La conférence internationale de Francfort sur les « applications de la documentation automatique »
9-12 juin 1959
Éric de Grolier
L'automatisation de la documentation est, décidément, à l'ordre du jour. Peu de jours avant l'ouverture, à Paris, du grand congrès organisé par l'Unesco sur le traitement numérique d'informations, la Fédération internationale de documentation réunissait à Francfort une conférence internationale sur les applications de la documentation automatique. Remarquablement organisée par les soins du Dr Pietsch, président du Comité FID/S (Sélection) et directeur de l'Institut Gmelin, et du Dr Soeken, secrétaire général de la « Deutsche Gesellschaft für Dokumentation », avec le concours du « Gemeinschaftsausschuss der Technik », cette réunion groupa 230 participants inscrits, dont environ les deux tiers de l'Allemagne fédérale (157), les autres provenant de II pays (Pays-Bas, 15; Suisse, 14; États-Unis, 13; France, 10; Allemagne de l'Est, 5; Autriche, 3; Belgique, 2; Afrique du Sud, Angleterre, Argentine, Brésil, 1 chacun) et de deux organisations internationales (Euratom, 5; Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne, 2 : le Dr Nikitine, précédemment directeur-adjoint de l'Institut d'information scientifique de l'Académie des sciences de l'U.R.S.S., et le Dr Sheel, précédemment directeur de l'Insdoc à New Delhi).
Sur les 19 rapports présentés, 8 étaient américains, 6 allemands, 3 français et 2 hollandais. Un certain nombre d'entre eux (Kuipers, Luhn, Tasman, pour les américains; les hollandais; J. Samain) reprenaient, pour un nouveau public, des études déjà connues par ailleurs. Les rapports allemands, dans leur ensemble, avaient le caractère de comptes rendus d'expériences faites sur diverses machines, IBM ou UNIVAC, en particulier pour la documentation des brevets (Busch), des alliages non ferreux et de l'énergie atomique (Schneider). Mrs. Brownson illustra le programme de la « National science foundation » en matière d'information scientifique dans la nouvelle perspective que lui donne la création, auprès de cet organisme, du « Science information service »; Andrews apporta des précisions sur les recherches nouvelles du « U.S. Patent Office » quant à la catégorisation automatique des concepts et des relations en chimie; Lowry décrivit les expériences de la Bell en matière de documentation; Opler examina les incidences sur les méthodes de recherche d'informations des développements en cours qui conduisent à des calculatrices de plus en plus puissantes et rapides; un très remarquable rapport de Mooers étudia l'organisation d'un ensemble complexe de machines (sur l'exemple des machines Magnacard) qui devrait satisfaire aux conditions particulières imposées par la sélection des informations. Le rapport Grolier, de caractère général, envisageait les caractéristiques paraissant désirables pour les équipements, d'une part, et pour les méthodes de codification, d'autre part. Enfin, un des exposés les plus intéressants et les plus neufs était celui de Braffort sur les « stratégies optimales pour la recherche automatique des informations » faisant suite au rapport antérieur du même auteur, en collaboration avec A. Leroy, édité par le Commissariat à l'énergie atomique 1.
En dehors des rapports proprement dits, et les complétant, il y eut une douzaine de démonstrations sur machines, principalement IBM (notamment Ramac et 705), mais aussi sur l'Univac Fac Tronic 1 du « Battelle Institut » et sur Filmorex. Leur intérêt était incontestable, mais il est permis sans doute de penser qu'il ne s'agit encore que d'expériences à caractère limité; on eut parfois l'impression - avec surtout les grandes calculatrices types 705 et Fac Tronic 1 - qu'elles étaient quelque peu comparables à l'opération qui consisterait à employer une presse de 3.000 tonnes pour casser une coquille d'œuf... En fait, comme l'a bien montré le rapport de Mooers, ces grandes machines ne sont pas, dans leur état actuel, conçues pour exécuter des travaux de sélection de documents, et leur emploi dans ce domaine n'est donc pas économique; les études qui sont faites en vue de leur application à cet usage jouent cependant un rôle de pionnier.
La Conférence de Francfort - dont les animateurs doivent être remerciés pour sa parfaite organisation, comme pour la très remarquable hospitalité avec laquelle ils accueillirent les participants - aura été certainement une étape importante sur la voie qui mènera, d'ici peu d'années croyons-nous, à l'automatisation pratique de la recherche d'informations.