Les thèses

Marie-Claude Vitoux

Refonte de la chaîne, du dépôt à la reproduction

Le 27 janvier dernier était inauguré l'atelier national de reproduction des thèses de Lille III. Cet atelier, créé avec celui de Grenoble, par l'arrêté du 16 février 1976, vient en effet d'être reconverti en atelier de microfichage systématique des thèses, la reproduction sur papier n'étant plus désormais assurée qu'à la demande.

La reconversion de l'atelier s'insère dans une refonte plus vaste de la chaîne de traitement de la thèse, de son dépôt à sa reproduction sans omettre son signalement. Un projet d'arrêté sur ces trois points a été approuvé par le CNESER le 15 mars; il ne s'agit, dans cet article, que d'en esquisser les grandes lignes, en partant de l'environnement actuel de la thèse.

La thèse, support de recherche confidentiel

« La diffusion des thèses est inversement proportionnelle à leur nombre ». Devant le développement considérable des thèses, qu'elles soient de 3e cycle, d'Etat, d'exercice, de docteur-ingénieur..., les modalités qui aujourd'hui président au dépôt, signalement et reproduction s'avèrent insuffisantes. Les thèses, produits d'une recherche spécialisée, sont aujourd'hui considérées comme littérature grise, peu ou mal répertoriées.

Si l'on ne considère que les thèses d'Etat, pour lesquelles l'appareil réglementaire est le plus précis, l'on s'aperçoit que le dépôt n'est pas régulièrement assuré, tant auprès de la bibliothèque de l'établissement de soutenance qu'auprès des grands centres documentaires (CDST, CDSH du Centre national de la recherche scientifique).

Le signalement, quant à lui, s'avère incomplet et tardif. Incomplet, parce que dépendant des règles relatives au dépôt, règles jusqu'ici non sanctionnées; tardif, car il repose sur un catalogue assuré par la Sorbonne et est constitué à partir de fiches catalographiques envoyées par les bibliothèques universitaires : le temps de recevoir les fiches, de les corriger en fonction des exigences typographiques, l'impression du catalogue intervient après quelques années. C'est ainsi que le dernier volume, paru en 1982, du catalogue des thèses de doctorat d'Etat concerne les thèses soutenues en 1977.

La reproduction des thèses, enfin, est assurée, aux termes de l'arrêté du 16.02.76 par deux ateliers nationaux situés à Lille III pour les lettres, sciences humaines, théologie protestante, théologie catholique ; à Grenoble II pour le droit, les sciences économiques, la gestion, les sciences politiques.

C'est donc une reproduction partielle puisque l'ensemble des disciplines n'en bénéficie pas. Elle est aussi, d'une certaine façon, archaïque, les deux ateliers reproduisant en offset toutes les thèses d'Etat, du moins celles que leurs auteurs pensent à faire parvenir à l'un des deux ateliers. Si la reproduction des thèses n'est pas obligatoire, elle est cependant une possibilité offerte - sans restriction - à tout candidat ayant soutenu dans les disciplines ci-dessus, de sorte que l'impression des thèses, souvent volumineuses (moyenne 880 pages), prend un temps considérable et que, peu à peu, les ateliers ne parviennent pas à en assurer la reproduction dans des délais raisonnables. Ainsi le stock des thèses en instance d'impression augmente (retard de 4 ans pour Lille, 3 à 5 ans pour Grenoble).

Au préalable, une remarque s'impose : la réforme projetée n'affecte pas la nature des produits concernés puisqu'elle ne porte que sur les points de « captage » de l'information, non sur la nature même de celle-ci.

La nouvelle chaîne de traitement des thèses

Cette chaîne est ancrée, en amont au dépôt, en aval à la diffusion des thèses reproduites. Les maillons en sont : le dépôt, le signalement, la reproduction.

Le dépôt et le signalement

Ceux-ci doivent être garantis par le service de la scolarité de l'établissement de soutenance. En effet, c'est à la suite du dépôt par le candidat des dix exemplaires de sa thèse ainsi que du bordereau-standard que le service de scolarité délivre un quitus et organise matériellement la soutenance. Par conséquent, la thèse et son descriptif sont assurés d'être en amont de toute la procédure de signalement.

La bibliothèque universitaire ou le centre de documentation reçoit cinq exemplaires de la thèse ainsi qu'un exemplaire du bordereau, ceci afin d'assurer la présence effective de la thèse auprès de la bibliothèque qui se trouve être le lieu privilégié de consultation ou recherche documentaire. Ainsi, sur les cinq exemplaires, deux demeurent à la bibliothèque, celle-ci distribuant les trois autres à l'un des deux centres documentaires du CNRS, ou à Clermont-Ferrand (section médecine de la BIU, celle-ci ayant toujours assuré le signalement des thèses dans les sciences de la santé, cf. thesindex), et au CADIST de la spécialité. Le dernier exemplaire est envoyé à Lille III lorsqu'il s'agit d'une thèse « littéraire ».

Quant au bordereau, il est envoyé par la bibliothèque à l'un des trois centres suivants : fichier central des thèses de Nanterre, section médecine de la BIU de Clermont-Ferrand, centre de documentation scientifique et technique du CNRS.

Chacun des pôles, dans les disciplines de son ressort, s'assure de la rigueur scientifique et bibliographique du bordereau : termes choisis comme mots-clés, homogénéité du résumé, pour ensuite faire parvenir les bordereaux ainsi vérifiés au CDST qui assure - aujourd'hui du moins - leur centralisation et leur exploitation, afin d'éditer l'Inventaire annuel des thèses soutenues devant les universités françaises sur microfiches, sur papier, et à très court terme, de créer une banque de données nationale sur les thèses.

La reproduction

Celle-ci demeure offerte aux candidats des disciplines « littéraires », mais deux modifications sont proposées :
- d'une part, les ateliers de Lille et Grenoble ont fusionné et désormais seul celui de Lille assure la reproduction de toutes les thèses soutenues,
- d'autre part, le support n'est plus uniquement le papier mais systématiquement la microfiche, accessoirement - en fait, à la demande - le papier.

A cette reconversion, quatre avantages :
- du fait des moindres manipulations de la thèse, le microfichage permettra non seulement de raccourcir le délai de reproduction mais également d'absorber les retards accumulés par Lille et Grenoble dans la reproduction papier,
- la microfiche est peu coûteuse en fabrication et permet une duplication quasi illimitée à partir de la microfiche-mère,
- la microfiche est un support peu encombrant et donc réduira les problèmes et les coûts du stockage tant à Lille que dans les bibliothèques,
- enfin, la microfiche est un support très employé, du moins dans les pays développés, de sorte que désormais la France pourra participer aux échanges internationaux que ce soit par l'intermédiaire du service des échanges universitaires (géré par la Sorbonne) ou par les universités et les bibliothèques qui bénéficieront aussi de jeux de microfiches à cette fin.

Si la reproduction sur papier n'est plus systématique, elle demeure néanmoins dans deux cas de figure :

- d'une part, le candidat - ou tout organisme extérieur - peut souhaiter disposer de tout ou partie de la thèse sur papier. En ce cas, à partir de la microfiche est effectué un tirage papier qui sera alors facturé au demandeur à prix coûtant (0,35 F la page),

- d'une part, l'atelier voit confirmée et officialisée une activité amorcée par son directeur: la négociation avec les éditeurs, privés ou para-publics (type presses d'université) afin non seulement de co-diffuser une thèse mais éventuellement de la co-éditer.

Voici donc esquissées les grandes lignes d'une réforme qui, telle qu'elle est aujourd'hui proposée, n'est que partielle, du moins en sa partie reproduction.

Ce caractère partiel tient au fait que la réforme intervient dans un secteur de la recherche universitaire de longue tradition, riche et lourd d'habitudes, dans lequel les textes réglementaires ont toujours été quelque peu en retard sur les faits.

- longue tradition car la thèse a toujours été le point culminant d'une carrière (lettres, sciences humaines, droit,...) ou son amorce (sciences, médecine,...),

- habitudes ancrées consistant à se préoccuper de la qualité scientifique de la thèse, de sa soutenance et si peu de son dépôt et de son accessibilité,

- retard des textes qui ne suivirent que timidement et tardivement le changement : certes, soutenance sur travaux, reconnaissance des supports autres que dactylographiés, mais aussi maintien de la vocation de toute thèse à être reproduite sur papier, quels que soient le nombre et le volume des thèses.

Il ne pouvait donc être fait abstraction de ces données et c'est pourquoi le projet s'attache d'abord à réformer les points stratégiques du dépôt et du signalement de toutes les thèses, ensuite à garantir la diffusion de celles qui, pour être nombreuses, n'en sont pas moins mal connues : les thèses en lettres, sciences humaines,... Ces thèses en effet ne disposent pas d'alternative telle que la publication partielle dans une revue spécialisée contrairement à ce qui se fait par exemple pour les thèses en sciences.

Il n'en demeure pas moins que reste entier le problème de la reproduction des thèses de sciences « exactes » et de la santé.

Pour les sciences exactes, le CNRS signale dans le Bulletin 401 : rapports, thèses, congrès les thèses qu'il a reçues en dépôt. Faut-il alors envisager un système dans lequel le CNRS, plus précisément le CDST, assurerait la fabrication des microfiches-mères, celles-ci étant ensuite dupliquées par l'atelier de Lille III ?

Même question concernant les quelque 12 000 thèses de médicine (en incluant les thèses d'exercice). Faut-il concevoir un système dans lequel l'INSERM aurait un rôle à jouer ? A quelles conditions ? Toutes les thèses soutenues en médecine ont-elles vocation à être systématiquement reproduites ?

Autant de questions auxquelles il conviendra de répondre lorsque le circuit dépôt - signalement (de toutes les thèses, dans toutes les disciplines) - reproduction (de toutes les thèses en sciences humaines, lettres,...) aura fonctionné en grandeur réelle et qu'il sera possible d'en faire l'évaluation notamment au regard des obligations de diffusion et d'échange.

La réglementation aujourd'hui : 3 arrêtés

Arrêté du 16 avril 1974 organise les modalités d'inscription d'un sujet et de soutenance en vue du doctorat d'Etat :
- inscription du sujet, quelle que soit la discipline, à un fichier central des thèses (article 6, alinéa 3).
- autorisation de présenter une thèse ou un ensemble de travaux en soutenance avec résumé obligatoire (article 9).
- jury composé d'au moins cinq personnes (article 10).

Arrêté du 16 avril 1974 relatif au doctorat de troisième cycle précise les modalités d'inscription et de soutenance.

Arrêté du 11 février 1976 organise le dépôt des thèses ou travaux présentés en soutenance en vue des doctorats.

TITRE I : Doctorat d'Etat : lettres et sciences humaines; théologie catholique ; théologie protestante; droit; sciences économiques; sciences politiques; sciences de gestion;
- 180 exemplaires reproduits en offset ou par impression en caractères typographiques déposés dans la BU; les Ecoles normales supérieures, la BN, le CDST ou le CDSH, l'université de soutenance, le service des échanges universitaires (articles 1 et 4),
- deux ateliers de reproduction offset peuvent reproduire les 180 exemplaires aux frais de l'Etat (article 2) :
* L'atelier de l'université de Lille III pour les lettres, les sciences humaines, les théologies.
*; L'atelier de l'université de Grenoble II pour le droit, les sciences économiques et de gestion.
- Lorsque la thèse est imprimée en caractères typographiques, le candidat peut bénéficier d'une aide de l'Etat.

TITRE II : doctorats d'Etat autres que ceux évoqués au titre I et doctorats de troisième cycle.

- dépôt de trois exemplaires de la thèse à la BU du ressort de l'établissement de soutenance dans lequel le doctorat a été obtenu.

- dépôt d'un exemplaire au CDST ou CDSH.

TITRE III : dispositions générales précisant les conditions de reproduction pour les organismes dépositaires des thèses, dès lors que celles-ci n'ont pas été imprimées postérieurement au dépôt.