Comment s'y mettre ?

Martine Darrobers

Éléments sur les activités des bibliothèques dans le domaine des sciences et techniques : stages de formation permanente ; comités de lecture autour de l'édition de vulgarisation scientifique pour adultes ou pour enfants et adolescents ; mise au point sur la future médiathèque de La Villette et sur son espace-enfants ; mini banque de données sur les sciences et techniques.

Some details about activities in libraries, especially in the science and technique field; reading committees about edition of scientific popularization for adults or children and teenagers; the future mediacenter of La Villette and its special space for children : the state of the art ; a mini database on science and techniques.

Comment aborder les sciences et techniques ? Un secteur trop souvent poussiéreux et sous-représenté. Histoire, profils des formations, carences de l'édition... tous ces facteurs ont joué pour que soit donnée la part du pauvre aux sciences et aux techniques dans les rayons des bibliothèques. L'intérêt pour ce domaine est encore récent (journées d'études et stages de formation se sont succédé depuis quelques années), mais on peut se demander si le secteur des sciences et techniques n'a pas donné lieu à des stratégéies d'offre inversée : expositions et conférences se sont multipliées mais les politiques d'acquisitions n'ont suivi ces animations qu'avec un certain décalage et l'aura du « livre scientifique et technique » est faite autant d'inquiétude que de respect. Comment intégrer la culture scientifique et technique aux activités d'un établissement ? Pour le bibliothécaire se pose le problème de la formation (ou de la non-formation) aux sciences et aux techniques qui empêche toute activité réelle de critique et de conseil.

Le BBF a enquêté dans deux établissements fort différents - la Bibliothèque publique de Massy, les bibliothèques municipales de Grenoble - tous deux pilotes en la matière; stratégies et moyens d'action se sont développés autour d'un axe central, assurer au bibliothécaire la maîtrise du fonds des sciences et techniques.

Toujours plus

Au départ un constat, exprimé par Michèle Rouhet (responsable de la section adultes à Massy) : « Malgré une politique d'acquisition systématique en sciences et techniques, nous n'arrivons pas à faire face à la demande... Notre principe de base a été de limiter le niveau supérieur de l'offre -pas d'ouvrages de niveau supérieur au DEUG - et de combler les lacunes de l'édition par des ouvrages scolaires; ainsi dans le secteur des mathématiques, nous avons systématiquement proposé des manuels de niveau BEPC ou certificat d'études: or, ces rayons sont toujours dégarnis sinon dévalisés ».

A Grenoble, la promotion du secteur « sciences et techniques » trouve son origine dans la perspective de liaison entre la bibliothèque Hoche et le CCSTI (centre de culture scientifique, technique et industrielle) inscrite dans le projet de rénovation. L'abandon ultérieur de l'opération n'a pas empêché la mise en place de structures et de moyens. « Au départ, explique Elisabeth Seyssel (du secteur sciences et techniques), la bibliothèque Hoche avait le profil traditionnel d'une bibliothèque d'étude (consultation sur place, conservation) : le fonds en magasin privilégiait la littérature, l'histoire, la religion, et les sciences et les techniques n'y étaient représentées que par le biais de l'histoire des sciences. Des mesures radicales ont donc été adoptées; après Grand-Place et la Maison du Tourisme (orientées vers la lecture publique) la bibliothèque Hoche a été divisée en départements disposant de moyens égaux en personnel et en crédits. Les sciences et les techniques (associées, il est vrai à la philosophie) forment un de ces départements... Par ailleurs les bibliothèques ont travaillé systématiquement avec d'autres organismes, Muséum d'histoire naturelle et CCSTI; ainsi le mois de la science a, en 1982, permis de présenter dans les bibliothèques une série d'expositions sur la génétique, l'informatique et les énergies nouvelles accompagnées de débats, visites, ateliers, bibliographies critiques; de même une exposition sur les Origines de l'homme a donné lieu à une bibliographie coproduite par le Muséum, le Centre de documentation de préhistoire alpine et le Centre régional de documentation pédagogique ».

Cette première approche s'est avérée insuffisante : une bibliographie ponctuelle est rapidement dépassée. C'est pour se donner aisément les moyens d'une information courante que les bibliothécaires grenoblois ont imaginé de regrouper les critiques bibliographiques d'ouvrages scientifiques et techniques. Dans un premier temps le catalogue collectif des périodiques scientifiques et techniques des bibliothèques de Grenoble a été établi. L'étape suivante, encore en projet, consistera à présenter les critiques parues dans un certain nombre de revues; le Bulist (Bulletin pour le livre scientifique et technique), animé par Richard Roy (bibliothèque Hoche), sera l'organe de diffusion de cette bibliographie. Un premier numéro sur l'informatique est actuellement en préparation.

De l'information courante à l'analyse critique

Le comité « VS Adultes » institué à Massy a représenté encore une autre approche sur la vulgarisation scientifique. Ce comité constitué de bibliothécaires et de spécialistes invités ponctuellement avait deux objectifs : d'une part, donner à ses membres un minimum d'éléments permettant d'appréhender une discipline; d'autre part, faire des critiques comparées des ouvrages en stock afin de mieux informer les lecteurs. Les thèmes d'analyse retenus - biologie, génétique, informatique - restent caractéristiques des points forts de l'édition de vulgarisation. « Une édition où le niveau initiation est celui qui fait le plus cruellement défaut, commente Michèle Rouhet, le comité VS a fonctionné trop peu de temps (6 mois) pour qu'on puisse évaluer vraiment son impact, mais, de toute façon, on ne peut faire l'économie de cette première démarche qui est d'acquérir un minimum de connaissances dans une discipline donnée; or, toutes les disciplines ne se prêtent pas à l'initiation. Je suis obligée de demander conseil pour tout ce qui touche aux disciplines fondamentales - maths, physique, chimie - qui sont d'ailleurs fort peu représentées dans l'édition de vulgarisation, alors que les quelques titres et les manuels que nous offrons sortent autant que les autres ».

S'intéresser au contenu: s'il est encore besoin d'énoncer ce truisme, c'est que le livre scientifique et technique dérange l'univers encyclopédique (et littéraire) traditionnel des bibliothécaires. Inquiétudes et intérêts face à ce secteur « en voie d'émergence » s'expriment dans les bilans tirés des stages organisés presqu'au même moment à Grenoble et à Massy. La formule, juxtaposition de scientifiques et d'animateurs (bibliothécaires et autres) et d'éditeurs répond en partie à l'attente des participants * mais ne peut résoudre le problème de fond sur lequel on ne saurait trop insister: l'acquisition d'une formation personnelle minimum. Comment équilibrer l'information et la technique professionnelle (repérage des collections, catalogage, indexation), cette question reste au coeur du débat. « Peut-être faudrait-il organiser un stage en deux temps, suggère Elisabeth Seyssel, une première phase d'initiation puis un approfondissement thématique, mais la diversité des motivations et des niveaux d'information préalable des stagiaires rend cette procédure délicate ».

La place de la vulgarisation scientifique pour les jeunes a également été évoquée dans les deux stages. Pas de bonne vulgarisation scientifique en dehors des manuels scolaires disent certains scientifiques, alors que les bibliothécaires auront plus tendance à privilégier la qualité pédagogique du contenu et de la présentation tout en tenant compte du succès remporté auprès du public. L'association Lire pour comprendre, dont l'animatrice Annie Adam était co-organisatrice du stage de Massy, refuse pour cette raison de mettre à certains titres un « label » alors que le consensus n'est jamais total. Pourtant, certains livres émergent...

La diversité des points de vue est un argument de plus en faveur de la collaboration entre les différents interlocuteurs, bibliothécaires, enseignants, documentalistes d'établissements scolaires et les lecteurs. La nécessité, de plus en plus souvent affirmée, d'échanges et de confrontations sur les thèmes scientifiques entre les chercheurs et le public met en selle d'autres partenaires pour les bibliothèques : les organismes chargés de la diffusion de l'IST qui se préoccupent toujours plus de son niveau vulgarisé. La participation de l'antenne régionale de la MIDIST (Mission interministérielle de l'information scientifique et technique) au stage de Grenoble en est une illustration.