Éditorial

L'information dans tous ses états

En France, l'affirmation du rôle de centre d'information des bibliothèques publiques s'appuie sur un passé déjà long... dans les textes. « Triple but de la librairie publique : enseigner, renseigner, distraire... » 1, proclamait Eugène Morel en 1910, l'œil fixé sur les réalisations anglo-saxonnes en ce domaine, et il précisait : « Renseigner : fournir vite, à toute heure, selon les besoins de l'instant, les renseignements, la documentation de la vie, des sciences et des métiers... ». Dans les faits ? Plus de soixante ans après, lui fait écho la constatation suivante : « Cette réalité, les services d'information reste embryonnaire et en deçà du seuil de l'organisation » 2. Cette activité des bibliothèques a du mal à acquérir en France une existence autre que très marginale; elle semble victime d'une alternative, qui n'a pas encore été dépassée, entre la conception « historique » de la salle de bibliographie, fleuron de la section d'étude des grandes bibliothèques municipales « qui ont un passé », et la conception qui a fondé l'essor assez récent de la lecture publique sur les sections de prêt vers lesquelles on tentait, à l'aide des techniques d'animation essentiellement, de drainer le « non-public ».

Restée le plus souvent au stade de la velléité dans la réalité professionnelle, la fonction d'information des bibliothèques publiques subit un traitement analogue dans la formation : ainsi, si le programme de bibliographie générale du tronc commun du CAFB accorde une place à la fonction de référence, à ses mécanismes et à la description de quelques-uns de ses instruments de travail les plus généraux, rien ne vient prolonger ni approfondir cet enseignement dans le programme actuel de l'option Bibliothèques publiques.

La demande potentielle d'information et de documentation fait actuellement l'objet d'une « découverte » partielle; les lacunes des bibliothèques publiques en cette matière sont matérialisées par l'émergence (totalement ou organiquement) en dehors d'elles, des centres de documentation sociale. Autre versant de l'information, celui de la télématique grand public à domicile symbolisée par le Minitel. Révélatrice d'un point (très) faible plus que réponse originale à une demande communément négligée, l'existence de ces nouveaux services a le mérite de reposer la question des services d'information dans les bibliothèques en termes d'urgence, de « coche à ne pas manquer ».

Les articles qui ont été réunis apportent moins des réponses que des questionnements : du prospectus au mini-écran, les voies de l'information sont aussi multiples que les rôles proposés aux bibliothèques. Si la Grande-Bretagne apparaît une fois de plus en position pilote, les contributions françaises proposent une politique d'information à tous les niveaux, du département rural au centre Beaubourg. Au delà même de cette diversité, une conclusion identique se dégage des expériences présentées : l'efficacité d'un service d'information est moins liée aux supports utilisés qu'à sa définition même et à son adéquation aux besoins.

  1. (retour)↑  Eugène MOREL, La Librairie publique, Paris, A. Colin, 1910.
  2. (retour)↑  Noë RICHTER, Les Bibliothèques en France, Villeurbanne, Presses de l'ENSB, 1977, p. 184.