Association des bibliothécaires français

Journées d'études des bibliothécaires du Sud-Est

Les deux journées des 7 et 8 mai 1966 ont groupé à Arles, sous la présidence de M. Lecutiez, 55 bibliothécaires d'Aix-en-Provence, Annecy, Arles, Avignon, Carpentras, Chambéry, Grasse, Grenoble, Le Puy, Lyon, Marseille, Montpellier, Nice, Pierrelatte, Romans, Saint-Hilaire-du-Touvet, Toulon, Valence et Villeurbanne.

M. l'Inspecteur général Masson avait bien voulu assister aux séances de travail. Étaient également invités M. Dennery, directeur des bibliothèques et de la lecture publique et MM. les Inspecteurs généraux Poindron et Caillet, qui ont regretté de ne pouvoir venir.

La première journée commença par une visite des crypto-portiques du forum sous la conduite de M. Rouquette, conservateur des musées d'Arles, à laquelle fit suite une séance de travail à la Maison des jeunes, de 16 heures à 18 heures 15. Après une minute de silence demandée par M. Lecutiez, pour rappeler la mémoire de Mlle Simon, Mlle Duc, bibliothécaire-adjointe de la Bibliothèque municipale de Grenoble, lut son rapport, après enquête faite par MM. Vaillant et Rocher auprès des bibliothécaires de la région, sur les acquisitions dans les bibliothèques municipales. De ce rapport, il résulte que les bibliothécaires municipaux souhaiteraient une bibliographie critique et sélective sur les livres étrangers les plus importants, une bibliographie critique et sélective de livres français (à parution plus rapide que la revue Les Livres) et une liste de base pouvant servir à la constitution d'une section d'adolescents. Dans le choix des acquisitions, l'accent fut mis sur le rôle du bibliothécaire, « seul juge en matière d'acquisition », et il ne fut donné qu'un seul exemple (à Chambéry) de comité consultatif fonctionnant régulièrement (trois fois par an), et fournissant des suggestions qui soient utilisées par le bibliothécaire. Les rapports avec les librairies ont fait ressortir la difficulté, en province, de l'achat de livres d'occasion, et, dans les petites villes, le manque de bons libraires pouvant fournir rapidement les ouvrages demandés. La communication préalable y est beaucoup moins possible que dans les grandes villes ayant des libraires bien approvisionnés. La coordination des achats, à part le cas de Chambéry, entre M. Casanova, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale, et Mme Casanova, bibliothécaire du Collège universitaire, n'est pas organisée. Elle reste dépendante des rapports personnels entre directeurs des bibliothèques universitaires et municipales, comme l'avait fait déjà ressortir le rapport fait par M. Vaillant dans les Cahiers des bibliothèques de France, en 1955.

La discussion s'étant ouverte sur ce rapport, M. Trompier fit remarquer, à propos des bibliographies sélectives, qu'il en existe déjà un très grand nombre et qu'il faut choisir entre les bibliographies rapides mais insuffisantes, et celles plus sérieuses, mais plus lentes. M. l'Inspecteur général Masson exprima néanmoins l'opinion qu'une bibliographie plus sélective s'imposait. Pour les comités consultatifs, Mlle Beau estima qu'il était nécessaire que le choix des membres fût fait, non par le maire, mais par le bibliothécaire. M. Casanova indique qu'à Chambéry le comité est composé uniquement de professeurs, qui rédigent des listes de livres avant les séances. Dans les bibliothèques universitaires, Mme Kravtchenko fit remarquer qu'à Grenoble le comité officiel unique a fait place à des comités de facultés. Pour la coordination des achats entre bibliothèques, M. l'Inspecteur général Masson recommanda que fût suivi l'exemple de M. Bouvy, qui, lorsqu'il dirigeait la bibliothèque centrale de prêt de la Moselle, publiait un bulletin d'informations bibliographiques auquel souscrivaient les bibliothécaires de la région. M. Rocher, souhaita, pour faciliter cette coordination des achats, l'établissement d'un catalogue collectif régional.

M. Laurent rendit compte ensuite de l'enquête qu'il fit, suivant le vœu des participants aux journées d'Annecy en 1965, auprès de 20 conservateurs de musées du Sud-Est. Il en résulte que lesdits conservateurs de musées souhaitent une réunion annuelle commune avec les bibliothécaires, de préférence en automne.

A l'issue de la réunion, une réception des bibliothécaires fut organisée à l'Hôtel de ville sous la présidence de M. Privat, député-maire, à l'issue de laquelle M. Lecutiez leur fit visiter la Bibliothèque municipale.

Le lendemain, dimanche 8 mai, commença par une séance de travail entre 10 et 12 heures à la Maison des jeunes. M. Hamon, bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Grenoble, compléta le rapport de Mlle Duc, en donnant le résultat d'une enquête, faite par M. Vaillant auprès des bibliothécaires de la région, relativement à l'application du récent plan comptable. Pour Annecy, Arles, Avignon et Lyon, 1966 est la première année d'application dudit plan. Aix et Marseille en feront l'expérience l'an prochain; Grenoble pour sa part l'applique depuis 1962. Dans la plupart des cas, avant l'application du plan comptable, la presque totalité des crédits affectés à une bibliothèque - à l'exception du matériel - faisait partie du fonctionnement, avec deux ou trois articles dont les crédits pouvaient passer de l'un à l'autre. Annecy, Arles et Avignon signalent que tous leurs crédits sont dans le fonctionnement; Aix en a 80 %dans cette section et Lyon seulement 1/3. Quant à Grenoble, son pourcentage a passé de 80 en 1962 à 60 en 1966. Les comptables ont de plus en plus tendance à vouloir faire passer dans l'investissement les ouvrages de plus de 100 F.

Un des inconvénients du plan comptable pour une bibliothèque est le fractionnement des crédits de fonctionnement ou d'investissement en articles et sous-articles. Avignon indique que son crédit de fonctionnement a trois articles. Grenoble en avait cinq en 1962, elle en a maintenant vingt. La difficulté réside dans le fait qu'il n'y a plus de possibilité de faire passer une somme inutilisée d'un article à l'autre sans une demande spéciale à l'administration, car, pour obtenir un transfert de crédit, il faut une délibération. Autre difficulté, il faut prévoir, au moment de la préparation du budget, non seulement les postes, mais aussi le montant de la dépense de la manière la plus exacte possible, car il ne faut ni enfler le budget, ni sous-estimer la dépense; dans ce dernier cas, l'acquisition devient irréalisable. Le résultat est que des postes seront inutilisés alors que d'autres seront insuffisamment pourvus : des sommes parfois importantes restent ainsi inemployées.

Il est vrai que les crédits de fonctionnement ont tendance à diminuer d'année en année au profit des crédits d'investissement. Mais l'utilisation de ces derniers est encore plus difficile que celle des premiers. Pour l'investissement, en effet, il faut toujours faire l'engagement de la dépense, et, si celle-ci doit être supérieure à 1 ooo F, un rapport préalable au maire est nécessaire. Cette demande est alors étudiée en municipalité. Même si la réponse est favorable, ce qui n'est pas toujours le cas, la municipalité ne voyant pas forcément l'intérêt d'une acquisition, le délai est tel entre la demande et la réponse, que les livres ou manuscrits proposés sur des catalogues de libraires d'occasion sont souvent vendus. D'où un travail inutile. En outre, avec ce système, en poussant les choses à l'extrême, on constate qu'il serait possible aux élus - après avoir voté un crédit d'investissement - d'en empêcher ensuite l'utilisation par le simple rejet des demandes d'autorisation des achats. Enfin, au moment de l'établissement et du vote du budget, le crédit d'investissement est plus facilement diminué que celui de fonctionnement.

Si l'on aborde la question des marchés, on constate qu'Aix et Chambéry n'en passent pas et que les autres bibliothèques, Annecy, Arles, Avignon et Lyon, ont des marchés particuliers à l'établissement. C'était aussi le cas de Grenoble, il y a quelques années. Mais depuis 1963, en vertu du plan comptable, l'administration a décidé, pour obtenir d'importantes réductions, de grouper les achats des divers services. C'est ainsi qu'il existe des marchés généraux pour les fournitures de bureau, la papeterie, les machines à écrire, les livres et les périodiques, tandis que les desiderata d'un service en particulier sont de moins en moins pris en considération.

De tout ceci, il ressort qu'il serait utile, pour mieux défendre les intérêts particuliers des bibliothèques municipales, de pouvoir suivre en cours d'année, par des contacts directs de bibliothèque à bibliothèque, l'évolution dans l'application du plan comptable.

M. l'Inspecteur général Masson souligna l'intérêt de ce rapport et recommanda que le problème fût soumis à la direction des bibliothèques, celle-ci pouvant intervenir au besoin auprès des municipalités pour que, tout comme dans les bibliothèques universitaires, les crédits d'achat de livres restent des crédits de fonctionnement. M. Vaillant exprima le souhait que les bibliothèques d'une même région se missent d'accord pour un groupage important des commandes de livres avec cahier des charges commun, un tel groupage étant susceptible d'intéresser les libraires.

M. Rocher suggéra que les questions mises à l'ordre du jour des séances de travail de 1967 à Avignon soient soumises au suffrage des membres de l'association qui pointeront sur une liste celles qui les intéressent par priorité. Il serait ensuite utile que la ou les questions choisies soient étudiées dans des réunions locales : la réunion régionale y gagnerait en efficacité. Parmi ces questions, il proposa la mécanisation dans les bibliothèques, les catalogues collectifs et l'organisation administrative des bibliothèques. M. Trompier proposa l'organisation de sections nouvelles dans les bibliothèques universitaires; M. Dubled serait intéressé par les sections de bibliothèques pour enfants et adolescents. Mme Casanova désirerait que soit abordée la question de la coopération entre bibliothèques municipales et archives.

M. Lecutiez rendit compte ensuite de l'enquête qu'il fit, suivant le vœu des membres de l'association réunie à Annecy en 1965, auprès de certains bibliothécaires de bibliothèques municipales non classées, sur leur désir de classement desdites bibliothèques. Les quelques réponses qui lui sont parvenues sont généralement favorables au classement, soit en raison du fonds de la bibliothèque, soit à cause du chiffre de la population de la ville. Ce serait, d'après elles, le seul moyen pour les bibliothécaires d'avoir un espoir de carrière et d'être ainsi indépendants vis-à-vis de leurs municipalités. Certains souhaiteraient qu'une liste des établissements susceptibles d'être classés soit dressée par la Direction des bibliothèques, pour que le classement intervienne dès qu'une vacance a lieu. M. l'Inspecteur général Masson souligne l'effort de la Direction dans ce sens, mais aussi les difficultés qu'elle rencontre à cause de la mauvaise volonté de certaines municipalités.

A l'issue de la réunion, un déjeuner amical eut lieu dans un restaurant de la ville. Puis une visite de l'abbaye de Montmajour, remarquablement commentée par M. Rouquette, termina ces deux journées que M. Lecutiez avait su rendre si sympathiques.