrages de critique faciles, ainsi que des collections destinées au grand public ;
9, histoire et géographie: des livres scolaires et quelques titres dans les collections universitaires. Le pourcentage d'ouvrages sélectionnés est très variable d'une cote à l'autre. Il va de 0,5 % dans un secteur comme l'urbanisme à près de 50 % en géographie régionale générale. Outre le public scolaire, le public visé est, en histoire, celui des amateurs et, en géographie, celui des touristes qui préparent leurs vacances.
Les problèmes pratiques posés par cette signalétique de niveau sont les mêmes dans tous les domaines: les pastilles résistent mal à une utilisation intensive des livres et, comme pour toute signalétique, il faut donc prévoir une maintenance ; de plus, elles ne sont guère visibles lorsque l'épaisseur du dos du livre est nettement inférieure à leur diamètre, ce qui est souvent le cas d'après la définition même des ouvrages équipés ; enfin, elles peuvent masquer une partie de l'information portée au dos du livre.
Dès l'apparition des pastilles rouges sur les rayons, les réactions du public ont été nombreuses. Ils ont interrogé les bibliothécaires de service sur leur signification. Certains lecteurs y ont vu un nouveau dispositif antivol, d'autres l'annonce d'un prochain retrait du livre, d'un prochain « désherbage ». Ce qui nous a conduit à faire une information générale sur l'existence et la signification de cette nouvelle signalétique au moyen d'affiches claires et bien visibles, apposées en particulier dans la coursive d'entrée de la bibliothèque. Il est encore trop tôt pour mesurer l'aide effective apportée au public visé, mais, la quantité des questions qu'a suscitées cette signalétique de niveau, ainsi que l'usure rapide des pastilles sur les ouvrages équipés, prouvent qu'ils ont été très remarqués et très utilisés.
Signalétique et catalogue
Maintenant que les fonds existants sont entièrement équipés, les ouvrages nouveaux répondant aux critères de sélection sont équipés d'une pastille signalétique par le responsable de chaque domaine dès qu'ils sont traités. La signalétique aura sa traduction dans les notices bibliographiques du catalogue de la BPI grâce à un code de niveau, représenté par la lettre A, qui sera intégré dans un champ de la notice permettant le tri.
Etant donné que ce niveau A correspond aux ouvrages signalés par une pastille pour le public adolescent ou débutant, on pourra trier les ouvrages de ce type dans le catalogue et en tirer des bibliographies sélectives par sujet et par niveau. Pour certaines disciplines, ce code de niveau a été étendu à trois valeurs : A, B et C. Le niveau B correspond aux ouvrages destinés à un public déjà averti ou même érudit. Le niveau C désigne les livres professionnels ou spécialisés et les manuels de l'enseignement supérieur. Ce classement en trois niveaux est bien souvent délicat. Certains documents peuvent en effet intéresser deux niveaux de public différents, AB ou BC par exemple, et nous sommes bien conscients des approximations engendrées par cette sélection. Elle nous semble cependant intéressante pour la publication de catalogues sectoriels car elle apportera au lecteur une information supplémentaire sur les fonds de la BPI.