Création d'une discothèque à la Bibliothèque nationale d'Alger
Un nouveau service a été créé, cette année, à la Bibliothèque nationale d'Alger, celui de la discothèque. Il fonctionne depuis le début de janvier 1960 et son activité présente, le succès qu'il rencontre auprès du public, prouvent qu'il correspondait à une nécessité flagrante sur le plan culturel.
Un ensemble de I.076 disques forme actuellement cette collection, présentant un éventail assez large des principaux chefs-d'œuvre musicaux ou littéraires. Les différents genres s'y trouvent représentés, répartis dans les catégories suivantes :
Musique classique et moderne. (Musique d'orchestre et de chambre, récitals, opéras)........ 848
Musique religieuse.................................... 30
Chant choral ......................................... 20
Folklore ............................................ 80
Poésie .............................................. 33
Littérature .......................................... 20
Théâtre ............................................. 26
Disques pour enfants .................................. 10
Divers .............................................. 9
A l'intention des auditeurs, plusieurs catalogues sur fiches ont été élaborés par Mlle Lamure, bibliothécaire chargée du service, laquelle s'est efforcée d'y introduire toutes les précisions nécessaires aux recherches des usagers :
Catalogue alphabétique, comprenant les auteurs (musiciens et littérateurs), les chefs d'orchestre et les interprètes.
Catalogue par genres : œuvres pour piano et divers instruments, musique d'orchestre, musique de chambre, chant choral, musique de scène et musique de ballet, musique militaire, negro-spirituals, Noëls, folklore, poésie, littérature, théâtre.
L'audition de ces disques a lieu deux fois par semaine, dans deux cabines spécialement aménagées et pouvant abriter chacune trois personnes. Chaque cabine renferme, outre un banc confortable, une tablette fixée au mur, permettant de prendre des notes et une lampe de chevet, au coquet abat-jour. On s'est d'ailleurs efforcé de donner à l'ensemble un aspect engageant : extérieur peint en gris perle, intérieur décoré en jaune, blanc et marron. Les deux cabines sont insonorisées, au moyen de plaques d'isorel et la fermeture hermétique des portes assure une étanchéité parfaite. L'aération est assurée grâce à des ventilateurs. Les disques sont manipulés dans une pièce attenante et par les soins d'une bibliothécaire, ce qui exclut tout danger de détérioration par les auditeurs. L'installation de l'ensemble est l'œuvre d'un ingénieur spécialisé, travaillant sur commande et d'après ses propres plans. Le son, diffusé par les haut-parleurs, est d'une qualité particulière, très supérieure à celle des appareils qu'on trouve dans le commerce.
Quelles catégories d'auditeurs fréquentent cette discothèque? Un public de jeunes, très sérieux, très attentif : élèves du Conservatoire, soucieux d'approfondir telle ou telle œuvre musicale à la lumière de l'interprétation d'un virtuose; étudiants cherchant à découvrir des chefs-d'œuvre jusqu'alors inconnus; tel autre amenant ses amis pour leur faire apprécier un disque qu'il a aimé, ou encore, pour choisir un nouvel élément pour sa discothèque personnelle; premiers prix du Conservatoire effectuant leur service militaire, heureux de reprendre contact avec les grands maîtres. Enfin, des cas touchants comme cet instituteur musulman qui amène, chaque jeudi, ses quatre enfants, pour, dit-il, « leur faire l'oreille et les habituer à la belle musique ».
Afin d'éviter les pertes de temps, chaque auditeur se fait inscrire à l'avance, pour une heure déterminée. Les intervalles libres - s'il y en a - sont toujours comblés par quelque étudiant, heureux de se délasser entre deux séances de lecture. Une salle d'attente, aux fauteuils confortables, a d'ailleurs été prévue, à proximité, pour le cas d'un éventuel décalage dans le programme.
Quels sont les goûts de cette jeunesse studieuse ? Quels sont les disques les plus demandés ?
Contrairement à toute attente, ce public de jeunes montre une prédilection marquée pour la musique classique : Beethoven et Mozart viennent en tête, puis, dans l'ordre des préférences, Tchaïkovsky, Bach, Wagner, Chopin, Brahms, Vivaldi, Dvorak, Schubert, Prokofieff, Gershwin. Le record de la demande est détenu par Beethoven, avec la Symphonie pastorale et la IXe, et par Mozart, avec les Concertos pour piano et orchestre.
On note une relation bien compréhensible entre les demandes de disques et les émissions radiodiffusées de France V. Avant ou après le concert du mercredi, on vient écouter les œuvres figurant au programme. Les notices imprimées sur les pochettes de disques ou les brochures les accompagnant sont lues avec soin. Certains spécialistes ne manquent pas de nous demander à l'avance les partitions correspondantes, afin de mieux apprécier les richesses de composition des œuvres enregistrées.
Outre ces auditions individuelles, nous nous proposons d'organiser, à la rentrée prochaine, des séances d'auditions collectives en utilisant la chaîne de haute fidélité récemment acquise (musique d'orchestre et de chambre, opéras, récitals). Une salle appropriée est actuellement en cours d'aménagement, et plusieurs critiques musicaux nous ont déjà assuré leur concours pour la présentation des œuvres. Nul doute que cette formule ne rencontre la faveur d'un public plus nombreux et sans doute d'âge plus varié.
Bibliothèque de partitions musicales.
La Bibliothèque nationale d'Alger dispose, par ailleurs, d'une importante collection de partitions musicales, mises en dépôt par la Société des beaux-arts et lettres d'Alger. Cette société, fondée en 185I, joua un rôle très important à Alger, avant la création du Conservatoire et des différentes associations artistiques existant actuellement. Des musiciens célèbres - Saint-Saëns, entre autres - venaient y organiser des concerts et un enseignement des différentes branches de la musique y était dispensé au public algérois. A la faveur de ces circonstances, une collection d'environ 22.000 partitions a pu être constituée (musique d'orchestre et de chambre, instruments, opéras). A cet ensemble, déposé à la Bibliothèque nationale en 1959, viennent s'ajouter les nouvelles acquisitions effectuées sur les crédits de la bibliothèque, qui portent à 22.371 le chiffre actuel des partitions mises à la disposition du public. Une salle spéciale est réservée à la consultation, le prêt restant limité à des cas exceptionnels.
Ajoutons qu'un certain nombre d'ouvrages d'histoire de la musique sont achetés chaque année et viennent prendre place dans le fonds général de la bibliothèque où le lecteur peut facilement les consulter, grâce au catalogue matières. Il en est de même des revues musicales.
Partitions, disques, livres et revues forment un ensemble cohérent où spécialistes et amateurs de musique - nombreux en ce pays - peuvent trouver à la fois une somme de connaissances appréciables et une immense source de joies.