Guide des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale
I. Paris
Paris : Les Ed. ouvrières, 1983. -III-238 p.; 24 cm.
Index p. 21 2-238.
ISBN 2-7082-2360-7 : 80 F.
Les guides et inventaires des fonds spéciaux de nos bibliothèques publiques sont nombreux, depuis le XIXe siècle, dans les domaines classiques, réputés nobles, de la littérature, de l'histoire, de l'art. etc.; il n'existait rien en revanche pour les sources du mouvement social en France, le plus souvent négligées voire méprisées, en dépit de l'importance de travaux scientifiques remarquables parus sur la question (notamment le Dictionnaire de Jean Maitron) et de la difficulté de repérage de ces documents dans les divers fonds; la multiplicité des dépôts à l'organisation souvent précaire ne facilitait guère la tâche des chercheurs. Dans ces conditions il convient de saluer l'ouvrage de Michel Dreyfus qui comble enfin une lacune béante; grâce à lui, nous disposons désormais d'un inventaire quasi exhaustif des centres parisiens de documentation spécialisés en histoire ouvrière et sociale ou conservant d'importants fonds.
Dans son répertoire, où les différentes institutions sont classées par ordre alphabétique de titre, les centres les plus célèbres côtoient les dépôts les plus modestes et les plus inattendus : on sait bien entendu l'importance de la documentation sociale des Archives nationales, de la BDIC (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine), de la Bibliothèque nationale, du Musée social, entre autres... De fait le guide confirme de façon précise la richesse de leurs fonds respectifs. Mais, qui, en dehors des spécialistes, connaissait l'existence de la bibliothèque de l'Action populaire à... Vanves; de la Bibliothèque Médem, 52 rue Boulanger (Xe arrondissement) qui « offre une documentation de premier ordre pour la France et même pour l'Europe sur le mouvement ouvrier juif » (p. 77); la présence à la bibliothèque municipale de Sceaux du fonds Ancely relatif à l'histoire politique, sociale du XIXe siècle et au régionalisme; et l'on pourrait citer bien d'autres exemples...
Pour tous ces centres, connus ou inconnus, grands ou petits, le guide de Michel Dreyfus fournit trois types d'informations :
- les renseignements pratiques : adresse, téléphone, horaires d'ouverture, etc.,
- l'historique du dépôt qui détermine souvent l'organisation actuelle du centre, sa politique d'acquisition, ses orientations privilégiées, etc.,
- une description sommaire des fonds relatifs au mouvement social et des principaux instruments de travail (fichiers, catalogues...) mis à la disposition du chercheur.
Le guide de Michel Dreyfus permet ainsi de mieux mesurer la variété, l'originalité, la richesse, mais aussi la dispersion regrettable des fonds à travers de multiples institutions dotées de statuts souvent différents. Ce dernier point est cependant, dès à présent, relativisé par son caractère quasi exhaustif; on pourrait, tout au plus, se demander si le Musée Clemenceau ne mériterait pas de figurer dans ce répertoire dans une prochaine édition ?
Des réserves plus importantes doivent cependant être formulées vis-à-vis de la notice consacrée à la Bibliothèque nationale. Si le guide souligne à juste titre les nombreuses lacunes de cette vénérable maison, les défaillances de ses fichiers et de ses catalogues dans le domaine de l'histoire sociale, il néglige malheureusement plusieurs instruments de travail et fonds essentiels pour la recherche. Au département des Imprimés, on a oublié de signaler dans le Catalogue de l'histoire de France la section Ln27 qui rassemble, classées par ordre alphabétique d'individus, toutes les biographies et autobiographies françaises : c'est après « le Maitron » l'instrument le plus commode pour retrouver les monographies réservées aux leaders du mouvement ouvrier français. D'autre part le Service de l'Histoire de France, qui gère le Catalogue, n'a pas attendu mai 68 pour recueillir les affiches et tracts à caractère politique et social : il possède (conservés matériellement à la Réserve des Imprimés) un très rare ensemble d'affiches de la Commune et de tracts de la Résistance dont un grand nombre émanent d'organisations ouvrières clandestines. Au département des Estampes, à côté de la série Histoire de France : Qb1, signalée par le guide, il existe la très riche collection De Vinck consacrée à un siècle d'histoire de France de mai 1774 à mai 1871. Enfin au département des Manuscrits, dont le catalogue le plus récent ne date pas de 1967 mais de 1981 (qui répertorie les nouvelles acquisitions de 1958 à 1971) il ne faut pas oublier de mentionner le fonds Cabet.
Ces réserves faites, on ne peut qu'être ébloui par l'ampleur de l'enquête menée par Michel Dreyfus et son équipe; par la richesse de ses informations, ce guide ne constitue pas seulement un instrument bibliographique de tout premier ordre qui a sa place dans toute bibliothèque publique; c'est un monument qui devrait contribuer à la sauvegarde d'une part inestimable de notre patrimoine culturel et social jusqu'à présent trop négligé et un jalon en vue de la réalisation future d'un « grand Institut d'histoire ouvrière conçu comme un vaste organisme de documentation, de recherche et de publication ». On citait déjà familièrement « le Maitron » pour évoquer le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, on parlera désormais du « Dreyfus » pour mentionner ce guide dont un second tome sera réservé aux centres de documentation de province.