Journal d'un notable du Caire durant l'expédition française 1798-1801
Abd-al-Rahman al-Jabartî
Jabartî, fin lettré, a tenu au jour le jour le récit des événements de l'occupation du Caire par les Français, récit dont on connaît plusieurs versions, mais dont J. Cuoq a traduit ici (et pour la première fois en français) la plus élaborée et la plus sereine. Collaborateur des Français (membre du troisième Diwan mis en place en novembre 1800), Jabartî demeure très discret sur le rôle de cet organisme et le sien propre. Relativement bien informé du fait de cette fonction et de ses relations, il voit cependant l'histoire du petit côté de la lorgnette : ainsi lui échappent l'importance de la bataille des Pyramides, et sans doute partiellement celle de cette confrontation inattendue entre l'Orient et l'Occident, de ce réveil du monde islamisé qui allait en découler. L'intérêt de son journal est ailleurs, dans cette notation quotidienne des petits et grands événements d'une occupation de trois ans : disettes, marché noir, révoltes, exécutions sommaires, exactions des soldats français, même si elles furent généralement réprimées, arrestations arbitraires, prises d'otages, vengeances, collaboration intéressée de certains. Ainsi Jabartî n'est pas tendre pour les chrétiens, Coptes ou Grecs ; il ne l'est pas davantage pour les attaques des Bédouins, coupables souvent de l'aggravation de la situation, ni pour les « voyous » responsables des séditions. Mais il est très proche du petit peuple du Caire, s'apitoye sur ses misères, ses soucis, ses angoisses.
Hormis son grand intérêt historique, c'est sans doute, comme le suggère d'ailleurs le traducteur, dans la peinture des réactions populaires devant une occupation étrangère, que réside l'attrait essentiel de ce Journal, réactions de toujours et de partout que l'humanité du narrateur sait si bien mettre en valeur.