Le répertoire international des sources musicales

V. Fédorov

Importance de ce Répertoire dont l'idée remonte à 1949 et dont la rédaction est en cours depuis 1953.Ce Catalogue collectif de toute la musique écrite, imprimée ou gravée avant 1800 comprendra une liste alphabétique générale des noms d'auteurs, et une série méthodique. C'est le premier volume de cette deuxième partie qui vient de paraître pour les pièces de musique vocale et instrumentale parues en recueils de 1501 à 1700

La récente publication, en avril 1960, du premier volume de ce Répertoire consacré aux recueils imprimés des XVIe et XVIIe siècles 1, nous invite non seulement à attirer l'attention de nos lecteurs sur l'importance de cette publication, mais également à considérer le problème du Répertoire dans son ensemble, chose qui n'a pas encore été faite dans le présent Bulletin.

L'idée de s'attaquer, sur des bases largement internationales, à la rédaction d'un catalogue collectif de toute la musique, écrite, imprimée ou gravée avant 1800, qui se trouve encore dans les bibliothèques publiques et privées du monde, date des premières années d'après guerre. La musique avait déjà, il est vrai, grâce à un bibliographe et musicologue allemand, fait l'objet d'un inventaire de ce genre. Elle est même sans doute la première discipline à avoir possédé un tel instrument de travail 2. Mais, œuvre d'un seul homme, réalisée dans des conditions extrêmement difficiles, œuvre incomplète, depuis longtemps dépassée par le développement de la science, rendu passablement caduque par les vicissitudes des fonds et l'évolution de la catalographie, le Quellen-Lexikon de R. Eitner, ainsi que sa Bibliographie der Musiksammelwerke, appelaient une révision complète, une refonte, et surtout une vaste coopération internationale, seule capable de rendre cette gigantesque entreprise viable et efficace.

Cette refonte devint dès 1949 l'objet de multiples délibérations. On s'en occupa au 4e Congrès de la Société internationale de musicologie (S. I. M.) à Bâle 3, à la première réunion mondiale des bibliothèques musicales (Florence, novembre 1949) 4; des commissions furent formées. La chose prit une forme plus précise et plus concrète après le 3e Congrès international des bibliothèques musicales à Paris (juillet 195I), congrès constitutif de l'Association internationale des bibliothèques musicales (A. I. B. M.) 5. Les deux sociétés internationales intéressées (S. I. M.-A. I. B. M.) décidèrent de former une commission mixte, d'élaborer en commun un plan de travail : scientifique, technique, administratif, financier, et de solliciter l'aide de l'Unesco et des organismes scientifiques et administratifs nationaux, afin de pouvoir réaliser leur vaste projet.

En janvier 1952, date de la première réunion officielle de la Commission internationale mixte du R. I. S. M. 6, ce plan fut définitivement approuvé et l'aide de l'Unesco temporairement assurée. Le plan, qui fut publié dans une série de communiqués 7, divise l'ensemble de la publication en deux séries : la grande série alphabétique générale par noms d'auteurs; la série méthodique, qui doit comprendre des volumes consacrés aux recueils imprimés (XVIe-XVIIIe siècles), aux recueils manuscrits (id.), aux manuscrits de la musique monodique et polyphonique du moyen âge, à la musique du luth, à la musique pour instruments à clavier, aux théoriciens du moyen âge, aux ouvrages imprimés sur la musique (avant 1800), aux livrets, aux périodiques musicaux, à la musique byzantine, à la musique de l'Inde, pour ne nommer que les volumes déjà prévus. Le travail devait s'effectuer simultanément sur deux plans, l'un national, l'autre international. Dirigées par des comités ou des délégués nationaux du R. I. S. M., des équipes spécialisées nationales, subventionnées par l'État ou un organisme scientifique, inventorient toutes les bibliothèques publiques et privées de leur pays et adressent leurs fiches, munies de sigles spéciaux correspondant au pays et à la bibliothèque inventoriée, à un centre de coordination et de recherches international, subventionné par l'Unesco. Le rôle de ce centre consiste à diriger l'ensemble du travail, à aider les équipes nationales dans leur tâche, à unifier le matériel reçu et à le préparer pour l'impression. Certains volumes, plus spécialisés, sont confiés pour leur rédaction à des spécialistes, qui, eux aussi, travaillent en contact étroit et sous la conduite du centre international.

Un premier centre international, chargé de la rédaction de la série méthodique, installé à Paris au département de la Musique de la Bibliothèque nationale et dirigé par notre collègue François Lesure, a commencé à fonctionner en mai 1953. Actuellement, 30 pays et près de I.000 bibliothèques participent effectivement à la rédaction du nouveau Répertoire ; 12 spécialistes sont chargés chacun de la rédaction d'un volume particulier. Les difficultés que la Commission internationale mixte et le secrétariat central parisien ont rencontrées et ont dû vaincre pour mettre sur pied, coordonner et rendre efficace le travail d'une telle entreprise furent évidemment immenses, les moyens matériels mis à leur disposition, évidemment aussi, très réduits. Ceci explique que l'on ait été obligé d'attendre cinq ans avant de pouvoir songer à confier, après une enquête internationale, à deux éditeurs de musique allemands, le « Bärenreiter-Verlag » à Cassel et le « G. Henle-Verlag » à Munich, la publication de l'ensemble du Répertoire, et sept ans pour voir paraître le premier volume de la série méthodique.

Encouragée par ce succès, lent mais sûr, la Commission internationale mixte décidait, dans sa réunion extraordinaire d'avril 1959 à Bâle, de ne pas attendre davantage et d'entreprendre immédiatement, et simultanément avec la série méthodique, la rédaction de la grande série alphabétique générale par noms d'auteurs. Elle installait à cet effet, en avril 1960, un second centre à Cassel, Allemagne, et lui confiait, sous la direction d'un jeune musicologue allemand, F. W. Riedel, cette nouvelle tranche du Répertoire.

Que nous apporte le volume déjà paru et que faut-il attendre des volumes à venir?

Le premier volume du Répertoire donne la liste de toutes les pièces de musique vocale ou instrumentale, profane ou religieuse, parues en recueils 8 de 1501 à 1700, avec leur localisation. Ces recueils sont classés chronologiquement. Chaque recueil comprend une description bibliographique complète, la liste des compositeurs représentés, le nombre de leurs œuvres, les dates, s'il y a lieu, des rééditions du recueil, les sigles des bibliothèques qui possèdent le recueil. Plus de 2.700 recueils sont ainsi inventoriés. Une table des éditeurs et des titres des recueils, une liste complète des sigles des bibliothèques, une préface retraçant l'histoire du Répertoire et une introduction technique accompagnent le volume. L'introduction, outre les précisions techniques qu'elle donne sur la définition du terme « recueil », la description bibliographique, le classement des recueils à l'intérieur d'une même année, passe en revue, l'un après l'autre, les comités nationaux du R. I. S. M. et fournit quelques détails sur leur façon de travailler.

La présentation du volume, tant au point de vue scientifique que typographique, est parfaite. Elle inaugure magnifiquement la série. Les inévitables lacunes et inexactitudes, dont d'ailleurs le responsable du volume est pleinement conscient 9 incombent aussi bien au secrétariat central parisien, qu'aux différentes équipes nationales. Les corrections indispensables feront, le moment venu, l'objet d'un supplément ou, si besoin est, d'une refonte plus considérable.

Un autre volume est sous presse, celui consacré aux manuscrits des théoriciens du moyen âge. C'est un des volumes confiés à des spécialistes, en l'occurrence le professeur J. Smits van Waesberghe et son assistant P. Fischer. Il donnera l'inventaire des manuscrits de théorie médiévale conservés par les bibliothèques de France, d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, des Pays-Bas et de Suisse. Suivront ensuite, dans l'ordre, les volumes de la même catégorie consacrés aux manuscrits polyphoniques du moyen âge, aux manuscrits des séquences et des tropes, à la musique byzantine, à la musique du luth, aux livrets italiens.

En ce qui concerne les volumes dûs à un travail collectif, ce sont les recueils du XVIIIe siècle, les écrits imprimés sur la musique avant 1800 et les divers dépouillements (par titres, par auteurs, par genres) des recueils du XVIe et du XVIIe siècles, qui, les premiers, verront le jour.

Quant à la grande série alphabétique générale, elle vient seulement d'être mise en chantier. Sa réalisation, si les conditions matérielles sont favorables, demandera une dizaine d'années et comprendra 20 à 25 volumes 10.

Le travail qu'aura nécessité l'établissement du Répertoire procurera automatiquement à chaque pays qui y aura participé un catalogue sur fiches de ses fonds nationaux de musique ancienne, et le Répertoire une fois achevé donnera aux bibliothécaires musicaux, aux musicologues, aux musiciens tout court, aux réalisateurs de disques de musique ancienne, aux innombrables radios dans le monde, aux simples amateurs enfin, un inventaire international complet de toute la musique ancienne que l'on possède encore.

Nous ne pouvons pas pour terminer, dans une revue spécialisée, ne pas mentionner le rôle de premier plan qui revient aux bibliothécaires musicaux, véritables artisans de cette entreprise, dans la rédaction de cet immense corpus. C'est sur leurs épaules que repose et reposera jusqu'au bout le fardeau : inventaires des fonds, rédaction des fiches, leur collation, leur unification, rédaction du manuscrit, correction des épreuves, ultimes vérifications. Cette tâche est énorme lorsque l'on songe à la dispersion des fonds musicaux, à la rareté de catalogues spécialisés, aux problèmes que posent les dépouillements, aux fausses attributions, etc... Le premier résultat de leurs efforts communs, ce volume qu'ils nous présentent aujourd'hui, est un témoignage remarquable de leur sens de l'organisation, de la précision et de la minutie de leur travail, et de l'intérêt constant qu'ils portent à leur métier.

  1. (retour)↑  R. I. S. M. Recueils imprimés. XVIe-XVIIe siècles. Ouvrage publié sous la direction de François Lesure. I. Liste chronologique. - München-Duisburg, G. Henle Verlag, 1960. - In-4°, 639 p.
  2. (retour)↑  Eitner (Robert). - Biographisch-bibliographisches Quellen-Lexikon der Musiker und Musikgelehrten der christlichen Zeitrechnung bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts. - Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1900-1904. - 10 vol. in-8° + des suppl. allant de 1904 à 1916.
    Id. - Bibliographie der Musiksammelwerke des XVI. und XVII. Jahrhunderts (ib, id., 1877).
  3. (retour)↑  Albrecht (Hans). - Zur Frage eines neuen musikalischen Quellen-Lexikons. (In: S. I. M., 4e Congrès. Bâle... 1949. Compte rendu. - Basel, Bârenreiter-Verlag, 1950.)
  4. (retour)↑  Fédorov (Vladimir). - L'Importance de l'apport français à une éventuelle refonte du Quellen-Lexikon de Eitner.
    Les délégués allemand, italien et suisse avaient également présenté des rapports.
  5. (retour)↑  Blume (Friedrich). - Die Frage eines internationalen Quellen-Lexikons der Musik; Zehntner (Hans). - A propos de la refonte d'un Répertoire international des sources musicales ; Hill (Richard S.). - The U. S. position on the International inventory of musical sources; Girardon (Renée). - Rapport sur la nécessité d'un nouveau Recueil international des sources musicales; tous publiés dans : A. I. B. M. - Troisième Congrès international des bibliothèques musicales. Paris... 1951. - Kassel, Bärenreiter-Verlag, 1953.
  6. (retour)↑  Rappelons que l'auteur du présent article, M. Fédorov, a été le promoteur de la constitution de cette Commission mixte et qu'il en est le secrétaire général depuis sa création (Note de la Rédaction du Bulletin).
  7. (retour)↑  R. I. S. M. Plans, rapports, communiqués, n° i et ss. - Kassel, Bärenreiter-Verlag, 1953.
    Le 8e Communiqué (décembre 1960) est sous presse. La plupart des revues spécialisées avaient parlé, elles aussi, du projet à cette même époque.
  8. (retour)↑  Tout volume qui a deux auteurs et plus.
  9. (retour)↑  Voir : p. 38 du volume.
  10. (retour)↑  Cette série, outre les oeuvres attribuées avec certitude à un auteur déterminé qu'elle répertoriera elle-même, contiendra tous les renvois aux auteurs mentionnés dans les volumes de la série méthodique. Un volume consacré aux œuvres anonymes de la même période (- 1800), accompagné de leurs incipit musicaux est également prévu.