Association des bibliothécaires français. Groupe des pays de la Loire
La journée du 9 avril 1973 dont le thème était « enseignants et bibliothèques » fut ouverte par une communication de Mlle Letellier, conservateur de la Bibliothèque centrale de prêt de la Sarthe. S'interrogeant sur les meilleures chances qu'a le livre d'entrer à l'école sous une forme autre que celle des manuels, Mlle Letellier distingua trois niveaux :
- la maison (la famille); l'école; la bibliothèque, qui s'adresse malheureusement au lecteur déjà sensibilisé (et oublie le non-lecteur).
Au niveau de la famille, l'enfant ne trouvera du plaisir dans la lecture que si son entourage évite de lui montrer le seul aspect de l'effort. Une initiation au livre peut se faire, bien avant de savoir lire, avec l'apprentissage de la parole : avec les histoires racontées. Les enfants lisent si les parents lisent, s'ils sont dans une ambiance où le livre existe.
A l'école, l'enfant passe de la lecture orale à la lecture visuelle intériorisée. Pour éviter que la lecture ne soit dévitalisée, elle doit déboucher sur l'expérience : on n'apprend pas à lire seulement pour savoir lire.
Le rôle des bibliothécaires auprès des enseignants peut donc se définir comme suit :
- montrer que le livre joue un rôle primordial dans la formation de l'individu et que, pour ce faire, la lecture à l'école doit s'appuyer sur les bibliothèques;
- sensibiliser le lecteur dans une optique de plaisir;
- chercher en commun la réponse aux questions : pourquoi lire ? que lire ? comment lire ?
- utiliser le livre dans l'expérience pratique, la lecture débouchant sur l'action. A partir de cette recherche, déclara en conclusion Mlle Letellier, une authentique coopération pourrait s'établir entre enseignants et bibliothécaires.
A partir de ces données, et en tenant compte des désirs des participants, l'assemblée fut divisée en quatre groupes de travail qui discutèrent des sujets suivants :
- les bibliothèques d'établissement d'enseignement;
- le rôle du livre et de la lecture à l'école.
- les relations entre bibliothécaires et enseignants dans le cadre de l'enseignement supérieur.
- les problèmes de la documentation.
Les bibliothèques d'établissement.
On en constata surtout les aspects négatifs : pauvreté en crédits et en personnel; absence de statut des bibliothécaires; ignorance des chefs d'établissement au sujet d'une éventuelle formation du personnel; manque de coordination avec les autres bibliothèques.
Malgré des moyens dérisoires, leur division en bibliothèque des élèves et bibliothèque des professeurs, elles organisent des visites de classe, établissent une coopération réelle avec les professeurs intéressés (par exemple, listes d'exposés faits en classe pendant l'année précédente).
Le rôle du livre et de la lecture à l'école.
Deux propositions de M. Georges Jean servirent de base aux discussions de ce groupe :
- la lecture et la culture vécue de l'enfant.
- les instructions ministérielles sur l'enseignement du français (circulaire n° 72-474 du 4 déc. 1972, parue dans le Bulletin officiel de l'éducation nationale n° 46 du 7 déc. 1972) qui furent distribuées à tous.
La culture vécue de l'enfant se situe sur le double terrain du psychisme et du langage (extériorisation), ceci dans un environnement qui, de familial et scolaire, s'est enrichi grâce aux nouveaux media. Le manuel de lecture ne visait que l'apprentissage en milieu scolaire : il manque aujourd'hui d'ouverture sur la vie réelle.
A l'examen des instructions ministérielles, il apparaît que l'apprentissage doit commencer avant la lecture (familiarisation avec le livre comme objet), qu'on ne lit beaucoup que lorsqu'on lit avec plaisir, qu'une lecture est féconde si elle est liée à la créativité (écriture, en particulier).
Après avoir étudié la familiarisation de l'enfant avec le livre (tourner les pages, s'approprier les images, organiser l'espace...) et constaté que les retards socioculturels dans ce domaine sont acquis dès la petite enfance, le groupe de travail s'est interrogé sur les relations enseignants-bibliothécaires. Les premiers savent peu utiliser les bibliothèques. Les seconds n'informent guère les enseignants de ce qu'ils peuvent faire pour eux et ne sont guère au courant des méthodes pédagogiques.
Pour les enseignants, la lecture vivante devrait être une culture ouverte, entraîner l'ouverture de la classe vers les autres classes et vers l'extérieur (bibliothèques, entre autres), provoquer le remplacement du manuel de lecture (morceaux choisis) par le livre de bibliothèque.
Pour les bibliothécaires, nécessité se fait jour de rencontres prolongées avec les enseignants et de stages dans les classes dans le cadre même de la formation professionnelle.
Les bibliothèques et l'enseignement supérieur.
Ce groupe a été constitué à la demande des professeurs de l'enseignement supérieur. Il semble, en effet, qu'un certain malaise règne dans les rapports entre bibliothécaires et professeurs d'université.
L'enseignement supérieur débouche sur la recherche et doit donc préparer ses étudiants à acquérir de bonnes méthodes de travail. Or, les instruments de travail, la documentation sont répartis entre les bibliothèques universitaires (B.U.), les bibliothèques d'institut (B.I.) et les bibliothèques municipales (B.M.) dont le fonds ancien est très apprécié et utilisé par les littéraires.
Une coopération entre bibliothèques est donc nécessaire, en particulier dans le cas des B.U. nouvellement créées qui n'ont ni les fonds anciens ni les collections de périodiques indispensables. Une coordination des acquisitions de périodiques avec les B.M. serait utile (dans le sens de la complémentarité) voire une prise en charge par les B.M. (section d'études) des besoins en livres des étudiants du Ier cycle. Quant aux B.U., elles pourraient gagner en se spécialisant selon les centres d'intérêt correspondant aux sujets de recherche ou aux champs d'investigation des équipes d'enseignants, de chercheurs et d'étudiants avancés. Elles peuvent le cas échéant bénéficier des conseils et de l'aide de professionnels des bibliothèques.
Le groupe conclut sur la pleine utilisation des compétences de chacun et regrette, dans le domaine scientifique, la disparition du « Service d'information bibliographique ».
Les problèmes de la documentation.
Traditionnellement pourvoyeurs de livres, les bibliothèques doivent de plus en plus répondre à des questions précises et solliciter d'autres moyens de recherche documentaire (périodiques, enquêtes, enregistrements, diapositives, iconographie, etc.). Or on constate que les enseignants ne s'informent pas des ressources de la bibliothèque en ce domaine, et, de ce fait, le premier contact d'un élève avec la bibliothèque peut être un échec.
Actuellement trois services existent :
- le centre départemental (ou régional) de documentation pédagogique : prêt aux enseignants;
- le service de documentation et d'information avec les bibliothèques d'établissement : prêt aux enseignants et aux élèves;
- les bibliothèques publiques, avec parfois dépôt du bibliobus dans les établissements scolaires.
Le rôle des bibliothèques devrait être :
1° d'indiquer aux enseignants la documentation dont elles disposent;
2° d'apprendre aux enseignants (et aux élèves) le fonctionnement des bibliothèques et les méthodes de recherche des documents : un enseignement en ce sens pourrait être donné par des bibliothécaires dans les écoles normales et pour les futurs professeurs.
3° de proposer aux enseignants une documentation et des orientations de recherche (appelée à se développer pour les activités libres) et diriger enseignants et élèves vers d'autres sources de documentation.