Principles for the preservation and conservation of library materials

par Jean-Marie Arnoult

Jeanne-Marie Dureau

David W. Clements

The Hague : International federation of library associations and institutions, 1986. - 25 p. ; 30 cm. - (Ifla Professional reports, 8)

En 1979 était publiée la première version de ces principes rédigés par les membres de la section Conservation de l'IFLA (IFLA Journal, 5, 1979, p. 292-300). Soumise à enquête au cours des années qui suivirent, elle paraît dans sa forme définitive, amendée, modifiée, finalement compilée par J.-M. Dureau et D.W. Clements, et devient ainsi le texte de référence en matière de préservation et de conservation.

Si la version 1979 avait montré la voie en traçant les grandes lignes des principes fondamentaux, on avait pu lui reprocher son attachement à des conceptions statiques. En quelques années, un long chemin a été parcouru ; les idées maîtresses sont restées, mais affinées, redessinées, élaguées, épurées. La définition des notions initiales qui ont bénéficié de la perception différente des besoins, est le reflet de cette évolution. La conservation n'est plus seulement un domaine réservé à des techniciens mais une préoccupation pour la vie quotidienne des bibliothèques et de leurs documents.

Une remarque d'importance est à faire dès le titre : en 1979, il s'agissait des principes de conservation et de restauration ; en 1986, il s'agit des principes de préservation et de conservation. Cette modification est capitale et révèle la transformation profonde qui s'est opérée en quelques années. La nécessité et l'urgence à considérer la fragilité innée des matériaux qui composent les documents, l'incidence des conditions matérielles de magasinage, de manipulation et de communication, les problèmes de l'environnement en général, sont la cause directe de cette modification. L'abandon des recommandations pour la restauration n'est cependant pas un signe de mépris ou de dédain. La spécificité des techniques, le spécialisation de plus en plus grande, le recours à des connaissances multiples et à des matériels de haute technologie, rendaient dérisoires des principes émis en quelques pages dont les spécialistes ne pouvaient se satisfaire et qui risquaient d'induire en erreur les non-initiés. Si des principes de restauration demeurent néanmoins utiles, c'est davantage au niveau de l'éthique de la profession : c'est ainsi qu'ils ont été énoncés par le comité de la conservation de l'ICOM. La restauration ne se suffisant pas de bonnes intentions, il était donc préférable de mettre l'accent sur la préservation, sur les risques encourus par les documents : une partie importante de ces principes est consacrée à une information judicieuse sur l'environnement, sur les dommages qui altèrent les matériaux, sur les différents recours dont on peut disposer. Ces paragraphes constituent réellement une base que tout bibliothécaire doit connaître.

On ne manquera pas cependant de remarquer que certains détails prêtent à interprétation. En 1979, la température recommandée pour la conservation des documents en papier ou parchemin était de 18°C ; en 1986, elle est proposée entre 16 et 21°C ; l'humidité relative était de 50 à 55% en 1979 ; elle est de 40 à 60 % en 1986. Qui a tort, qui a raison ? On pénètre là dans le domaine des incertitudes liées à des convictions établies sur des critères techniques qui sont rarement expliqués. Les principes de 1986 ont l'avantage d'offrir une fourchette souple en précisant la nécessité impérative de réduire les écarts au maximum sur de courtes périodes. Peut-être aurait-il fallu, en quelques lignes, expliciter les divergences rencontrées dans divers manuels et indiquer l'importance relative de ces facteurs. On remarquera également le dilemme - voire l'hésitation latente - entre l'explication technique à la limite du superficiel, donc de l'incomplétude, et la vulgarisation intelligente perceptible par tous. C'est le risque inhérent à un texte qui a vocation de s'adresser à un vaste public ; il entraînera, n'en doutons pas, des critiques justifiées, mais leur portée sera amoindrie par la manière dont les problèmes de préservation et de conservation sont abordés.

A la fois manuel, guide, compagnon de travail, porte ouverte sur une nouvelle conception des bibliothèques, son grand mérite est de montrer que la conservation est aussi et surtout une affaire de coopération (paragraphes 16 et 20) entre les bibliothèques elles-mêmes et entre bibliothèques et archives qui, trop souvent, œuvrent isolément alors que leurs vocations et la similitude de leurs difficultés devraient les inciter à faire cause commune.

Dernier point enfin : avec subtilité, les principes suggèrent une réponse à un faux problème. Quelles bibliothèques ont mission de conserver ? Certaines en sont-elles dispensées ? Faut-il se plier sans réserve à une technocratie nouvelle au risque de tout lui subordonner, y compris la communication ? En fait, c'est à chaque établissement, en parfaite connaissance de ses missions, de ses publics, de ses fonds, de choisir si les contraintes de la conservation lui sont nécessaires ou non. Chaque bibliothèque peut se sentir concernée, mais c'est à chacune de décider de l'opportunité de conserver telle catégorie de documents ou l'intégralité de ses collections. Sous une forme indirecte, le recours à la coopération est la réponse à ces questions.

La publication des principes est donc une étape décisive. Tout responsable de bibliothèque se doit d'en avoir un exemplaire pour dresser un bilan de l'état de ses collections, en tirer des conclusions et réfléchir sur le devenir de ses fonds sans oublier que la première raison de conserver est de communiquer. Actuellement seule la version anglaise est disponible, mais des traductions en français, allemand, espagnol, portugais, russe, sont en cours et paraîtront dans les prochains mois.