Les bibliothèques municipales publiques de Londres

Madeleine Ventre

Actuellement deux mots-clés gouvernent l'organisation des bibliothèques municipales publiques de Londres : autonomie (au nombre de 167 elles dépendent de 30 bibliothèques centrales) et coopération (systèmes de prêt, catalogues collectifs). Un prochain remaniement administratif et la promulgation du nouveau « Public Libraries Act » ne semblent pas devoir changer sensiblement l'organisation fondamentale de ces bibliothèques municipales publiques, cependant la création d'un Conseil national consultatif chargé de veiller au développement de la Lecture publique en Grande-Bretagne favorisera peut-être les nouveaux projets d'amélioration. Quant à la coopération, d'autres projets se dessinent pour l'avenir : fusion de certains catalogues collectifs et création d'une Bibliothèque centrale publique de référence

En cette année 1964 où, en Angleterre, la réorganisation administrative de Londres - avec la création du « plus grand Londres » - est à l'ordre du jour et où la récente promulgation du nouveau « Public Libraries Act », qui prendra force de loi en avril prochain, a attiré l'attention sur les bibliothèques publiques, il nous a paru intéressant de rappeler ce que représentent aujourd'hui les bibliothèques municipales publiques de Londres pour l'ensemble des Londoniens, et de voir mieux comment fonctionne ce système original, mélange d'autonomie et de coopération, dont F. M. Gardner, il y a quelques mois encore 1, déplorait qu'il ne soit pas assez connu et dont l'étude, pour qui s'intéresse à la lecture publique, est riche d'enseignement.

Le souci de créer des bibliothèques publiques, dans le sens d'une bibliothèque non seulement ouverte au public mais aussi gérée par des fonds publics, est relativement ancien en Grande-Bretagne. Le premier « Public Libraries Act », en effet, date de 1850 permettant au conseil municipal des villes de plus de 100 ooo habitants de créer un service municipal de bibliothèque (½ penny - devenu 1 penny en 1855 - par livre perçu comme impôt par la municipalité, servant à financer ce service) 2. Très vite, quoique ce « Public Libraries Act » n'ait eu aucune force coercitive, des villes comme Manchester, Birmingham, Liverpool, organisèrent des services municipaux de lecture publique, suivies peu à peu par d'autres agglomérations qui souvent avaient moins de 100 ooo habitants. A Londres, ce n'est qu'en 1857 que fut créée dans la City de Westminster la première bibliothèque municipale publique. En 1873 la « Guildhall Library » de la Cité fut à son tour ouverte au public dans le bâtiment qu'elle n'a cessé d'occuper depuis, bibliothèque de référence et non de prêt, et qui de nos jours encore conserve cette particularité. Mais il fallut attendre plusieurs années encore avant que n'apparaissent dans chacun des autres « boroughs » de Londres 3 des bibliothèques publiques relevant de la municipalité de ces « boroughs 4 ».

On compte actuellement 167 de ces bibliothèques dépendant de 30 bibliothèques centrales, les 30 « Metropolitan public libraries », qui assurent, avec leurs filiales respectives, la lecture publique des 3 500 ooo habitants du Londres métropolitain. Ce Londres métropolitain est, pour quelques mois encore, celui qui relève pour son administration centrale du « London County Council » (L. C. C.) dont l'autorité s'étend sur 28 arrondissements (les « Metropolitan boroughs »). Ces 28 arrondissements possèdent chacun une mairie et parmi d'autres services municipaux un service de lecture publique représenté par la bibliothèque centrale et ses filiales en nombre variable. La création du « plus grand Londres » qui prendra une existence administrative en avril prochain (un nouveau conseil municipal de ce grand Londres remplaçant l'actuel L. C. C.) est destinée à faire coïncider de façon plus réaliste le Londres « métropolitain » et le Londres réel dont la majorité des 8 ooo ooo d'habitants vivaient jusqu'ici dans des « County boroughs » ou des « Municipal boroughs » dont le système administratif général différait de celui des « Metropolitan boroughs ». Les « boroughs » du nouveau Londres, s'ils ne seront guère plus nombreux que les 28 actuels, seront très sensiblement plus grands et plus équitablement peuplés 5, plusieurs des anciens « Metropolitan boroughs » - ou des anciens « County » et « Municipal boroughs » - réunis n'en faisant souvent plus qu'un, ce qui entraînera normalement la concentration des bibliothèques centrales des anciens « boroughs » une seule d'entre elles devenant la bibliothèque centrale du nouveau « borough » élargi. La naissance du nouveau conseil municipal, cependant, ne semble pas devoir changer grand chose à l'organisation générale du système des « Metropolitan libraries » qui resteront chacune, comme elles le sont aujourd'hui, un service municipal dépendant de l'autorité locale du « borough » dans lequel elles sont situées.

Nous avons dit que les « Metropolitan libraries » existant actuellement étaient au nombre de 30. Si elles sont 30 alors que n'existent que 28 « Metropolitan boroughs », c'est qu'elles ont l'honneur de compter parmi elles la « Guildhall Library » de la Cité - laquelle Cité a, cependant, son propre gouvernement qui ne relève en rien du L. C. C. - et qu'elles comptent aussi, quoique cela soit moins honorifique, la bibliothèque de Upper Norwood qui leur a été récemment rattachée mais se trouve dépendre à la fois du « Metropolitan borough » de Lambeth et du « County borough » de Croydon, exemple qui illustre bien la complexité du système administratif anglais et de l'administration municipale londonienne en particulier! L'ensemble des « Metropolitan libraries » cependant (celle de la Cité et celle de Upper Norwood, donc, mises à part) relèvent bien - ce qui semble leur donner une certaine unité - des « Metropolitan boroughs » qui constituent, nous l'avons vu, cette « Metropolitan area » ou Londres métropolitain, sur lequel s'exerce l'autorité du L. C. C. Mais cette autorité centralisatrice du L. C. C. se limite à des domaines précis (éducation, logement, etc.) laissant aux municipalités de chaque « borough » l'administration de nombreux autres secteurs. C'est ainsi que l'administration de la lecture publique relève entièrement (sauf en ce qui concerne l'enseignement professionnel des bibliothécaires, lequel entre dans le domaine de l'éducation réservé au L. C. C. !) de la municipalité de chaque « Metropolitan borough » 6.

Quel est donc, dans ces conditions, le lien entre les bibliothèques municipales londoniennes et pourquoi peut-on parler cependant des bibliothèques publiques de Londres et non de la bibliothèque de Chelsea, de celle de Westminster ou de celle de Kensington prise chacune isolément? Ce lien, ces liens plutôt, ce sont le « Metropolitan boroughs' standing joint committee » (chargé des problèmes de coopération entre les différents services municipaux qui échappent au L. C. C.) 7 et « l'Association of Metropolitan librarians » (permettant aux bibliothécaires de Londres de confronter leur expérience et d'étudier leurs problèmes communs) dont la constitution et les rapports, en quelque sorte empiriques, donnent finalement une cohésion certaine à un système qui, au premier abord, ne semble pas en avoir beaucoup. Nous verrons plus loin en quoi cette cohésion peut être précieuse, mais les « Metropolitan libraries » existeraient-elles indépendamment les unes des autres, chacune desservant son arrondissement, il n'en resterait pas moins que le Londres métropolitain offre actuellement à ses 3 500 000 citadins, 167 « points de lecture publique » dont 30 sont des bibliothèques qui ne comptent jamais moins de 80 ooo volumes et souvent plus de 200 000, et dont le stock total d'ouvrages s'élève à plus de 6 000 000 8.

Ces centres de lecture publique, largement ouverts à tous (il suffit d'habiter le quartier ou d'y travailler pour pouvoir emprunter gratuitement à la bibliothèque), jouent un rôle important dans la vie intellectuelle londonienne. Ils s'intègrent de façon rationnelle et infiniment souhaitable dans le cadre des autres bibliothèques existantes à Londres : bibliothèques spécialisées (« Royal Academy of Medecine », « of Architecture », « Lincoln's Inn Library » pour le droit, « Victoria and Albert Museum » pour l'art, et tant d'autres...) admirablement outillées dans leur spécialité mais ouvertes à un public restreint; bibliothèques universitaires destinées seulement aux étudiants, professeurs et chercheurs, ou encore bibliothèques payantes, donc réservées à une certaine catégorie sociale de lecteurs, comme la vénérable - et très riche - « London Library » de St James Square. Un des buts essentiels des bibliothèques municipales publiques de Londres, celui des bibliothèques centrales de chaque arrondissement en tout cas, est de permettre au lecteur non spécialisé mais curieux d'autre chose que de romans 9, de trouver, à proximité de chez lui, la documentation qui l'intéresse, sans se sentir frustrer de ne pouvoir s'adresser aux bibliothèques spécialisées et sans qu'il en soit réduit à aller occuper dans la salle de lecture du « British Muséum » une place qu'il est plus souhaitable de voir réserver à un chercheur pour lequel le « British Museum » est véritablement la source unique de documentation. Ce but, les bibliothèques publiques de Londres l'atteignent-elles vraiment ?

Nous avons dit que la ville comptait 30 « Metropolitan public libraries » dont la plupart, 27 en tout cas (Chelsea, Upper Norwood, et la Cité mises à part pour diverses raisons d'administration ou de circonstances), ont une ou plusieurs filiales (« branch libraries ») suivant l'importance de l'arrondissement dans lequel elles se trouvent (Westminster, par exemple, a 7 filiales; Wandsworth dans le Sud-Ouest de Londres en a II; Stepney dans l'East End, le quartier pauvre, en a 5...).

Les « Branch Libraries » sont essentiellement des bibliothèques de prêt (romans et ouvrages de documentation classés suivant le système Dewey et placés sur des rayons d'accès libre). Les « Central libraries », par contre, ouvertes en général tous les jours de la semaine de 9 h à 20 h (à l'exception le plus souvent des mercredis ou des samedis où elles ferment plus tôt), à côté d'une salle de prêt plus spacieuse, mais similaire dans sa présentation à celle des « Branch Libraries », possèdent d'autres services. Elles offrent au lecteur londonien une salle de référence, le plus souvent très convenablement outillée 10 et où des tables permettent de travailler, une salle de périodiques où il est possible de s'asseoir et de lire, une salle de musique (ou, en tout cas, un service de prêt de disques) et, naturellement, une bibliothèque pour enfants 11.

Ces différents services se partagent l'activité quotidienne des bibliothèques centrales mais nombre d'entre elles ne limitent pas là leur souci d'être un centre culturel. Sous l'impulsion de certaines municipalités qui votent des crédits supplémentaires à la bibliothèque dans ce but (et lui rattachent le personnel compétent), les bibliothèques qui dépendent d'elles organisent des concerts ou des pièces de théâtre (Hackney, Holborn, St Pancras Arts Festival; Lewisham Music and Drama Festival) ou présentent en permanence des expositions de peinture ou de sculpture (« Kensington Art Gallery »). C'est ce que les bibliothèques anglaises, dans leurs rapports annuels, appellent « extension activities », ne serait-ce, pour certaines, que pour signaler qu'elles n'en ont pas.

Si les bibliothèques centrales sont ainsi, pour chaque « borough », un centre vivant où chacun (et il suffit de passer une demi-heure dans une de ces bibliothèques municipales pour voir à quel public divers on a à faire) peut venir chercher des livres, des disques ou de la documentation, ou encore s'installer pour travailler quelques heures dans un cadre confortable et calme, un système de coopération entre les bibliothèques, sous l'impulsion du « Metropolitan boroughs' standing joint committee » avec l'accord des différents « boroughs », a tenté depuis quelques années de rendre leurs services encore plus efficaces.

Il est admis, d'abord, que, munis des tickets d'emprunt délivrés par la bibliothèque du quartier où on habite, on peut aller soi-même emprunter des livres dans n'importe quelle autre bibliothèque de la ville. Votre propre bibliothèque par ailleurs, est toujours prête à obtenir pour vous d'une autre « Metropolitan Library » ou d'ailleurs l'ouvrage qui n'existerait pas sur ses rayons. Ici, intervient, à côté de l'institution plus générale de la « National Central Library », celle très précieuse du « London union catalogue » (L.U.C.) dont on sait que, créé en 1929, et tenu à jour depuis 1934 sous la responsabilité du « Metropolitan boroughs' library committee », il permet de savoir ce que possède chacune des bibliothèques publiques de Londres en ouvrages autres que les romans 12.

Dans le cadre de cette coopération entre les « Metropolitan public libraries », et de façon que le fonds londonien couvre aussi systématiquement que possible l'ensemble de la production imprimée sans cesse croissante, il a été décidé, en 1948, d'attribuer à chacune des bibliothèques centrales certains sujets particuliers. De ooo à 999, la classification Dewey a ainsi été divisée en 29 sections de plus ou moins grande importance ou, plus précisément, chacune des 29 13 bibliothèques s'est vu attribuer quelques-unes des sections de cette classification. Dans certains cas le fonds spécial de la bibliothèque est essentiellement consacré à une seule matière (« Hammersmith Library » est surtout connue pour son fonds d'ouvrages de droit, quoiqu'elle soit spécialisée aussi en langues slaves; St Marylebone pour son fonds médical; Kensington pour la philologie et les biographies...), d'autres fois une bibliothèque se voit attribuer différentes sections (St Pancras a ainsi la charge de 619; 712; 889; Southwark de 590; 839; 870 à 888; 913.3; 930 à 939, etc..). Pour les romans et les pièces de théâtre, un système du même ordre a été mis sur pieds (le « Metropolitan joint fiction reserve»), chacune des bibliothèques ayant accepté de rassembler et de conserver les romans et les pièces de théâtre dont le nom des auteurs commence par certaines lettres qui leur ont été attribuées 14. La plupart des bibliothèques centrales, par ailleurs, outre les romans en langues étrangères largement pratiquées (français, allemand, espagnol, italien) qu'elles achèteraient normalement, se spécialisent dans les achats de romans en langues plus rares (Battersea, Fulham, Finsbury en russe; Bermondsey en finnois et suédois; Camberwell en hollandais; Hackney en roumain; St Pancras en grec moderne; Stepney en yiddish). Mais il faut bien souligner que, tant pour les ouvrages de documentation que pour les romans, cette spécialisation n'est pas faite au détriment de l'équilibre général du fonds de la bibliothèque et qu'en aucun cas le but n'est de créer des bibliothèques publiques strictement spécialisées. Il s'agit simplement de s'assurer, dans la mesure du possible, qu'un exemplaire au moins de chaque ouvrage de quelque intérêt 15 est acheté ou conservé dans l'une ou l'autre des bibliothèques publiques de la ville et pourra, par le système du prêt entre bibliothèques, être mis à la disposition du lecteur qui en ferait la demande en quelque point de Londres que ce soit. Ce but semble être atteint dans la mesure du possible si l'on en croit les statistiques des services du « London union catalogue » qui constatent que, pour l'année 1963, 96 % des demandes de livres faites par leur intermédiaire ont obtenu satisfaction quoique le nombre de ces demandes ait sensiblement augmenté par rapport à 1962.

Car il est intéressant de souligner que l'opinion quasi unanime des bibliothécaires concorde avec les chiffres pour témoigner qu'à Londres en tout cas le besoin de lecture du public va en augmentant : 23 921 266 ouvrages sortis en 1946-1947; 3I 728 342 en 1952-1953; 34 434 025 en 1962-1963 (ainsi, pour cette même année, que 945 949 disques) et il s'agit ici uniquement des ouvrages prêtés à l'extérieur et non des livres de référence consultés sur place dont le nombre peut difficilement être évalué. Cette constatation est réconfortante dans un pays où la télévision, dont on a tellement dit qu'elle risquait d'être la mort de la lecture, a un si grand nombre d'adeptes. En fait il semble que la télévision, si elle fait, peut-être, une certaine concurrence aux romans (en tant que distraction pure, avec cependant ce correctif que, comme le cinéma, elle peut, en contrepartie, rendre populaire un titre ou un auteur de roman qu'on aura, grâce à elle, envie de lire) suscite souvent aussi dans le domaine documentaire la curiosité du public 16. Encore faut-il pour que cette curiosité soit satisfaite qu'emprunter le livre qui y aidera ne soit pas une entreprise insurmontable. Les bibliothèques publiques anglaises, celles de Londres en particulier, se sont trouvées là au moment voulu pour répondre à une demande dont il était difficile de prévoir l'importance. On ne peut que s'en réjouir pour les Anglais en leur enviant un peu un système qui peut assurer au moindre habitant d'une aussi grande ville que Londres un service de lecture publique d'une aussi évidente efficacité.

Cette efficacité si elle est indéniable pourrait sans doute être encore plus grande et une enquête comme celle faite par Brian Groombridge dans 7 « Metropolitan boroughs » de Londres, et publiée au début de cette année 17, prouve qu'il reste encore beaucoup à faire. Et d'abord auprès de ceux qui ne connaissent pas encore le chemin des bibliothèques publiques, ou l'ont oublié 18, et pour lesquels une campagne de publicité systématique devrait être faite avec des moyens plus modernes que ceux jusqu'ici employés. Parmi les usagers habituels de ces bibliothèques, peu, à vrai dire, se plaignent même s'ils déplorent quelquefois de ne pas toujours trouver ce qu'ils cherchent ou d'avoir à attendre trop longtemps un ouvrage venant d'une autre bibliothèque. Mais nombre de bibliothécaires savent que bien des choses pourraient être encore améliorées. Les crédits alloués par leur municipalité respective ne leur paraissent souvent pas assez importants pour assurer de façon tout à fait satisfaisante la bonne marche et le développement des services qui leur sont confiés. Des problèmes se posent certainement, très réels, et d'abord celui de la difficulté du recrutement d'un personnel qualifié, surtout pour les départements de prêts plus sacrifiés actuellement que ceux de référence. Les salaires relativement bas découragent, en effet, les candidatures et obligent de plus en plus dans de nombreux cas à confier certaines « branch libraries » à des assistants trop jeunes et souvent inexpérimentés. Le problème des locaux les préoccupe aussi, trop exigüs souvent - parce que souvent anciens - et pas suffisamment « pensés » de façon rationnelle (quoiqu'un gros effort ait déjà été fait dans ce sens par différentes municipalités 19). Mais ces difficultés ne sont pas propres à la ville de Londres et les responsables londoniens des « Metropolitan public libraries », comme leurs collègues de province, espèrent que le nouveau « Public Libraries Act », réclamé et attendu depuis tant d'années par eux, apportera dans ce domaine un certain nombre d'améliorations nécessaires. Depuis 1957, un rapport sur les différents problèmes concernant les bibliothèques publiques et leur développement était en effet à l'étude en Angleterre. Connu sous le nom de « Robert's committee report », il a servi de base à l'élaboration de l'Acte qui doit prendre effet en avril, après avoir subi les amendements des deux chambres. Jugé trop timide par beaucoup de bibliothécaires, il a été en tous cas la preuve, par les polémiques qu'il a soulevées et le soin avec lequel il a été étudié, de l'intérêt porté en Grande-Bretagne à la lecture publique et aux problèmes qui s'y rapportent.

Dans le nouveau « Public Libraries Act », rien qui ne concerne spécialement les bibliothèques publiques londoniennes et ne puisse faire prendre un cours vraiment différent à leur développement à l'intérieur du système dont nous avons essayé de saisir le fonctionnement. Autonomie et coopération continueront à être les composantes de ce système. Autonomie des autorités municipales de chaque arrondissement continuant à présider aux destinées de leur service de lecture publique mais avec, peut-être, des disponibilités financières plus larges puisque chacun des « boroughs » sera plus vaste et plus peuplé - et ce sont ces disponibilités financières qui permettront à chaque bibliothèque d'obtenir des locaux plus grands, des bibliothécaires plus nombreux et mieux payés, une publicité plus efficace, des « extension activities » plus variées. Mais c'est à travers la coopération que l'avenir semble pouvoir être le plus riche de perspectives. Une coopération coordonnée, d'abord, sur le plan national, pour la première fois dans l'histoire des bibliothèques publiques anglaises, par l'obligation faite au secrétaire d'État de veiller au développement de la lecture publique, secondé dans cette tâche par deux conseils nationaux des bibliothèques 20 (« Library Advisory Councils for England and for Wales »). Mais sur le plan moins général de Londres, cette coopération, à côté de celle déjà existante, se manifestera dans un futur très prochain par la fusion du « London union catalogue » et du « South Eastern region union catalogue », élargissant ainsi le stock d'ouvrages accessibles au lecteur londonien et elle assurera aussi, sans doute, la création de cette bibliothèque centrale publique de référence, à la mesure de Londres, que le « Robert's Committee report » préconisait. Cette fusion des deux catalogues collectifs les mieux tenus à jour d'Angleterre - et son utilisation facilitée par les moyens toujours plus rapides de transmission -, cette création probable, un jour plus ou moins prochain, d'une grande bibliothèque publique de référence, semblent devoir faire de Londres, dans un avenir qui ne paraît pas utopique, un centre de lecture publique admirablement outillé et prêt à répondre aux multiples exigences de lecteurs déjà très nombreux et qui le deviennent de plus en plus, même s'ils ne le sont pas assez encore.

Rien, cependant, de vraiment spectaculaire dans ces perspectives d'avenir et, assez paradoxalement, c'est cela qui est, d'une certaine façon, remarquable. Non qu'on n'attende pas beaucoup encore, comme nous venons de le voir, des bibliothèques municipales publiques londoniennes mais cela veut dire simplement qu'on les sent solidement établies, maintenant, dans la vie de Londres, ayant déjà derrière elles des années d'expériences et de résultats tangibles et prêts à se développer, toujours plus, dans un cadre qui a fait ses preuves même si beaucoup de bibliothécaires ne le trouvent, bien sûr, pas parfait. Le temps de l'aventure est passé pour elles, la nécessité de leur présence n'est plus mise en doute par personne et si la lecture publique n'est pas encore reconnue d'utilité sociale au même titre que l'hygiène ou l'éducation, elle s'est, sans retour possible, imposée dans l'esprit du public et il semble qu'il n'y ait pas une municipalité londonienne qui ne soit de plus en plus consciente de l'importance et de l'utilité des services que rendent les bibliothèques dont elle a la responsabilité.

  1. (retour)↑  In : Library Association Records. Avril 1964, p. 17I.
  2. (retour)↑  Les municipalités d'aujourd'hui, si elles financent encore entièrement sur leur budget local les services de lecture publique appliquent heureusement cette règle de façon moins stricte 1
  3. (retour)↑  Qui, jusqu'en 1900, étaient autant de paroisses locales.
  4. (retour)↑  Un « borough » correspond - très approximativement - du point de vue administratif et géographique à un arrondissement de nos grandes villes.
  5. (retour)↑  Il y aura 32 boroughs de 250 ooo habitants environ chacun, au lieu des 116 de population tout à fait inégale qui occupaient jusqu'ici la même superficie. Les z8 « Metropolitan boroughs » qui étaient le noyau central de ces 116 anciens « boroughs » seront regroupés en 12.
  6. (retour)↑  C'est ce qui explique que la transformation du L.C.C. en conseil municipal du grand Londres n'aura que très peu de répercussions en ce domaine.
  7. (retour)↑  Et ayant parmi ses différentes commissions consultatives une commission des bibliothèques : le « Metropolitan boroughs library committee » dont l' « Advisory Body of librarians » a été d'abord créé en 1934 pour assurer la continuité du « London union catalogue » dont la responsabilité financière passait du « Carnegie Limited Kingdom Trust » aux « Metropolitan libraries » elles-mêmes.
  8. (retour)↑  Statistique au Ier mars 1963 (cf. Public Library Statistics, 1962-1963 publié par la « Library Association »). 3 746 338 en 1947. Les statistiques pour 1963-1964 ne sont pas encore publiées.
  9. (retour)↑  Qu'il doit pouvoir choisir naturellement aussi sur les rayons de cette même bibliothèque.
  10. (retour)↑  La « Guildhall Library » qui est, nous l'avons dit, uniquement une bibliothèque de référence a 145 344 ouvrages. La Bibliothèque de référence de Westminster en possède, elle, 124 383... Les autres, entre 10 et 70 ooo. L'accès aux salles de référence est entièrement libre. Le paragraphe 75 du rapport du Comité de travail chargé par le Ministère d'étudier le « Robert's Report » juge cependant qu'aucune des bibliothèques municipales de Londres n'a la bibliothèque de référence nécessaire aux besoins de sa population.
  11. (retour)↑  Les « Branch Libraries » prêtent aussi des livres aux enfants et possèdent quelques ouvrages fondamentaux de référence. Dans certains cas, comme pour Westminster, par exemple, les bibliothèques d'enfants sont dans des locaux distincts situés dans les rues les plus paisibles de ce quartier spécialement animé de Londres de façon que les enfants puissent y venir seuls sans avoir de rues trop dangereuses à traverser. Il existe aussi, dépendant des bibliothèques centrales, des services de prêts aux écoles, aux hôpitaux, aux prisons et aux gens qui ne peuvent se déplacer.
  12. (retour)↑  Seuls les romans en langues étrangères figurent dans ce catalogue dont la compilation est financée par une contribution (100 £ actuellement) de chaque « Metropolitan library ». Depuis 195I, il est parallèlement' tenu à jour une « London union list of periodicals » dont il est inutile de souligner l'intérêt.
  13. (retour)↑  Upper Norwood ne fait pas partie de ce système (appelé « Special collection scheme »).
  14. (retour)↑  Destiné à l'origine à rassembler autant qu'il était possible et à conserver des romans anciens ou épuisés, ce système est appliqué en général dans un sens beaucoup plus large actuellement, et les bibliothèques sont tenues de s'envoyer les unes aux autres suivant leur spécialisation les ouvrages peu demandés de leur fonds, ceci aussi bien dans le cadre du « Metropolitan joint fiction reserve » que dans celui du « Metropolitan special collection scheme. »
  15. (retour)↑  C'est le prix qui est le critère le plus général. Les ouvrages bon marché ne sont pas achetés automatiquement dans le cadre de ce fonds spécial.
  16. (retour)↑  La B.B.C. s'efforce d'ailleurs dans la préparation de certains de ses programmes de coopérer avec les bibliothèques publiques.
  17. (retour)↑  The Londoner and his library. Research Institute for Consumer Affairs, 1964.
  18. (retour)↑  Le clivage entre ceux qui utilisent ces bibliothèques et ceux qui n'y vont pas ne paraît pas être un clivage social quoique le plus ou moins de loisirs qu'on a, l'école quittée plus ou moins tôt, soient des facteurs qui jouent.
  19. (retour)↑  Holborn, Kensington et diverses « branch libraries » ces dernières années.
  20. (retour)↑  Paragraphe 1 du Public libraries and museums Act, 1964.