L'agence francophone pour la numérotation internationale du livre (A.F.N.I.L.)
En vue d'aboutir à la mise en place de la numérotation normalisée internationale du livre (ISBN) pour l'édition de langue française, a été créée une Agence francophone pour la numérotation internationale du livre (A.F.N.I.L.) le 24 avril 1972. L'agence a rédigé conjointement avec des bibliothécaires et des éditeurs un règlement pour que l'attribution d'un ISBN soit faite selon les mêmes critères chez tous les éditeurs. Les premiers numéros ont été attribués aux éditeurs dès le 24 avril 1972 et leur contrôle associé à la gestion automatisée devrait commencer dans le courant de l'année 1973.
I. Introduction
Nous avons entretenu autrefois les lecteurs de ce Bulletin des projets concernant un numéro d'identification pour les livres 1, ou I.S.B.N.; ils savent donc qu'une norme ISO était en préparation pour la Numérotation normalisée internationale du livre. Cette norme est actuellement adoptée et un nombre croissant de pays est maintenant en possession de son indicatif de groupe : le groupe anglo-saxon (Grande-Bretagne, Canada, États-Unis) s'est réservé le o et le 1; le groupe allemand (3); le Danemark (87); les Pays-Bas (90); la Suède (91); la Finlande (951); la Hongrie (963)...
De plus, l'Unesco s'apprête à jouer le rôle d'une agence nationale pour les publications des Nations Unies et de leurs filiales sous l'indicatif 92, et pense étendre son action par la suite à d'autres organisations intergouvernementales. Enfin, l'Agence internationale pour la numérotation normalisée du livre est maintenant établie à Berlin, auprès de la « Staatsbibliothek Preussischer Kulturbesitz », sous la direction de notre collègue, Dr Karl Wilhelm Neubauer. Bref, le système se met en place, notamment dans les pays les plus développés en matière d'édition de livres.
Et la France, me direz-vous ? Elle ne s'est pas empressée outre mesure de mettre en œuvre l'indicatif 2 qui lui avait été attribué. Les éditeurs français étaient-ils moins prêts à voir les avantages d'un système normalisé parce que moins sensibilisés aux innovations que l'informatique allait apporter à leurs problèmes de gestion ? Toujours est-il que c'est seulement en 1972 que le système francophone s'est organisé; sa mise en place se poursuit actuellement à une allure modérée.
Il faut dire que l'ambition du système a, dès le départ, débordé le domaine de l'édition en France pour comprendre l'édition de langue française. Les éditeurs français, habitués de longue date à collaborer avec leurs voisins de Belgique et de Suisse, leur ont offert de partager avec la France l'indicatif 2, qui devient celui du groupe francophone. A la vérité, ce groupe pour le moment ne déborde pas au-delà de ces deux pays : le Québec, tout francophone qu'il se veuille, fait partie du Canada, donc du groupe anglo-saxon, et les pays africains dont le français est la langue officielle ou véhiculaire n'ont pas encore manifesté leurs intentions; et pour cause, puisqu'on sait qu'une des plaies dont souffrent ces pays est précisément le manque d'éditeurs.
En outre, comme il s'agit de numéroter toute la production d'un pays, y compris celle des éditeurs occasionnels, seule une collaboration étroite entre les milieux de l'édition et les régies de dépôt légal permet de résoudre le problème. Ce désir de collaboration a mené à la constitution de l'Agence francophone pour la numérotation internationale du livre (A.F.N.I.L.). Cette agence est une association française régie par la loi du Ier juillet 190I. Elle est constituée initialement par six participants : la Bibliothèque nationale, le Syndicat national de l'édition, le Cercle de la librairie, la Bibliothèque royale Albert Ier de Bruxelles, l'Association belge des éditeurs de langue française et la Société des libraires et éditeurs de la Suisse romande. L'association « est ouverte à toute personne morale de droit privé ou de droit public représentant un organisme chargé du dépôt légal, ou un groupement d'éditeurs représentatif dans un pays partiellement ou entièrement de langue française » (art. 6).
On remarquera que la Bibliothèque nationale de Berne n'est pas une des parties prenantes; cela tient à ce qu'il n'y a pas de dépôt légal fédéral en Suisse. Seuls trois cantons ont le dépôt légal, dont celui de Vaud. C'est pourquoi la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, qui est chargée du dépôt légal, a passé une convention avec la Société des libraires et éditeurs de la Suisse romande pour constituer la Sous-agence romande pour la numérotation internationale des livres (S.A.R.N.I.L.). La S.A.R.N.I.L. enregistrera, sur dépôt d'un exemplaire complet de toute nouvelle publication que s'engage à fournir la société, l'I.S.B.N. et la notice bibliographique complète devant constituer la contribution suisse à l'œuvre commune.
L'Agence, qui a pris corps le 24 avril 1972, a commencé aussitôt à distribuer aux éditeurs qui l'ont demandé leur numéro indicatif. La chronique de la Bibliographie de la France a publié récemment 2 les listes au Ier novembre 1972 des numéros attribués, l'une dans l'ordre des numéros et l'autre dans l'ordre alphabétique des raisons sociales d'éditeurs. Les premiers livres français pourvus d'un ISBN font peu à peu leur apparition sur le marché.
Le problème des publications officielles des différents organes de l'État, dont j'avais souligné dès 1969 qu'il poserait des difficultés, est à l'étude. L'indicatif d'éditeur II a été réservé à l'État; le président del'A.F.N.I.L., M. Gérard Martin, a saisi officiellement le Premier Ministre de la question; et le Premier Ministre à son tour a demandé l'étude du problème à la Commission de coordination de la documentation administrative, qui a été créée par décret en date du 13 juillet 1971 et dont le secrétariat est assuré par la Direction de la documentation; réunissant des représentants de tous les ministères, elle doit pouvoir dégager des solutions simples et de bon sens.
Mais avant même d'attribuer des numéros, l'agence a rédigé son règlement qui a été publié le 12 avril 1972 dans la chronique de la Bibliographie de la France 1. Ce règlement donne des bases pour que l'attribution d'un ISBN soit faite selon les mêmes critères chez tous les éditeurs. Nous voudrions attirer l'attention de nos collègues sur ce règlement : il a été rédigé, certes, à la lumière de ceux qui avaient déjà paru, par exemple, ceux des agences anglaise, américaine et allemande principalement 3. On s'est également servi des définitions contenues dans la Recommandation de l'Unesco sur les statistiques de l'édition 4, notamment pour la définition du livre. Mais son principal intérêt est qu'il a été rédigé et adopté conjointement par des bibliothécaires et par des éditeurs; les définitions qu'il donne des éditions, des réimpressions par exemple, sont acceptées des deux parts et devraient faciliter la tâche des services chargés du dépôt légal. Il y a là un exemple de coopération qui témoigne d'un grand désir de compréhension entre les deux professions.
Rappelons, en outre, que l'ISBN ne s'applique qu'au livre; les publications en série relèveront d'une autre numérotation internationale, l'ISSN (International Standard Serial Number), dont le principe a été également adopté par l'ISO. L'ISSN est profondément différent de l'ISBN : il consiste en un nombre de huit chiffres, présenté en deux groupes de quatre, le dernier étant un chiffre de contrôle. D'autre part, il ne comportera pas de segments indiquant le groupe national et l'éditeur; ce sera un nombre attribué à chaque titre par une agence nationale, travaillant elle-même en liaison avec l'agence internationale établie en France 5. L'ISO a également adopté le principe d'un ISRN (International Standard Record Number) pour la numérotation des enregistrements sonores. Bien d'autres formes de production éditoriale pourront un jour être l'objet de numérotations.
L'agence francophone, à vrai dire, n'a pas encore eu d'autre activité que la publication de son règlement et l'attribution des indicatifs aux éditeurs; mais, pour l'avenir, dans le courant de l'année 1973, la gestion automatisée et le contrôle des ISBN commençant par le chiffre 2 devrait débuter. Cela demandera une étroite coopération entre les services du Cercle de la librairie et ceux du Dépôt légal, peut-être même l'établissement d'un service conjoint unique. Des études sont menées très sérieusement entre bibliothécaires français, belges et suisses, pour aboutir à une structure commune d'enregistrement automatisé des notices bibliographiques.
Certes, l'ISBN ne résout pas tous les problèmes; nous pouvons cependant envisager d'ores et déjà - quand la plus grande partie de la production française pourra être appelée par ISBN - des utilisations pour le prêt, les catalogues collectifs, etc.