Thesaurus
noms de lieux
N. Voionmaa
Depuis une dizaine d'années, le Laboratoire d'information et de documentation en géographie « Intergéo » du CNRS a entrepris un Thesaurus de géographie dont plusieurs parties ont paru : Géographie rurale, urbaine, industrielle, de la population, du commerce, etc. D'autres sont en cours d'élaboration. Le Thesaurus noms de lieux en est partie intégrante. Certes il existe d'autres thesauri français de toponymes : Institut français du pétrole, Bureau de recherches géologiques et minières en particulier, mais, conçus pour des fins très définies, prospections pétrolière et minière, ils ne peuvent pas toujours servir aux géographes. Celui-ci répondra mieux à leur attente et à celle de tous ceux qui ont à indexer des documents demandant des noms de lieux.
Il est du même type que tous les thesauri du CNRS, type EJC ; il suit strictement les Normes AFNOR et ISO, et comporte les mêmes divisions que les autres thesauri du CNRS : index alphabétique, liste de la hiérarchie, liste structurée ; il sera facile à utiliser et il est inutile de décrire sa structure semblable à celle de beaucoup d'autres.
Nous nous arrêterons davantage sur le choix des toponymes, près de 5 000 avec les termes rejetés, et sur les facettes qui les regroupent hiérarchiquement. Les rédacteurs ont distingué trois types de découpage de la surface du globe ; entre les deux premiers s'intercale un bref ensemble « objets topographiques » qui introduit les termes géographiques nécessaires à la description des espaces : archipel, baie, côte, fleuve, montagne, etc. Cette partie est de peu d'importance, ces points étant développés dans les autres thesauri du CNRS.
En premier lieu on trouve la facette « États » avec les divisions administratives de ceux-ci, puis la facette « Océans et bassins fluviaux », et enfin les « Régions naturelles ». Chacune de ces trois facettes, tête de hiérarchie, est divisée en sous-ensembles. La facette « États » est divisée en continents et ceux-ci en États, puis divisions territoriales et villes au-dessus d'un million d'habitants. On a regroupé sous un ensemble « États insulaires » un continent factice composé de toutes les terres émergées en dehors des trois continents. Un ensemble « Monde » regroupe les espaces discontinus tels le Commonwealth, l'Eurasie, le Monde arabe, le Tiers-monde, etc.
Après cette facette on trouve celle « Régions naturelles », les descripteurs qu'elle regroupe sont évidemment distincts de ceux de la facette « États », le découpage « administratif » et celui « naturel » ne concordent en général pas. Des liaisons Voir aussi dans la liste structurée renvoient des termes d'un ensemble à ceux équivalents d'un autre ensemble, par exemple :
AUVERGNE (division de « États ») Voir aussi : MASSIF CENTRAL (région naturelle)
et l'inverse,
ou bien :
HAUT-ATLAS (région naturelle) Voir aussi : MAROC (États)
et l'inverse.
Forme et graphie posent bien des problèmes. Dans les atlas, les géographies, les ouvrages économiques, scientifiques, juridiques, dans la correspondance commerciale, dans les transports, dans l'enseignement, l'usage prévaut de plus en plus d'employer la forme utilisée dans le pays : « Roma » et « Firenze » lisons-nous à la Gare de Lyon sur les wagons... Ce n'est pas unanimement admis malgré les recommandations de la Commission de toponymie des Nations-Unies. Les rédacteurs du thesaurus ont essayé de s'y conformer, sauf pour les noms d'États. Cela aboutit à des descripteurs comme : Alpes françaises, Alpes occidentales, mais Alpi bergamasche, Alpi cozie (et non cottiennes), Alpi liguri, etc., parce que les unes sont en France et les autres en Italie, bien qu'il s'agisse de la même chaîne. C'est peut-être pousser le système un peu loin. Il est normal de dire England et non Angleterre, Castilla la Vieja et non Vieille Castille, mais quand une frontière sépare en deux un ensemble, il paraît compliqué de dire tantôt Alpes et tantôt Alpi. D'ailleurs pour Rhin, on a écarté fort justement la forme « Rhein »... C'est là une contradiction. Le choix des descripteurs sera critiqué quand un même terme se trouve des deux côtés d'une frontière.
Ces exemples montrent les difficultés auxquelles se sont heurtés les rédacteurs ; URSS et Chine ont posé bien des problèmes. Ce thesaurus semble beaucoup plus utilisable que les thesauri toponymiques parus avant lui. Il en a évité bien des défauts : les géographes n'y retrouvaient pas leur vocabulaire naturel. Ils ne critiqueront pas celui-ci et les bibliothèques pourront s'en servir pour établir les vedettes du catalogue alphabétique de matières, ainsi que pour les vedettes de collectivités à caractère territorial. Cela leur évitera d'avoir deux formes différentes dans les catalogues d'une même bibliothèque (Royaume-Uni et Grande-Bretagne par exemple), ce qui hérisse les lecteurs et fait sourire les collègues des autres services ; désormais, nous aurons en France un instrument de référence toponymique valable. Les indexeurs l'apprécieront vivement, malgré quelques détails comme celui signalé.
D'autre part, il sera apprécié des centres de formation professionnelle. Il n'est pas toujours facile d'expliquer aux élèves bibliothécaires ce que sont les termes génériques et spécifiques, la liste structurée du thesaurus donnera aux professeurs des exemples faciles à expliquer :
AUVERGNE
T.G. France
T.G. Europe
T.S. Allier
T.S. Cantal
V.A. Massif Central
L'élève le plus obtus comprendra, comme il com. prendra mieux la différence entre liste structurée et liste hiérarchique avec ce genre d'exemples. Ce n'est qu'un petit aspect des services que peut rendre le thesaurus, mais dans une revue professionnelle, il fallait le signaler.