Hommage à Yvonne Oddon (1902-1982)

Françoise Weil

Pour les bibliothécaires de ma génération, le nom d'Yvonne Oddon évoque le Petit Guide du Bibliothécaire de Bach et Oddon, auquel elle collabora en fait dès la 1re édition (1931) ; il évoque aussi les visites des élèves du DTB (Diplôme technique de bibliothécaire) et du DSB (Diplôme supérieur des bibliothèques) à cette bibliothèque du Musée de l'Homme, originale par son caractère de bibliothèque spécialisée ouverte à tous, par le nombre d'ouvrages en accès libre et par l'adoption de la classification du Congrès. Pour les bibliothécaires de sa génération, c'était l'ancienne élève de l'Ecole américaine de la rue de l'Elysée (« sujet d'élite ») qui, après deux ans aux Etats Unis et un article extrêmement riche sur « La Bibliothèque universitaire du Michigan », (Revue des bibliothèques, 1928), était recrutée en 1929 par G.H. Rivière à la fois pour le classement de la bibliothèque de David-Weill et la création de la Bibliothèque du Musée du Trocadéro. Pour l'équipe enthousiaste du futur Musée de l'Homme, Yvonne était des leurs, et aussi celle qui savait lire les plans et qui tenait tête aux architectes : on dit aujourd'hui que c'est la Bibliothèque qui a le mieux vieilli dans cet édifice de 1936. Yvonne s'était donnée à sa bibliothèque, et en même temps essayait de sensibiliser le monde des bibliothèques et le monde politique à la cause de la lecture publique. La guerre devait arrêter ces efforts. Tout naturellement Yvonne se trouva dans ce petit noyau des résistants du Musée de l'Homme. Arrêtée en 1941, elle survécut à toutes les épreuves des prisons et des camps, essayant d'aider ses camarades à survivre dignement. Après la guerre elle réussit à faire rattacher sa bibliothèque à la nouvelle Direction des bibliothèques, et à partir de 1950 on put commencer, enfin, à faire des achats ! Depuis 1947 elle partageait son temps entre la Bibliothèque que Denise Allègre, elle aussi ancienne élève de la rue de l'Elysée, avait dirigée en son absence, et l'Unesco puis l'ICOM (International council of museums).

Elle avait pris sa retraite de bibliothécaire à la fin de 1964. Elle a laissé à tous ceux qui l'ont connue « le souvenir d'une femme très volontaire et de grand coeur, défendant causes et gens avec acharnement ».