Lire pour comprendre

Annie Adam

Aline Antoine

Éléments sur les activités des bibliothèques dans le domaine des sciences et techniques : stages de formation permanente ; comités de lecture autour de l'édition de vulgarisation scientifique pour adultes ou pour enfants et adolescents ; mise au point sur la future médiathèque de La Villette et sur son espace-enfants ; mini banque de données sur les sciences et techniques.

Some details about activities in libraries, especially in the science and technique field; reading committees about edition of scientific popularization for adults or children and teenagers; the future mediacenter of La Villette and its special space for children : the state of the art ; a mini database on science and techniques.

L'association « Lire pour comprendre » est née officiellement il y a plus de deux ans. Elle a pour but de réunir des pédagogues, des bibliothécaires et des documentalistes, des auteurs et des scientifiques autour d'une question qui les préoccupe tous à des titres divers : l'amélioration des livres de vulgarisation scientifique destinés aux jeunes. Cette naissance est la concrétisation d'une idée lancée au cours d'un stage de formation permanente.

Comment naît un comité de lecture ?

Le point de départ de ce groupe a donc été un stage organisé à la Bibliothèque publique de Massy en novembre 1980. Il avait réuni autour du problème de la vulgarisation scientifique des bibliothécaires, des enseignants, des scientifiques, des auteurs, des éditeurs. Le programme proposé aux stagiaires s'était donné pour objectif de répondre à une situation qui avait été analysée dans les termes suivants :

« Le grand public et le public cultivé s'intéressent de plus en plus aux sciences dont le rôle sur notre avenir apparaît déterminant. Il y a donc de plus en plus de demandes d'ouvrages scientifiques et techniques alors que les bibliothécaires sont généralement de formation littéraire. La diversité des thèmes abordés, le vocabulaire employé, la rapidité d'évolution de certaines sciences et, souvent, le coût élevé des ouvrages scientifiques font que les bibliothécaires hésitent parfois à faire des acquisitions dans ce secteur ».

Lors de la table ronde qui achevait le stage, les directeurs de collection et les scientifiques présents se sont interrogés, avec les bibliothécaires, sur la façon d'améliorer la vulgarisation scientifique pour les jeunes et d'informer les éditeurs sur les besoins et sur les exigences à respecter pour atteindre cet objectif.

C'est donc à partir de cette demande que nous avons créé un groupe de travail sur la vulgarisation scientifique comprenant une vingtaine de personnes (bibliothécaires, auteurs scientifiques, enseignants). Il s'est appuyé, d'une part, sur la Bibliothèque publique de Massy et, d'autre part, sur le . « Relais nature Jouy-Vélizy », sorte de bibliothèque de terrain qui accueille des jeunes pour leur faire découvrir l'environnement. Les animateurs du Relais, et notamment une des bibliothécaires, Annie Adam (qui avait par ailleurs assuré l'organisation pédagogique du stage de Massy), ont apporté au groupe leur expérience en matière de documentaires pour les jeunes. Ils sont en effet confrontés de manière aiguë à l'utilisation des livres sur la nature, qui doivent correspondre à la réalité observée et apporter des données supplémentaires, soit parce qu'elles ne découlent pas de l'observation directe, soit parce qu'elles décrivent des expériences qui apportent un complément d'information.

Les débuts du groupe

Nous nous sommes d'abord réunis avec l'idée de choisir des thèmes, d'analyser les livres autour de ces thèmes et de publier des analyses dans des revues touchant des publics variés (La Recherche pour les scientifiques, Trousse-livres pour les bibliothécaires, en l'occurence).

Il était aussi nécessaire de coopérer avec des groupes travaillant dans le même sens; c'est ainsi que la section de vulgarisation scientifique de la « Joie par les livres » est représentée à nos réunions, non pas, bien sûr pour doubler les recherches mais, au contraire, pour les compléter, ce qui est bien nécessaire. L'étendue du sujet justifie largement un partage du travail.

Restait à définir notre rythme de travail : une réunion tous les deux mois au cours de laquelle nous analysions une partie de la production récente des documentaires, en insistant sur les thèmes très demandés : biologie, astronomie, préhistoire.

Au départ, il était difficile d'obtenir notre outil de travail : les livres en service de presse. Les éditeurs ne nous connaissant pas, il a fallu les informer; les analyses parues dans La Recherche nous ont aidés à les convaincre du sérieux de l'entreprise. Certains directeurs de collection ont été conviés, lors des séances de travail où des livres de leur maison d'édition ont été analysés. Il nous a paru très important de savoir, par exemple, comment une collection comme « Le Monde en poche », chez Nathan, avait été conçue; comment étaient choisis les auteurs; Bernard Sassier, le directeur de collection a reçu nos critiques tout en expliquant et en défendant ses points de vue. Des rencontres de ce type se sont renouvelées plusieurs fois (Hachette, Hatier, Albin Michel... ) .

Une association et une feuille d'information

Après un an d'activités du groupe, tout le monde a ressenti le besoin de structurer ce travail que nous faisions avec plaisir mais sans objectif très défini : si notre travail restait à l'intérieur de notre cercle, il demeurait un peu stérile. Le but était de diffuser plus largement l'information afin d'avoir plus d'impact. Nous avons donc créé en juillet 1982 l'association « Lire pour comprendre » dont les buts sont de :
- favoriser les échanges de vue entre enseignants, bibliothécaires, scientifiques, auteurs, éditeurs et toute personne concernée par la diffusion de la connaissance ;
- apporter une aide technique et pédagogique à des organismes concernés par la vulgarisation des connaissances, favoriser les échanges entre ces organismes.

Nous avons aussi ressenti la nécessité d'avoir notre publication pour compléter les articles que nous publions dans d'autres revues ; notre public est précisément ciblé : nous cherchons à atteindre les scientifiques par les analyses qui paraissent dans La Recherche, en revanche c'est aux enseignants et aux bibliothécaires que nous destinons cette feuille d'information. Paraissant tous les deux mois depuis le début de 1984, elle contient le compte-rendu des séances de travail du groupe (et notamment les divers avis échangés sur les livres étudiés), ainsi que des analyses plus développées, signées par des membres de l'association.

Un projet comme celui de « Lire pour comprendre » a besoin de permanence et de soutien matériel. L'aide apportée par la MIDIST (Mission interministérielle de l'information scientifique et technique) du ministère de la Recherche et de l'Industrie et par le ministère chargé de l'Environnement a permis d'assurer un secrétariat et la mise en route des premiers numéros. La Bibliothèque publique de Massy apporte son aide technique et nous héberge.

Confronter les points de vue

Notre travail s'organise au fur et à mesure que le groupe évolue. Mais il y a des questions qui se posent clairement et auxquelles nous n'avons pas encore répondu. Ainsi, n'y aurait-il pas lieu de nous confronter à certains scientifiques qui se prêtent parfois avec trop de complaisance à des entreprises trop « commerciales », médiocres même ? Ont-ils conscience de l'impact, sur de jeunes intelligences, d'un texte qu'ils ont écrit à la hâte, sans se poser de questions sur l'accueil qu'un enfant peut faire à des concepts qu'ils considèrent comme allant de soi ? Entendent-ils les interrogations de leurs lecteurs qui, enfermés dans un contexte culturel donné, n'ont pas accès aux explications de « ceux qui possèdent le savoir » ?

L'intérêt de ce groupe est sa diversité. Elle favorise la confrontation de points de vue qui ne s'accordent pas toujours. Bibliothécaires et scientifiques ont des approches du livre bien différentes : il est parfois plus difficile de défendre une approche pédagogique intéressante que de critiquer des erreurs scientifiques. Nos analyses sont donc l'occasion de remettre en question certains de nos a priori. Prenons par exemple le problème de l'anthropomorphisme tanf décrié par certains : faut-il faire de ces critiques un principe constant ? il suffit de voir les enfants lire La Hulotte pour s'apercevoir que l'anthropomorphisme, utilisé, il faut le dire, avec beaucoup d'humour, facilite la compréhension. De même, sachons prendre les distances par rapport à nos jugements d'adultes: ce qui nous semble drôle ne l'est pas forcément pour l'enfant, ce qui nous semble faciliter la lecture du débutant peut l'irriter, le détourner même du livre qu'il risque de juger bêtifiant.

Nous sommes également amenés à nuancer nos avis et à modérer nos exigences : un documentaire qui comble un manque dans l'édition doit être retenu, même s'il n'est pas absolument parfait. Il est de toute façon très rare qu'un livre de vulgarisation scientifique n'ait aucun défaut d'aucun point de vue. Nous essayons de ne négliger, ou de ne privilégier aucune opinion dans nos analyses et de rester nuancés et prudents dans les sélections que nous proposons.

Une grande variété de thèmes

Nous avons progressivement diversifié les thèmes abordés : un comité de lecture a analysé des livres d'histoire, un autre des livres de nature. Nous envisageons d'étudier les livres qui, pour faire passer l'information, mettent en scène des enfants questionnant des adultes; ils sont nés nombreux - un des derniers a été L'Homme et ses origines : Claire interroge le professeur Grassé (La Farandole) - et ce procédé a été utilisé de tout temps.

Nous projetons aussi d'aborder le problème de l'illustration et une question complexe comme celle, d'ailleurs, des traductions et des adaptations de livres de vulgarisation scientifique étrangers. Voilà un exemple des sujets abordés prochainement.

A plus brève échéance, nous commençons un examen des encyclopédies destinées ou accessibles aux jeunes de 6 à 14 ans environ. Nous avons sélectionné une dizaine d'ouvrages de ce type et nous allons ensuite voir comment ils peuvent être utilisés - et comment ils sont réellement utilisés dans les bibliothèques et dans les établissements scolaires. En effet, une des dimensions qui nous paraît importante, et que nous essayons de tester chaque fois que nous le pouvons (c'est malheureusement impossible dans le cas de nouveautés), c'est la façon dont les jeunes lecteurs réagissent devant ces livres.

Elargir notre audience

Il nous faut élargir notre audience, particulièrement en nouant des contacts plus nombreux qu'ils ne sont actuellement avec les documentalistes d'établissements scolaires. Dans la période qui vient, nous allons multiplier les initiatives en direction du monde scolaire, en proposant des actions de formation, en préparant une sélection d'environ 500 documentaires (qui devrait faire l'objet d'un numéro hors-série de « Lire pour comprendre », au début de 1985) que nous souhaitons diffuser largement dans les écoles et les collèges des académies de la région parisienne.

Par toutes ces actions, « Lire pour comprendre » continue ses efforts pour sensibiliser éditeurs et scientifiques à la nécessité d'accroître le nombre d'auteurs français dans le domaine, d'inciter l'édition à être plus exigeante sur le sérieux, la rigueur, la qualité. Les scientifiques ont besoin d'être alertés sur le trop grand nombre de livres de mauvaise qualité, afin qu'eux-mêmes participent plus activement à l'élaboration de livres pour la jeunesse; les bibliothécaires, les enseignants qui transmettent les livres au public, ont besoin d'être informés sur les diverses qualités de ces livres. « Lire pour comprendre » essaie de les réunir pour une meilleure qualité du livre de vulgarisation scientifique.

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Le Relais nature Jouy-Vélizy

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Association Lire pour comprendre