Le livre de l'orgue français : 1589-1789

T. 3 : la facture. 2e partie : du préclassicisme au préromantisme

par Dominique Chailley-Pompei

Norbert Dufourcq

A. et J. Picard, 1978. - 316 p dont 24 de pl. ; 24 cm. - (La Vie musicale sous les rois Bourbons ; 27.) Index p. 261-276. - ISBN 2-7084-0031-2

Trois ans après la première partie de ce tome 3, la publication de ce volume confirme l'impression favorable que nous avait laissée le précédent 1 et clôt la partie « rédactionnelle » de l'imposante fresque historique tracée par M. Dufourcq. Rappelons que le tome 1 (Les Sources) est paru en 1971, le tome 2 (Le Buffet) en 1969 et le tome 4 (La Musique) en 1972 ; le 5e et dernier tome (Miscellanea) nous promet les tables générales, index, errata-addenda et un dictionnaire des facteurs d'orgues : il devrait cimenter, de la façon la plus utile, les pierres (pourtant bien taillées) de cet édifice, et c'est surtout la bibliographie générale de l'ouvrage que nous attendons d'y trouver.

Après avoir distingué, dans la Facture d'orgues, deux Renaissances (1480-1570 et 1570-1639), M. Dufourcq développe ici sa thèse d'une « certaine apogée » de l'orgue classique français dans les premières années du règne de Louis XV tandis que l'accroissement du nombre des jeux d'anches (pratiqué par Dom Bédos lui-même dès 1748) signerait « un certain pré-romantisme » : pourtant conscient des pièges d'une histoire quantitative, il est à craindre que l'auteur ait trop «joué de la statistique» et fondé son jugement sur des compositions « sur papier». Car l'orgue a dès longtemps regardé évoluer la musique instrumentale et on n'a guère entendu dire que les cuivres de Lulli aient signé une décadence de la musique française. Ce qui fonderait le « pré-romantisme» ne serait-il pas plutôt la recherche de l' « expression » à l'orgue, aux dépens de la clarté très « individualiste » des claviers ? Avec son cinquième clavier « expressif » ajouté à son plan encore très traditionnel, c'est le grand instrument conçu en 1827 par Marie-Pierre Hamel pour la Cathédrale de Beauvais, qui serait le premier orgue pré-romantique : était-il nécessaire de le démanteler ?

Mais au-delà de ce qui pourrait être une discussion d'école, il convient de souligner le remarquable travail documentaire reflété par l'ouvrage entier, et ce tome en particulier : les p. 134 à 207 notamment donnent quantité de tailles, 148 compositions d'instruments classés chronologiquement et les relevés des mixtures de 22 orgues, de 1668 à 1789, avec d'utiles références aux travaux de Jean Fellot et Léon Souberbielle (annexe 2). Si l'on y ajoute l'intérêt des cartes indiquant les déplacements des principaux facteurs, les planches (fac-similés, buffets et détails techniques) avec leur table, et la qualité des deux index (lieux et facteurs), on voit que l'œuvre d'historien vaut aussi comme ouvrage de référence, ce que devrait nous confirmer le dernier tome restant à paraître chez l'excellent éditeur Picard.

  1. (retour)↑  Voir : Bull. Bibl. France, juin 1976, n° 1483.