Histoire de la IIIe République vue à travers l'imagerie populaire et la presse satirique
T. 4 : La Grande guerre
Paul Ducatel
Ce nouveau volume conduit le lecteur de 1911 à 1923, à travers la presse satirique parue au cours de la guerre de 1914/1918. Réalisée avec le même soin que les ouvrages précédents, cette série tend à former un véritable corpus de l'iconographie politique de la IIIe République.
Dès 1911, on perçoit l'évolution des esprits : les scandales d'un régime bon enfant, les luttes intestines, les « têtes de Turcs » que sont les parlementaires, laissent peu à peu la place à la caricature féroce dirigée contre l'Allemagne. L'esprit de revanche s'affirme, les dessins anti-anglais du début du siècle disparaissent, l'amitié franco-russe est exaltée. On est loin des caricatures, joyeusement « anti-tout », de L'Assiette au beurre ou des poétiques Pierrots chers à Willette.
Peu après la déclaration de guerre, de nouveaux titres apparaissent : Le Canard enchaîné, La Baïonnette puis Aux écoutes et Le Crapouillot, pendant que le vieux Rire devient Le Rire rouge. Les dessinateurs : Forain, Léandre, Radiguet - le père de l'écrivain -, Huart, Abel Faivre, Albert Guillaume, Georges Scott puis ceux du Canard : Gassier, Sem, Sennep, exaltent le sacrifice des soldats et ridiculisent Guillaume II. Ajoutons que le même genre de dessins, anti-français cette fois, se trouve dans la presse satirique allemande et autrichienne avec la même violence.
Un seul grand artiste émerge de ce conformisme de commande : Forain, dont les dessins, parus dans Le Figaro, atteignent à l'œuvre d'art.
Les journaux publiés par les mobilisés, « la presse des tranchées », imprimés sur du papier de fortune, illustrés avec plus de bonne volonté que de réel talent, contribuent sinon à entretenir le moral, comme on disait alors, du moins à distraire leurs rédacteurs, leurs dessinateurs et leurs lecteurs. En novembre 1918, les caricaturistes célèbrent la délivrance de l'Alsace, et Le Pélerin du 29 décembre montre « le Noël d'Alsace réunissant le poilu et la jeune Alsacienne dans la paix du foyer retrouvée ».
Après la guerre, c'est toujours la politique internationale qui l'emporte sur les préoccupations du moment, mais déjà s'annonce une période de troubles : le 27 octobre 1923, Le Rire publie une caricature d'Hitler.