Le système CAPAR

Pierre Pelou

Anne-Marie Motais de Narbonne

La première phase du plan d'automatisation des bibliothèques publié en I97I comporte la constitution d'un réseau de catalogage dont le système CAPAR (ou catalogage partagé) est un des éléments essentiels. Ce système doit diminuer les charges de catalogage de chacun des participants d'une part et d'autre part permettre la localisation des documents. Ces deux fonctions de catalogage et de localisation s'exercent sur quatre types de notices : les notices CANAC (ou catalogage national centralisé), les notices CBU (ou Contrôle Bibliographique Universel, reçues dans le cadre des échanges de données bibliographiques nationales) et enfin les notices signalétiques et en cours. Chaque utilisateur du CAPAR a la responsabilité d'enrichir les informations du système à la fois quant à la qualité catalographique des notices existantes et quant à la localisation des documents.

L'expérience CAPAR représente la première étape du Réseau informatique des bibliothèques (RIB) que le Secrétariat d'État aux universités mettra en place au cours des prochaines années. La Division de la coopération et de l'automatisation (DICA) du Service des bibliothèques met en œuvre une politique de réseau, d'une part à partir de ses propres études et moyens, d'autre part à partir des réalisations menées dans le cadre et avec l'assistance du Bureau national de l'information scientifique et technique (BNIST) et de la mission interministérielle pour la promotion de l'informatique (MIPI) du Ministère de l'industrie.

Deux types d'action seront menées en 1976. La première concerne la version zéro de CAPAR qui va être testée avec trois bibliothèques interuniversitaires ou d'université : Grenoble, Nanterre et Orsay. La seconde concerne l'accès des bibliothèques à des bases de données spécialisées (ESRO 1 et Thermodata). Dans cet esprit, la Bibliothèque de l'Université de Paris-Sud (Orsay) sera la première bibliothèque française à être reliée à la base de données ESRO, dès avril 1976. Grâce, en effet, au réseau Cyclades mis en place par l'Institut de recherche d'informatique et d'automatique (IRIA), l'Université d'Orsay pourra avoir accès au Service de documentation spatiale qui a été transféré à Frascati près de Rome en 1973. D'autres bibliothèques universitaires seront progressivement associées à cette expérience, lorsque les procédures d'accès seront définitivement mises au point.

Dans un souci d'information, une journée d'études est organisée par le BNIST et la DICA sur les réseaux documentaires. Elle aura lieu le 14 mai 1976 au Conservatoire national des arts et métiers, à Paris. Cette journée, qui est ouverte à tous les bibliothécaires et documentalistes désireux d'être informés sur ces problèmes, traitera des réseaux actuellement existants ou en voie d'élaboration : Cyclades, Transpac et Euronet notamment, mais aussi le Réseau informatique des bibliothèques tel qu'il est désormais programmé.

Pour préparer cette journée et présenter le CAPAR tel qu'il a été initialement prévu, Mme Motais de Narbonne, coordinateur bibliothéconomique à la DICA, fait l'historique du projet.

I. En 1971 fut publié par la Direction des bibliothèques et de la lecture publique le « Plan d'automatisation des bibliothèques » en même temps qu'était officiellement créé un service chargé de le mettre en œuvre : le BAB ou Bureau pour l'automatisation des bibliothèques.

Ce plan est encore la référence actuelle de travail pour les grandes orientations informatiques. Il prévoit une organisation nationale des bibliothèques en réseau au moyen de la téléinformatique selon trois phases. La première est la réalisation d'un réseau de catalogage, la deuxième d'un réseau de gestion qui s'appuie sur le réseau de catalogage et enfin d'un réseau de documentation. Nous en sommes à la réalisation de la première phase : le réseau de catalogage dont le système CAPAR (ou catalogage partagé) est une importante partie.

Cette organisation du catalogage confie à la Bibliographie de la France la responsabilité d'entrer dans le fichier commun les notices bibliographiques de tous les documents français et confie aux bibliothèques utilisatrices du système CAPAR la responsabilité de l'entrée des données bibliographiques des documents étrangers qu'elles acquièrent.

L'ensemble de ces notices françaises et étrangères est exploité à des fins d'édition sous forme de fiches catalographiques, listes, plus tard micro-édition par le système CANAC (ou catalogage national centralisé).

2. La définition du système CAPAR a été faite par une vingtaine de bibliothécaires 2 qui ont accepté de travailler d'une façon intensive pendant 4 mois pour constituer le « dossier d'analyse bibliothéconomique du système CAPAR ». Ce dossier d'analyse bibliothéconomique est la composition des résultats de trois groupes de travail : (un groupe sui les points de catalogage, un sur la saisie des données et un sur les fonctions du système). Ila été constitué entre le 7 novembre 1974 et le 20 mars 1975.

Le dossier d'automatisation, qui est une proposition de solution informatique des besoins exprimés, fut accepté le 29 avril. Depuis cette date, la réalisation est en cours et les premiers tests (6 terminaux) commenceront en février 1976.

3. Le système CAPAR décrit ci-dessous a entièrement été défini par le groupe de travail.

3.I. Le système CAPAR a deux objectifs : diminuer les charges de catalogage de chacun des participants et réaliser un catalogue collectif directement interrogeable et à jour qui permette une circulation plus facile des documents entre les bibliothèques et apporte une aide pour le choix des acquisitions.

3.2. A chaque objectif du système CAPAR correspond un type d'utilisation et c'est ainsi que deux grandes fonctions ont été définies : la fonction « Localisation » et la fonction « Catalogage ».

3.2.I. L'utilisateur active la fonction « Catalogage » lorsque son but final est d'obtenir un jeu de fiches du système CANAC, fiches qui alimenteront ses propres fichiers. En d'autres termes, la fonction « Catalogage » sera activée chaque fois que l'utilisateur aura un livre en main qu'il aura besoin de cataloguer.

3.2.2. L'utilisateur active la fonction « Localisation » lorsque son but est soit de connaître la localisation d'un document (pour l'emprunter) soit de l'indiquer à un lecteur ou décider d'une acquisition soit indiquer à ses partenaires qu'il possède ou qu'il a commandé un document.

3.2.3. A ces deux grandes fonctions s'ajoute une fonction purement utilitaire « Reprendre » qui permet à l'utilisateur de reprendre un travail de catalogage qu'il a interrompu en évitant les recherches systématiques qui sont faites au début de la fonction « Catalogage ».

3.3. Ces deux grandes fonctions s'exercent sur quatre types de notices : les notices CANAC, (exploitées par le système du même nom) CBU (pour contrôle bibliographique universel), signalétiques et en cours.

3.3.I. Les notices CANAC sont des notices catalographiques complètes rédigées selon les normes. Ce sont les seules qui peuvent être éditées par le système CANAC. Elles ne sont pas corrigibles par l'utilisateur sauf nécessité absolue et dans ce cas par des procédures volontairement dissuasives.

3.3.2. Les notices CBU sont les notices reçues dans le cadre des échanges de données bibliographiques nationales (« Library of Congress », Bibliothèque Royale de Belgique, etc...). Seules les vedettes et notes sont modifiables par l'utilisateur. La notice proprement dite est acceptée telle qu'elle est ou remplacée par une notice nouvelle, la Description bibliographique internationale normalisée (ISBD) garantissant une utilisation internationale des notices.

3.3.3. Les notices signalétiques sont des notices de commande. Elles permettent à une bibliothèque d'indiquer à ses partenaires qu'un document non encore représenté dans le système a été commandé. Elles contiennent les informations habituellement données aux libraires.

3·4· Ces différents types de notices sont les supports de deux catégories de localisation : les localisations réelles qui correspondent à des documents effectivement possédés par la bibliothèque et les localisations potentielles qui correspondent à des intentions puisque ces localisations sont mises au niveau de la commande et chacun sait que les commandes ne sont pas toutes honorées.

4. La responsabilité de l'utilisateur CAPAR sera d'enrichir les informations du système et ceci de deux façons : enrichir le système quant à la qualité catalographique des notices existantes jusqu'à obtenir une notice du type CANAC, ceci dans le cadre de la fonction « Catalogage », enrichir le système du point de vue des localisations en indiquant des localisations nouvelles, en transformant des localisations potentielles en localisations réelles, ceci dans le cadre de la fonction « Localisation ».

4.I. La première phase de chacune des fonctions « Catalogage et Localisation », est la recherche d'une notice existante dans les fichiers. Cette recherche, se fait au moyen des clefs d'interrogation 3 constituées de caractères du nom de l'auteur, du titre ou d'une combinaison des deux au moyen de numéros identificatifs du document, ISBN ou n° de la Bibliographie de la France, par exemple.

4.2. La deuxième phase de travail dépendra du résultat de cette recherche et de la fonction dans laquelle on se trouve.

4.2.I. Dans la fonction « Catalogage », si la notice trouvée est une notice CANAC, le catalogage est fait et l'opérateur n'a plus qu'à indiquer les informations propres à son établissement (cote, indexation, mots matière) pour que le système CANAC puisse fabriquer un jeu de fiches directement utilisables.

4.2.2. Si la notice trouvée est une notice en cours, l'utilisateur, attend qu'elle soit terminée tandis que le système indique à la bibliothèque qui a commencé la notice qu'un autre établissement souhaite l'utiliser.

4.2.3. Si la notice trouvée est une notice CBU, l'utilisateur aura le choix d'accepter le corps de la notice ou de la refuser. 4 Dans le premier cas, les modifications qui ne porteront que sur les notes transformeront une notice CBU en notice CANAC et on est ramené au cas où la recherche avait mis à jour l'existence d'une notice CANAC.

Dans le deuxième cas l'utilisateur indique au système que cette notice CBU devra être remplacée par la notice CANAC qu'il va immédiatement commencer à rédiger.

4.2.4. Si la notice trouvée est une notice signalétique, l'utilisateur indique au système qu'il va rédiger une notice CANAC complète qui la remplacera 5.

4.2.5. Si aucune notice n'est trouvée, l'utilisateur est moralement engagé à rédiger une notice complète.

4.4. Dans la fonction « localisation », les choix sont plus simples. Si l'utilisateur a activé la fonction pour interroger le catalogue collectif, le résultat de la recherche initiale d'une notice forme la réponse : en effet si la notice décrivant le document cherché existe, elle comporte au moins une localisation et si elle n'existe pas, le document est absent du fonds documentaire CAPAR - Si l'utilisateur a activé la fonction « localisation » pour indiquer une localisation nouvelle, il ajoutera un code de localisation à ceux portés par la notice trouvée ou créera un couple (notice signalétique-localisation) dans le cas où le document aussi est nouveau.

A l'intérieur de cette fonction « localisation » l'utilisateur aura aussi la possibilité d'envoyer à une autre bibliothèque CAPAR, par le système informatique, un message en clair de son choix qui logiquement devrait être le plus souvent une demande de prêt.

5. Le système CAPAR est avant tout un outil de coopération et ceci par la volonté des établissements qui l'ont défini, clairement exprimée par le rapporteur d'un groupe de travail « Le Sous-groupe entend souligner que dans son sens le plus général un système comporte des individus et des machines. Il n'est ni rationnel ni efficace d'étudier les dernières en ignorant les premiers. L'adaptation est donc obligatoirement mutuelle... Le groupe a toujours été conscient de l'individualisme et du particularisme toujours menaçants... Le sous-groupe souligne que la construction en commun d'un système implique la définition des règles communes. Le sous-groupe demande qu'une étude du statut des bibliothèques adhérentes soit entreprise rapidement. Ce statut devrait définir les droits et les devoirs des participants. »

La coopération apparaît ainsi sous deux aspects : les bibliothèques CAPAR utilisent un système commun et pour cela coopèrent pour définir, mettre à jour et faire respecter leurs règles communes de travail et surtout les bibliothèques CAPAR travaillent sur des informations communes c'est-à-dire des fonds presque communs. Il s'ensuivra des politiques d'acquisition concertées, des prêts facilités et donc pour le lecteur une efficacité accrue de chaque établissement.

Il faut souligner que le système CAPAR tel qu'il a été défini par ses premiers utilisateurs ne sera pas parfait dès sa mise en place. Des améliorations successives seront possibles d'après l'analyse objective des manques et des insuffisances. Cette analyse sera d'autant plus efficace qu'elle sera plus réfléchie et faite elle aussi dans un esprit de coopération. Le système une fois créé, une fois testé doit vivre en effet et il ne le pourra qu'avec la conscience permanente de ses participants qu'il faut faire sien le conseil d'Henry Ford « nous ne savons pas le faire, faisons-le ensemble ».

Annexe I

Liste des établissements ou services ayant participé aux groupes de travail :
I. Bibliothèque des Sciences pharmaceutiques et biologiques de Châtenay-Malabry.
2. Bibliothèque interuniversitaire de Grenoble.
3. Bibliothèque Jussieu-Saint-Bernard.
4. Bibliothèque de l'Université de Paris X-Nanterre.
5. Bibliothèque du Centre scientifique d'Orsay.
6. Bibliothèque de l'Université de Paris-Nord.
7. Catalogue collectif des ouvrages étrangers.
8. Centre de documentation de l'armement.
9. Commissariat à l'énergie atomique, service central de documentation.
10. Institut français du pétrole, centre de documentation.
II. Institut de recherche en informatique et automatique, Bibliothèque.

Annexe 2

Utilisation des notices CBU

Le problème de l'utilisation des notices CBU sera étudié cas par cas au fur et à mesure que, d'une part elles seront rendues disponibles sur support magnétique par les pays d'origine et qu'elles seront nécessaires à CAPAR, d'autre part. L'expérience commencera avec les notices de la Bibliothèque du Congrès et l'analyse de ces notices a montré les faits suivants :
- Les notices américaines ISBD décrivant des monographies en un volume ou des monographies en plusieurs volumes dans le cas où le découpage en plusieurs unités est purement physique sont utilisables directement par les bibliothèques françaises à condition d'accepter une collation en anglais.
- Les principes américains d'élaboration des notes sont souvent différents des principes français et bien souvent les notes américaines contiennent des informations de contenu (presque les tables des matières). A cette différence de conception générale s'ajoute le problème de la langue.
- Dès qu'il s'agit de décrire une monographie en plusieurs volumes avec des titres de volumes ou de parties, la méthode américaine est tout à fait différente de la méthode française puisqu'elle consiste en une description linéaire c'est-à-dire une juxtaposition des informations décrivant chaque unité.

Après étude du problème, le groupe de travail concerné a pris des décisions acceptées ensuite par l'ensemble des membres et qui sont les suivantes :

Les notices CBU seront affichées sous la forme ISBD aux utilisateurs qui jugeront de leur validité dans le cadre du catalogue CAPAR.

Si la notice est acceptable, elle sera conservée en l'état à l'exclusion des notes et des vedettes que l'utilisateur pourra modifier, compléter ou refaire.

Si la notice n'est pas acceptable, elle ne sera pas corrigée par l'utilisateur mais tout se passe pour lui comme si aucune notice n'existait : il en fait une nouvelle.

Annexe 3

Saisie des données catalographiques

Les bibliothèques participant au CAPAR seront dotées pour communiquer avec l'ordinateur central de terminaux du type « écran cathodique ». Les écrans serviront notamment à la saisie des informations catalographiques qui constituent les différents types de notices possibles.

Le système de saisie de données a été conçu pour apporter un maximum d'aide au catalogage et plus précisément à la codification des données. Ainsi, les données seront saisies dans une succession de cadres préaffichés qui faciliteront le travail du catalogueur. Après saisie les données seront immédiatement contrôlées par programme et le catalogueur pourra les visualiser dans la forme ISBD et dans la forme de saisie.

Le système est conçu pour faciliter un travail direct du catalogueur à l'écran. Ceci signifie que c'est le catalogueur qui a le choix de son mode de travail (saisie directe ou élaboration de bordereau) mais que le système permet un choix réel en rendant la saisie directe possible et facile. Les résultats des différentes pratiques seront là encore mis en commun, analysés, critiqués et permettront d'améliorer les conditions de saisie qui quels que soient les avantages des systèmes informatiques par ailleurs restent souvent le point clé de toute automatisation.

Illustration
Fonction "catalogage"