Si l'histoire de l'automobile, et plus généralement l'histoire des techniques, connaissent à l'heure actuelle un regain de popularité, si elles font l'objet de publications nombreuses et souvent luxueuses, il est un domaine dans lequel la première tout au moins ne s'était guère aventurée : c'est la liaison avec l'histoire en général, c'est-à-dire l'histoire événementielle. C'est le mérite du livre de Gilbert Hatry, Renault usine de guerre, que d'établir cette liaison entre un événement capital de l'Histoire du XXe siècle, la Première guerre mondiale, et l'évolution d'une des toutes premières usines de construction automobile ; cet ouvrage est par ailleurs, il nous est agréable de le souligner, le premier qui soit écrit comme un livre d'histoire et non comme un album d'images commentées : l'apparat critique, les annexes prennent autant de place que l'illustration. Bien sûr la bibliographie n'est pas très étendue, mais le domaine exploré est trop neuf pour avoir donné lieu à de nombreuses publications.

Tous les aspects de la contribution de Renault à l'effort de guerre sont minutieusement étudiés et clairement présentés : après la reconversion qui fait l'objet de la première partie, les diverses productions - camions, armes, avions, puis chars d'assaut -sont analysées. Mais l'auteur ne s'en tient pas à une sèche description de ces matériels - d'ailleurs soutenue par une excellente iconographie. Travaillant lui-même chez Renault à l'heure actuelle, il s'attache à dépeindre les conditions de travail qui y régnaient alors, sans esquiver les problèmes sociaux de ce que l'on a pu appeler « l'autre front » : c'est là l'objet des troisième et quatrième parties de l'ouvrage qui s'achève sur un bilan des cinq années de guerre - bilan dont on voit sans surprise qu'il a été plus favorable à l'entreprise qu'à ses salariés... Cartes, schémas, tableaux complètent l'excellente documentation de cet ouvrage, dont on peut espérer qu'il suscitera des émules. Sa clientèle déborde très largement des bibliothèques spécialisées pour s'adresser à tous les publics, et l'on ne peut que lui souhaiter une très large diffusion.