La conférence internationale sur l'information scientifique

Washington, 16-21 novembre 1958

Éric de Grolier

Il y a dix ans, en 1948, la « Royal society » de Londres avait convoqué dans cette ville une Conférence sur l'information scientifique 1, faisant suite à une réunion, tenue deux ans plus tôt, de savants provenant des diverses parties de ce que l'on appelait encore l'Empire britannique. La conférence de la Société royale n'était pas véritablement « internationale » ; cependant, à côté de nombreux représentants du Royaume-Uni et des Dominions, elle comportait une délégation des États-Unis, et quelques personnes venues d'autres pays. Du fait de la valeur des contributions qui y furent présentées, comme de l'intérêt qui s'attachait au sujet même des discussions, elle eut un retentissement durable, également en dehors des pays anglo-saxons. La Conférence internationale sur l'information scientifique de Washington, objet du présent compte rendu, peut être considérée comme tirant ses origines de la Conférence de la Société royale.

En 1949, en grande partie comme suite aux débats d'un des « groupes de travail » de la Conférence de Londres, l'Unesco avait convoqué une Conférence internationale sur l'analyse de documents (abstracts) scientifiques 2 ; un « Comité consultatif provisoire pour les comptes rendus analytiques et scientifiques » fut chargé de suivre, au sein de l'Unesco, les questions débattues lors de la conférence de 1949. Il devait être assisté, d'une part par des comités nationaux, d'autre part par des comités spécialisés dans différents domaines, dont en fait un seul fut constitué, pour les sciences biologiques et médicales; ce n'est pas le lieu ici de faire l'historique de ces différents comités, et il suffira de noter que le premier nommé fut transformé ultérieurement en « Comité international consultatif pour la documentation et la terminologie des sciences pures et appliquées », plus connu sous le sigle de « IACDocTerPAS », abréviation de sa dénomination en anglais. Ce Comité, dès sa première réunion (février 1954), avait envisagé comme souhaitable l'organisation d'une conférence internationale sur la recherche rétrospective des documents scientifiques (en anglais « International conference on scientific information », ICSI) et avait ensuite fait préparer par l'auteur de ces lignes un rapport préliminaire, publié en août 1955 3. A sa deuxième réunion, tenue à Londres les 17-19 novembre 1955, le « IACDocTerPAS » devait prendre une décision sur la convocation de la conférence envisagée, mais il fut saisi par l'un des experts américains présents d'une proposition tendant à placer sous le patronage de l'Unesco une conférence sur la recherche de la documentation, dont le projet avait été entre temps formé au sein de l' « American documentation institute ». Après un assez long débat, « IACDocTerPAS » recommanda que le Directeur général de l'Unesco accepte l'offre de l'A. D. I., en demandant à celle-ci de faciliter financièrement la venue aux États-Unis pour la Conférence d'experts non-américains, et en lui envoyant le rapport Grolier à titre de document de travail préparatoire ; il recommanda également que « les travaux de la conférence soient facilités par l'activité de comités de travail établis dans différents pays ou régions ».

Le projet de l'A. D. I. trouva aux États-Unis un accueil favorable, en particulier auprès de la « National Academy of Sciences », dont le président, le Dr Detlev W. Bronk avait été délégué par l'Académie à la Conférence de la « Royal society », et auprès de la « National science foundation ». Il se concrétisa au cours du printemps et de l'été 1956 et fut mis au point le II novembre 1956 au cours d'une réunion à laquelle le Dr Alexander King représentait à la fois l'Unesco et la Fédération internationale de documentation. Un Comité exécutif fut formé, composé de délégués de l'A. D. I., de la « National academy of sciences », de la « National science foundation » (le Dr Alberto F. Thompson, chef du Bureau pour l'information scientifique et technique, qui fut le secrétaire exécutif de la Conférence, jusqu'à ce qu'une mort soudaine vint malheureusement priver celle-ci, en juin 1957, d'un très remarquable animateur), des « University microfilms » et de l'attaché scientifique australien à Washington; un Comité dit du Programme, comprenant huit spécialistes américains, eut pour tâche de choisir les rapports et les membres des sept « groupes de discussion » (« discussion panels ») chargés d'orienter les débats sur les sept groupes de questions à l'ordre du jour de la Conférence. Ce Comité prit des contacts avec près d'un millier de rapporteurs possibles, dans le monde entier. Cependant, il ne semble pas que la sage suggestion du « IACDocTerPAS », quant à la constitution de « comités de travail » nationaux ait pu être suivie, ailleurs qu'en Grande-Bretagne, où la « Royal society », par l'intermédiaire d'un comité ad hoc, organisa, de manière fort efficiente, la participation anglaise 4. En outre, en dehors de son patronage moral, l'Unesco ne collabora finalement qu'assez peu à l'organisation de la Conférence, facilitant seulement, par des contrats, la rédaction de trois rapports (deux de B. C. Vickery et un d'Elin Törnudd). Enfin, en dehors des États-Unis et de l'Angleterre, un certain nombre de rapporteurs pressentis ne purent respecter les délais très strictement fixés par le comité américain du programme - ou bien crurent que, comme il arrive fréquemment, il serait possible de trouver des accommodements, de faire quelque entorse à la règle... mais tel ne fut pas le cas 5.

L'intention du Dr Thompson avait été de limiter à quelque 150 le nombre des rapporteurs et des participants à la discussion et, semble-t-il, de répartir ceux-ci en autant de groupes de travail qu'il y avait de groupes de questions à l'ordre du jour (sept); à la fin, aurait eu lieu une discussion générale sur la base des résultats obtenus par chaque groupe. Un fait inattendu vint bouleverser l'ordonnance de ce qui aurait dû être une conférence de travail, restreinte et composée, pour chaque domaine à étudier, de spécialistes particulièrement compétents discutant entre eux : ce fut l'affluence des demandes d'admission. Près de 2.000 citoyens des États-Unis, qualifiés de par leurs fonctions ou leurs études, demandèrent à participer à la Conférence; la capacité maximum de la plus grande salle de l'Hôtel Mayflower étant de mille, on refoula un millier de postulants tardifs. Il y eut néanmoins 948 participants inscrits, dont 811 des U. S. A. (85,2 %), 40 Anglais (4,2 %), 51 d'autres pays de l'Europe occidentale (5,4 %, dont 15 Français, soit 1,5 %), 10 de l'Europe orientale (1,1 %), 16 Canadiens, 5 d'Amérique latine, 10 d'Asie et 5 de dominions anglais d'Afrique ou d'Océanie.

Sur ce millier de « participants », il n'y avait cependant que 164 auteurs et membres des « discussions panels » ayant droit à la parole 6, mais ceux-ci furent, en quelque sorte, « en représentation » devant quelque 800 auditeurs muets. Comme tout le monde assistait à l'ensemble des débats sur les sept sections du programme, chacun des groupes de discussion (sauf le 5e, pour lequel deux séances avaient été prévues, et le 6e, qui tint une séance officieuse supplémentaire) eut à sa disposition une séance de deux heures quarante-cinq : le temps de faire parler chaque membre du « discussion panel » (ils étaient, selon les groupes, de 9 à 13, avec une moyenne de 11,6), de laisser les auteurs des rapports placer quelques remarques ou explications, et l'on voit qu'il restait assez peu de marge pour un examen approfondi des multiples problèmes étudiés. Il y eut aussi quelques difficultés linguistiques : l'anglais était la seule langue officielle de la Conférence, ce qui était gênant pour beaucoup de Français (y compris ceux qui croyant être à l'aise dans un débat en anglais, avaient négligé de tenir compte des difficultés particulières tenant à la prononciation américaine, ou plutôt aux prononciations spéciales des orateurs de différentes régions des États-Unis) et, sans doute, pour d'autres délégués; il n'y avait pas de service de traduction vraiment efficace.

Les 75 rapports présentés à la Conférence avaient été imprimés en un volumineux recueil de bonnes feuilles (« preprints ») : 1.420 pages; 2,72 kg. Malheureusement, beaucoup de participants étrangers le reçurent très tardivement, ou le trouvèrent seulement au secrétariat de la Conférence à leur arrivée; l'assimilation d'une documentation aussi copieuse en quelques jours (ou quelques heures) représentait un effort vraiment considérable.

Les membres des « discussion panels » avaient, eux, reçu les épreuves des rapports de leur propre groupe au fur et à mesure de leur composition; leur tâche principale consista à en dégager les principaux enseignements pour l'ensemble des auditeurs. Les séances de travail, dans ces conditions, ne pouvaient pas apporter beaucoup d'éléments nouveaux par rapport aux travaux des rapporteurs, et de ce fait un certain nombre de participants eurent l'impression, à tort ou à raison, de « rester un peu sur leur faim » : : il était difficile de s'évader des généralités et d'aborder de manière précise des points précis. Mais le véritable intérêt d'une vaste conférence telle que l'ICSI réside sans doute ailleurs : dans le rassemblement même qu'elle opère entre un si grand nombre de personnes venues d'horizons si divers, dans les contacts privés qui s'établissent entre eux, dans les visites que l'on peut faire à cette occasion - et, de ce point de vue, la Conférence fut incontestablement un succès.

Il n'est pas question de pouvoir résumer ici, même brièvement, l'ensemble des communications faites à la Conférence, ni d'indiquer tout ce que les participants ont pu voir d'intéressant, soit à l'exposition de matériel organisée à côté de la salle de réunion, soit au cours des visites faites à diverses institutions gouvernementales de la capitale américaine remarquablement actives en matière d'information scientifique. Je tâcherai seulement de donner une impression d'ensemble sur les principales questions débattues.

La première section était consacrée à l'étude des « besoins des chercheurs en matière de documentation »; elle devait faire le point des connaissances actuellement acquises à cet égard et des méthodes utilisées pour obtenir ces connaissances. Sur les 13 rapports présentés, on en comptait 6 des U. S. A., 5 de Grande-Bretagne, 1 tchèque et 1 suédois 7

Le rapport tchèque, quelque peu décevant, décrivait simplement un questionnaire utilisé à l'Institut de recherches sur les matériaux de Prague pour connaître, au début de chaque année, les sujets indiqués par chaque chercheur comme l'intéressant plus particulièrement et pour suivre en cours d'année les éléments de documentation lui étant fournis. Le rapport suédois d'Elin Törnudd, secrétaire du Conseil scandinave pour la recherche appliquée, donnait une utile bibliographie annotée des études antérieures (où manquaient cependant les références à l'enquête préparée par Mlle Salvan pour l'Unesco, ainsi qu'à celles de l'Institut textile de France et de l'Institut Doxa italien), et les résultats d'une enquête poursuivie au Danemark et en Finlande auprès de 200 jeunes chercheurs. Sur les 11 rapports anglo-saxons, celui de l'éminent physicien Bernal doit être mis à part, comme l'expression de vues personnelles, souvent très intéressantes et lucides, sur l'organisation d'ensemble du système d'information scientifique, et il faut également détacher l'étude de Halbert et Ackoff, très neuve de par sa méthode, consistant à faire observer 1.500 chimistes choisis par échantillonnage statifié dans 10 régions métropolitaines des États-Unis, chacun de ces chimistes étant l'objet de deux observations par jour pendant neuf jours consécutifs, en vue de connaître d'une manière objective la répartition de son temps de travail entre un certain nombre d'occupations, et en vue, ultérieurement, d'étudier comment l'on pourrait augmenter le temps disponible pour la recherche proprement dite. Cette étude a mis en lumière l'importance des activités de « communication » (49,8 % en moyenne du temps disponible) des chercheurs par rapport à leurs activités de caractère expérimental (36 %) ou diverses (14,2 %); parmi les activités de communication, on note l'importance des communications orales (19,4 %) par rapport aux communications écrites basées sur des textes non publiés (9,5 %) ou publiés (4,9 %). Une autre étude (S. et M. Herner) analysait 4.696 demandes de renseignements posées à 14 organismes américains travaillant dans le domaine de l'énergie atomique, en vue de déterminer le nombre de concepts impliqués dans la formulation des questions et les types logiques de celles-ci. Une enquête d'Urquhart portait sur la fréquence d'utilisation des périodiques de la « Science library » de Londres; l'analyse des 87.255 prêts ou consultations sur place faits en 1956 a conduit, en particulier, à constater que, sur 9.120 périodiques possédés par cette bibliothèque, 4.821 n'ont fait l'objet d'aucune demande au cours de cette année; l'auteur conclut que peut-être les 3/4 des périodiques en cours reçus par sa bibliothèque sont si peu utilisés qu'un seul exemplaire disponible en prêt suffirait pour tout le Royaume-Uni. Deux enquêtes différentes, mais toutes deux réalisées dans le cadre du Commissariat anglais à l'énergie atomique, avaient utilisé concurremment la méthode des interviews et celle des relevés de leurs lectures tenus par les chercheurs eux-mêmes; quatre autres (une anglaise et trois américaines) étaient basées sur des interviews seulement. L'une (Glass et Norwood, Université John Hopkins) avait demandé à 5o savants comment ils avaient eu connaissance de travaux considérés par eux comme importants pour leurs propres études; une autre (Menzel, Université Columbia) avait eu pour but de connaître l'importance des informations obtenues par des voies indirectes et « accidentellement » par 77 biologistes, chimistes et zoologistes; les deux dernières étaient de caractère plus général. Les principaux résultats de ces diverses enquêtes concordent assez bien; ils illustrent l'importance des sources d'information orales, l'utilisation relativement limitée des bibliographies analytiques et encore plus limitée des comptes rendus annuels (« reviews »), l'intérêt que présente en général la consultation rapide (« scanning » - feuilletage) des derniers numéros des revues, le pourcentage élevé de chercheurs qui tiennent un fichier d'information personnel. De l'enquête de Christopher Scott sur 1.082 techniciens anglais des industries électriques et électroniques, une des plus importantes, ressortent quelques conclusions particulières, notamment sur le fait que la principale fonction de la littérature technique est de servir non pas comme source de documentation pour consultation ultérieure, mais comme « stimulant » au jour le jour pour se tenir au courant des nouveautés, et de donner des informations que le lecteur ne cherchait pas à l'avance selon un plan préconçu. Scott indique aussi qu'il a trouvé une corrélation très significative entre vingt-quatre traits caractéristiques de l'attitude des techniciens vis-à-vis de l'information, pouvant se rattacher à l'existence d'un « facteur général d'activité » représentant le degré d'activité du technicien dans son travail (pp. 238-9). 8

Dans l'ensemble, cette première section de la Conférence a contribué utilement à une meilleure connaissance des habitudes et des besoins des chercheurs en matière d'information. Toutefois, il ne faut pas se dissimuler que cette connaissance est encore très imparfaite, et qu'il serait aventuré d'extrapoler certaines conclusions auxquelles peut conduire, en apparence, telle ou telle étude restreinte à un aspect du sujet (c'est le cas, par exemple, de l'étude des Herner sur la structure logique des questions). D'autre part, la très grande majorité des enquêtes réalisées l'ont été aux États-Unis et en Angleterre, et il serait peut-être dangereux de considérer que leurs résultats soient applicables dans d'autres pays. Enfin, il convient de méditer les observations de Bernal 1 quand il insiste sur le fait que ces enquêtes « nous montrent l'usage que les gens font de services qui sont, de l'aveu général, fort imparfaits - non l'usage qu'ils feraient de services mieux organisés »; l'usager, d'ailleurs, « peut savoir ce qu'il désire comme service d'information, mais non ce dont il a besoin, c'est-à-dire quelles sont les modifications du système actuel qui faciliteraient le plus son travail ». Bernal propose « que l'on trouve, ou que l'on crée artificiellement, des conditions extrêmes qui nous permettent de mettre à l'épreuve nos conceptions de la fonction d'information dans son ensemble » : : par exemple, que l'on mette en concurrence, dans le même domaine d'investigation, trois équipes de recherche, l'une disposant du meilleur type de service d'information actuellement possible, la deuxième d'un service correspondant à la moyenne actuelle, la troisième sans aucun service d'information.

La deuxième section de l'ICSI était consacrée aux « fonctions et à l'efficacité des services de bibliographie signalétique et analytique '«

Les quinze rapports présentés étaient d'intérêt assez inégal. Quelques-uns se bornaient à une description pure et simple de situations existantes; tel était le cas, par exemple, pour l'un des exposés attendus avec le plus d'intérêt, celui de Mikhailov sur l'Institut d'information scientifique de l'Académie des sciences de l'U.R.S.S. (VINITI). Les organisateurs de la Conférence s'attendaient à une discussion animée sur le problème de savoir si un service d'information scientifique centralisé de grande envergure, tel que le VINITI, ne devrait pas être préféré à l'organisation décentralisée prévalant aux États-Unis; en fait, il n'y eut pratiquement aucun débat sur ce point, peut-être parce que, concrètement, « les jeux étaient faits », le gouvernement américain s'étant nettement orienté, fort peu de temps auparavant, vers le maintien du statu quo (avec, pour en amender les défauts, la constitution d'une fédération des services de bibliographie analytiques spécialisés et d'un organisme de coordination sur le plan officiel); peut-être aussi parce que le rapport de Mikhailov ne fournissait aucune donnée sur le budget du VINITI, le prix de revient des analyses, le personnel employé, tous éléments qui auraient permis une comparaison entre les deux formules... à condition que l'on eût pu disposer de données du même ordre concernant les entreprises bibliographiques américaines, ce qui ne fut pas le cas. La seule analyse de prix de revient fut, en effet, celle tentée par M. et M. K. Rigby, dans le domaine de la météorologie, et consista simplement à faire exécuter un certain nombre de bibliographies rétrospectives (7 au total, dont une seule annotée) et à en répartir le coût entre 5 ou 7 rubriques. Quatre de ces bibliographies portaient sur le même sujet, mais furent exécutées respectivement aux États-Unis, en Belgique, au Japon et en Angleterre : le travail américain fut le plus coûteux ($172,50) et le moins complet (100 références trouvées), la bibliographie la plus exhaustive fut l'anglaise (224 références, pour un coût de$124). D'après ces éléments, les Rigby ont construit un nomogramme pour prédire les prix de revient de huit types différents de bibliographies, mais on ne peut, à mon avis, le considérer comme valable, compte tenu du nombre très restreint d'éléments positifs sur lesquels il s'appuie.

M. H. Smith, sous un titre très (trop) général, « An evaluation of abstracting journals and indexes )), fournit en réalité l'exposé de 50 « cas » de recherche bibliographique sur demande dans le domaine de l'aéronautique et des engins téléguidés, observés à l'Université de Princeton; les résultats les plus marquants de cette étude furent de déceler certains cas précis de lacunes dans les bibliographies analytiques utilisées et de montrer que, pour importantes que soient celles-ci, elles ne suffisent pas à conduire une recherche, spécialement si parmi les matériaux requis se trouvent beaucoup de rapports techniques et autres documents mal contrôlés par les bibliographies.

N. Gaudenzi envoya d'Italie un des rapports les plus intéressants, critiquant la situation actuelle des bibliographies analytiques dans le domaine de la métallurgie (nombre excessif de ces publications, absence de normes communes, lacunes et doubles emplois). Un chiffre à noter : le recueil le plus complet du « monde libre » ne fournit qu'un peu plus de la moitié des références données par la série métallurgie des publications du VINITI.

Brodman et Taine donnèrent une importante étude, chiffrant pour la première fois d'une manière précise l'étendue de la littérature médicale, sa répartition par langues et pays d'origine, selon la périodicité, etc. Il se publie dans le monde environ 220.000 articles par an, qui devraient normalement figurer dans une bibliographie médicale générale; or, la plus complète des bibliographies actuellement existantes, la « Current list of medical literature » n'en enregistre qu'environ 108.000.

Une étude de Herner, portant sur la comparaison des analyses données d'un même article par différents recueils bibliographiques, montra que ceux-ci faisaient très largement usage des résumés d'auteurs et que, même s'agissant d'analyses originales, on ne trouvait guère de variations importantes dans leur contenu. Les matériaux de base de ce travail sont trop restreints pour que l'on puisse en tirer des conclusions générales valables, mais si d'autres recherches du même type en confirmaient les résultats, il y aurait là un argument de poids en faveur des thèses « centralisatrices ».

Un rapport de Doss attirait l'attention sur l'importance des publications « périphériques » (en dehors du champ normal d'étude du spécialiste) dans le cas particulier de la parasitologie.

Deux expériences de coopération internationale en matière de bibliographie, celle de l'ICSU pour la physique et celle du Conseil international de documentation du bâtiment, furent l'objet d'examens critiques, respectivement par Crowther et Evans. La première a réussi... dans la mesure où ses buts étaient fort modestes, et excluaient pratiquement toute division du travail d'analyse à l'échelle internationale; la deuxième a échoué, dans sa tentative de coordonner internationalement une série de recueils nationaux, pour des raisons qu'Evans considéra avec quelque détail (difficultés de financement, « intérêts établis », nécessité d'un bureau central revisant les analyses produites, problème de marché).

Lykoudis, Liley et Touloukian exposèrent une méthode nouvelle, plus satisfaisante, pour conduire des recherches bibliographiques rétrospectives à partir de la prospection des recueils d'analyses par « cycles », combinée avec la recherche des références citées dans les articles eux-mêmes décelés à l'aide des bibliographies analytiques; une formule mathématique permet de trouver la périodicité optimum du cycle de recherche, compte tenu de certaines conditions.

Sabel, étudiant les références citées par 98 documents sur les réactions thermonucléaires, établit que, pour cette catégorie de documents, une méthode de recherche bibliographique rétrospective basée sur l'emploi de ces références ne peut être satisfaisante, chaque groupe de documents (selon leur origine) tendant à ne donner de références qu'aux documents de cette même catégorie.

Pour ce qui est des autres rapports, on peut noter le plaidoyer de Garfield en faveur d'un « Index scientifique unifié » basé sur la méthode de l'indexation des citations, et celui de Franck pour une plus grande coopération entre les centres de documentation, à l'aide de la C. D. U.

La troisième section de la Conférence devait évaluer « l'efficacité des monographies, compendia, et centres de documentation spécialisés », mais on peut admettre qu'elle échoua complètement dans cette tentative.

Sur les cinq rapports seulement qui furent présentés, deux, ceux de Wyart sur « la documentation scientifique en France » (mais, à vrai dire, centré uniquement sur le Centre de documentation du C. N. R. S.) et de Ciganik sur le travail de l'Institut de recherches sur les câbles et matériaux isolants de Bratislava, étaient purement descriptifs. Le rapport de Sheel sur l'Insdoc, centre de documentation scientifique établi par l'Unesco aux Indes, était à peu près entièrement du même genre, avec quelques remarques sur les délais trop grands que mettent les périodiques occidentaux à arriver à New Delhi, conduisant l'auteur à préconiser un développement de l'emploi de microfilms reproduisant les tables des matières des revues scientifiques publiées dans chaque pays. Leitch donna une classification des divers types de comptes rendus récapitulatifs de la littérature (plus ou moins) récente, sous forme de « analytical » ou « critical reviews » disponibles en biologie. Enfin, Brunning donna les résultats d'un sondage d'opinions conduit par lui sur soixante-cinq chimistes, à qui il avait demandé ce qu'ils pensaient des comptes rendus récapitulatifs disponibles en chimie; son rapport - bien que portant sur un nombre peut-être trop limité de réponses pour que celles-ci puissent être considérées comme vraiment représentatives - fut certainement le plus riche de cet ensemble à vrai dire, on le voit, fort restreint et assez décevant.

Plutôt décevante, fut aussi en somme la section 4, portant sur les « caractéristiques comparées des systèmes existants d'organisation de l'information en vue de son emmagasinage et sa recherche ». Sept rapport étaient inscrits, dont 5 des États-Unis et 2 anglais; quant aux domaines couverts, il s'agissait seulement de la chimie (les 5 rapports américains) et de l'aéronautique (les 2 rapports britanniques). La plus intéressante, sans doute, des recherches mentionnées était celle de Cleverdon, portant sur la comparaison de quatre méthodes différentes (C. D. U., catalogue alphabétique de sujets, classification « à facettes » d'inspiration ranganathanienne, et « unitermes » inspirés de Taube) appliquées au même ensemble de documents, mais il s'agissait d'une étude encore en cours, dont seuls les principes de base et la méthode pouvaient être donnés. Une comparaison faite par Miller, pour appliquer à un même jeu de 1.450 brevets la méthode des unitermes et un système usuel de cartes perforées IBM, concluait en faveur des unitermes. Deux rapports, ceux de Wessel et de Wright, décrivaient chacun une expérience de fiches « peek-a-boo » (à sélection visuelle par superposition); le deuxième donnant un relevé intéressant des causes d'échec relatif du système dans certains cas observés, et une étude des temps nécessaires pour les phases « entrée » (input) et « sortie » (output) du système. L'étude de Whaley, basée sur une expérience avec des cartes IBM portant sur environ 17.ooo documents, principalement des rapports techniques, à l' « Union Carbide », donnait une analyse des questions posées, classées selon leurs types logiques et montrant (dans ce cas particulier, et contrairement aux résultats de Herner, rapportés dans la section 1 pour un autre cas particulier) l'importance relative des questions impliquant à la fois des opérations d'intersection et de réunion. Deux rapports, enfin, par Opler et par Waldo, concernaient des expériences faites avec des ordinateurs IBM, 702 et 704; celui de Waldo, purement descriptif, insistant sur l'intérêt de certains « sous-produits » de l'utilisation des calculatrices en documentation, et celui d'Opler constituant une étude surtout théorique des avantages présentés, selon lui, par ces calculatrices, plus le compte rendu de trois expériences (dont l'une portait sur la « conversion » automatique de différents systèmes individuels de classification, en vue d'enregistrer avec la même machine des fichiers différemment classés, mais que des programmes spéciaux permettraient d'utiliser tels quels; intéressante théoriquement, cette solution paraît fort peu économique pratiquement).

Il n'y a pas de doute que la section 5, « problèmes intellectuels et considérations portant sur les équipements à considérer pour établir de nouveaux systèmes d'organisation de l'information en vue de son emmagasinage et de sa recherche », était de beaucoup la plus importante de toute la conférence. Vingt rapports étaient soumis : 12 américains, 5 anglais, 1 français, 1 néerlandais, 1 russe. Ce dernier, par Cherenin, l'un des adjoints de Mikhailov au VINITI, était malheureusement d'un caractère très général, portant sur les « types » de recherches d'information, et ne donnait aucun renseignement nouveau sur les études poursuivies en U. R. S. S. dans le domaine des machines pour le traitement d'informations. Le rapport des Pays-Bas, un des plus intéressants, signé par Koelewijn, exposait les études préparatoires faites en vue de mécaniser la recherche des brevets à l'Office néerlandais de la propriété industrielle; il insistait, en prenant l'exemple des carburateurs, sur la nécessité de codifier, non seulement les éléments composant ce type d'engins mécaniques, mais encore et surtout les relations de ces divers éléments entre eux.

La participation anglaise portait uniquement sur les « problèmes intellectuels » - il semble bien que, du côté de l'étude des machines en vue de la recherche de l'information, la Grande-Bretagne soit quelque peu en retard actuellement. Deux membres du « Classification research group », organisateur de la Conférence de Dorking 9 en 1957, Vickery et Foskett, donnaient des illustrations de la méthode des « facettes », la première de caractère plutôt théorique, la seconde s'attachant surtout à décrire les problèmes rencontrés dans la construction pratique de deux schémas de classification de ce type, l'un pour des questions d'hygiène et de sécurité professionnelles, l'autre pour la technologie des conserves. Un rapport de Claridge constituait le compte rendu des études faites pour utiliser un système Flexowriter + Filmorex en vue de mécaniser, à l'Université de Cambridge, la recherche des documents portant sur les composés chimiques contenus dans les plantes comestibles. Les deux autres rapports anglais étaient d'intérêt surtout linguistique : celui de Meredith sur sa théorie des « matrices sémantiques » et celui de Masterman, Needham et Jones sur « l'analogie entre la traduction mécanique et la recherche des informations », constituant un exposé fort intéressant des études du « Cambridge language research unit » appliquant la méthode du « thesaurus » dont ce groupe est, avec celui de Luhn aux États-Unis, l'un des principaux promoteurs.

Le seul rapport français accepté par le Comité était d'ailleurs de premier ordre : J. C. Gardin y donnait des détails inédits sur les méthodes de codification des ornements, des formes de vases et des thèmes iconographiques, qui forment une partie des travaux entrepris par lui au Centre mécanographique d'archéologie du C. N. R. S. (l'autre partie, concernant l'analyse conceptuelle de textes juridiques babyloniens, du Coran, et de mythes indiens, n'ayant malheureusement pas été couverte par ce rapport). Il n'y a pas de doute que ces travaux sont actuellement parmi les plus importants et les plus neufs poursuivis, non seulement en France, mais dans le monde, dans le domaine de l'analyse documentaire « en profondeur », et qu'ils représentent notamment une contribution remarquable au problème de la codification des relations 10.

Parmi les rapports américains, il peut être commode de distinguer quelque quatre groupes. Dans le premier, on peut classer deux exposés, de caractère très général, de Whatmough (point de vue d'un linguiste) et de Crane et Bernier (point de vue des responsables de ce qui est sans doute à l'heure actuelle, en dehors de l'U. R. S. S., la plus importante entreprise de documentation scientifique, les Chemical Abstracts). Un deuxième groupe de rapports comportait des études de détail de caractère linguistique : d'Ohlman, sur un système de code par superposition basé sur l'étude de la fréquence relative des lettres en anglais; de Harris, sur la possibilité d'employer la méthode des « transformations linguistiques » pour analyser les textes en séries de « noyaux »; d'Yngve, donnant quelques indications en vue d'utiliser directement les mots d'une langue naturelle (l'anglais, en l'espèce) pour la recherche mécanique des informations; d'Oettinger et autres - le plus intéressant - sur les méthodes appliquées pour construire le dictionnaire automatique russe-anglais à Harvard, basées essentiellement sur la répartition des mots russes en « classes flexionnelles ». Un troisième groupe, assez homogène et, de mon point de vue, le plus remarquable, était composé d'études réalisées dans le cadre de l'Office des brevets américain, avec les rapport de C. G. Smith sur l'analyse diagrammatique des relations pour la machine ILAS, de Leibowitz, Frome et Andrews sur le système VS3 (codification des composés organiques) et enfin de Koller, Marden et Pfeffer sur l'état présent et l'avenir du système « Haystaq », ce dernier rapport comportant d'utiles appendices, dont un sur les critères d'évaluation des systèmes de recherche des informations. Dans un quatrième groupe, quelque peu artificiel, et de caractère plutôt « résiduel », on pourrait ranger les études de Lowry et Albrecht, sur un système utilisant des bandes magnétiques proposé pour la documentation des laboratoires de la Bell; de Ledley (projet d'un index bibliographique en forme de livre mais à base d' « unitermes », dénommé Tabledex, qui ne paraît pas d'ailleurs bien pratique); de Taube, sur les caractéristiques d'une machine à cartes perforées dite COMAC (ultérieurement réalisée par IBM, sous le nom de Special Index Analyzer 9900, présentée à l'exposition qui accompagnait la conférence et décrite par un rapport technique IBM de R. W. Murphy; bien que constituant un progrès très net sur les précédentes réalisations de Documentation, Inc., nous ne croyons pas que ce système représente une solution d'avenir).

La 6e section devait explorer les « possibilités d'une théorie générale » de l'organisation de l'information pour la recherche rétrospective. Elle comportait 6 rapports, dont 2 anglais et 4 américains. Côté anglais, Fairthorne, le pionnier incontesté de ce genre de travaux, traitait de la représentation algébrique des « langages documentaires » «(storage and retrieval languages ») et Vickery développait quelque peu les considérations sur l'application des notions de treillis et de matrices présentées par Fairthorne dans des études antérieures. Côté américain, si l'on met de côté une contribution discutable (et qui fut passablement discutée en fait au cours de la séance) de Jonker, il faut surtout retenir l'étude fort intéressante de Mooers, développant, précisant et systématisant les travaux qu'il poursuit depuis une dizaine d'années, et qui se relient d'ailleurs à ceux de Fairthorne ; par ailleurs, Maloney présentait une méthode employant un système de tenseurs comme modèle des systèmes de recherche de l'information, et Estrin tentait une application à la documentation de l'étude de E. F. Moore sur les labyrinthes.

La 7e section, malheureusement, fut à nouveau décevante. Elle avait, à vrai dire, une très lourde tâche, qui eut justifié à elle seule une conférence entière : l'étude des « responsabilités des gouvernements, des sociétés scientifiques, des universités, et de l'industrie, en vue d'améliorer les services d'information ». Ce vaste domaine n'était que très imparfaitement couvert par les 8 rapports : 3 américains, 2 anglais, 2 français, 1 d'Afrique du Sud et 1 d'un ancien fonctionnaire de l'Agence européenne de productivité. Ce dernier (Grell) examinait quelques caractéristiques de 25 contrats attribués par diverses organisations internationales intergouvernementales pour des projets de caractère documentaire; le rapport d'Afrique du Sud (Mews) traitait brièvement de la situation dans ce pays. Les deux rapports anglais (Evans-Farradane, et Palmer-Foskett) concernaient, de deux points de vue différents, le même sujet : la formation à donner aux « scientific information officers », mais ils étaient tous deux dépassés par les événements, cette formation ayant été, entre temps, organisée concrètement en Grande-Bretagne. Milton Lee proposait un système de financement d'un Centre (américain) de documentation biologique, consistant à réserver pour cet objet 4 % des fonds attribués à la recherche biologique, à collecter soit directement, auprès des organismes subventionnant les recherches, soit par l'intermédiaire des revues publiant les résultats de celles-ci. Un rapport fort long, mais purement descriptif (et pas toujours exact) de Bonn sur la situation de l'enseignement de la documentation dans le monde n'apportait sur ce sujet rien de bien nouveau.

Enfin, le volume des « preprints » de la Conférence se terminait sur deux projets assez identiques, l'un français (Dr Boquet), l'autre américain (Chamberlin) visant à créer un Institut (Chamberlin) ou un Centre (Boquet) international d'information scientifique, qui serait, à l'échelle mondiale, ce que le VINITI est à l'échelle de l'U. R. S. S. ou - beaucoup plus modestement - le Centre de Documentation de C. N. R. S. à l'échelle française. Le projet Boquet ne comportait pas de prévisions budgétaires; celui de Chamberlin, par contre, fixait un chiffre de 283 millions de dollars (soit environ 140 milliards de francs) par an. Un membre du « discussion panel » de la section, C. E. Sunderlin, se chargera d' « exécuter » sommairement (un peu trop...) ces deux plans, mais il n'y eut pas de véritable discussion sur les remèdes à apporter à la situation présentement plutôt chaotique, ou à tout le moins anarchique, de l'information scientifique sur le plan international.

La session finale devait tirer les conclusions d'ensemble. Cependant il avait été précisé que la Conférence avait pour but, non de déterminer une politique à suivre, mais d'examiner l'état des recherches : c'était une « research conference », non une « policy making conference ». Dans ces conditions, il n'y avait pas à adopter de recommandations, voeux ou résolutions. Le Dr Alexander King indiqua que la Fédération internationale de documentation était prête à donner tout son appui pour l'étude ultérieure des problèmes traités lors de la Conférence. Je suggérai que cette étude serait d'autant plus profitable qu'elle aurait lieu à travers des colloques spécialisés sur chacun des différents domaines que l'ICSI avait voulu couvrir dans leur ensemble, ainsi que par des réunions consacrées à l'information dans tel ou tel groupe de disciplines et, par ailleurs, sur certaines questions particulièrement importantes, telles que les contributions possibles de la linguistique et de la sémantique à la solution des problèmes de recherche des informations (ceci rejoignant une proposition, de caractère cependant quelque peu différent, adoptée par le IACDocTerPAS au cours de sa réunion de septembre 1957); des efforts particuliers devraient être tentés pour donner à ces réunions un caractère véritablement international; des moyens devraient être trouvés pour financer les recherches qui étaient apparues au cours de la Conférence comme encore indispensables sur un grand nombre des sujets étudiés. Le Dr Urquhart et le professeur Bernal intervinrent pour indiquer que, à leur point de vue, il serait utile de constituer une sorte de Comité international pouvant donner une suite concrète aux travaux de l'ICSI, et que la meilleure méthode à cet effet serait sans doute d'organiser un échange de vues entre les académies des sciences des différents pays.

En marge de la Conférence, eurent lieu une exposition de matériel documentaire, et un certain nombre de visites. L'exposition permettait de se rendre compte surtout des efforts des firmes américaines (je crois que Filmorex, du Dr Samain, était la seule réalisation européenne présentée). Il y avait notamment une importante participation Kodak, qui présentait son intéressant « Listomatic » pour la production automatique de catalogues ou bibliographies imprimées à partir de fichiers, ses nouveaux appareils de microfilmage Reliant Microfilmer avec indexeur Kodamatic et de lecture de microfilms Rekordak Motorized, ainsi que ses microfiches montées sur cartes IBM (dont un rapport décrivait l'utilisation pour l'enregistrement de données spectrophotométriques) et, enfin - least, but not least - le système Minicard en fonctionnement. Cette dernière démonstration m'a personnellement confirmé dans mon opinion sur le peu d'avenir réel de tous les procédés dérivés du Rapid Selector, dont la Minicard est l'aboutissement, assez spectaculaire, mais peu économique.

Également dans le domaine du microfilm ou de la microfiche opaque, il y avait deux intéressants stands des « University microfilms » et de la « Microcard Corporation », le premier avec une exposition de réimpressions de livres épuisés obtenus par xérographie à partir de microfilms (avec le Xerox Copyflo de la Haloid Co.), le deuxième avec deux nouveaux lecteurs de microfiches, dont un de poche, et une nouvelle formule de « Microtape » (reproduction en microcopie sur papier, en bandes, pouvant être obtenues à partir d'un microfilm standard de 16 mm). La Benson-Lehner Co. montrait de son côté une machine à lire des microfilms de 16 mm, dénommée FLIP GS 1087 - « Film Library Instantaneous Présentation » - pouvant repérer une image quelconque parmi 72.000, en 1,5 sec., selon un code de 9 X 9 chiffres. La Kalvar Co. exposait ses procédés Kalfax pour l'obtention, par un procédé à sec, de microfilms ou microfiches en négatifs, à partir d'un microfilm normal négatif ou positif. La Minnesota présentait un lecteur-imprimeur de microfilms utilisant le procédé Thermofax.

Côté calculatrices, rien de bien nouveau, à part la petite calculatrice Bendix G 1$. Malheureusement, la Magnavox n'exposait pas sa Magnacard, fort intéressante réalisation utilisant non plus des bandes magnétiques, mais des « fiches magnétiques » IBM, qui donnait une démonstration privée, dans ses locaux, portant sur des machines déjà connues (en particulier la RAMAC) et présentait sa version du COMAC de Taube, n'avait pas montré les recherches poursuivies à Yorktown sur la mémoire à disques de Gilbert King, d'abord développée à l' « International Telemeter », puis passée (avec King lui-même) dans ses laboratoires. Rien ne fut divulgué non plus des résultats que l'on sait par ailleurs avoir été obtenus à IBM, chez Remington et au MIT sur l'utilisation de très basses températures (cryotrons), ni sur les études de la General Electric concernant l'utilisation du microscope électronique. Il paraît que tout cela, actuellement caché derrière les murs des laboratoires, en serait sorti pour la Conférence... si, de leur côté, les Soviétiques y étaient arrivés avec une sorte de « Spoutnik » documentaire; mais il n'y eut aucune exposition de machines d'information du côté russe, et les dernières nouveautés américaines restèrent elles aussi cachées.

En ce qui concerne les méthodes du type « peek-a-boo », il n'y avait rien de nouveau. La Rabinow Engineering Co. n'était pas présente à l'exposition, et l'on ne vit donc pas son « peek-a-boo » mécanisé à relais; on entendit parler de la Mématrex de Jonker et l'on sut ainsi que, de ce côté, comme au « National bureau of standards » (Wildhack) et comme en France (Gardin-Braffort et Cordonnier), on étudie sérieusement une voie, qui paraît pleine d'avenir, appliquant la microcopie aux fiches à superposition visuelle.

Enfin, IBM présenta quelques remarquables applications de ses machines existantes, notamment l'utilisation de la 704 pour l'obtention d' « auto-analyses » - dont H. P. Luhn fit la première démonstration publique - et pour une classification automatique de plantes en groupes naturels basés sur la comparaison de leurs diverses caractéristiques (expérience Tanimoto) 11.

Les visites extérieures les plus intéressantes avaient été celles au « Patent office », où eut lieu une démonstration de la recherche mécanisée des brevets; au « National bureau of standards », qui montra ses études sur l'IBM 704 et sur le SEAC; et à la « Georgetown Univertity », où l'on vit une expérience de traduction mécanique de textes russes dans le domaine de la chimie organique.

On doit enfin, en toute objectivité, rendre ici au Comité américain d'organisation du Congrès qui, ayant facilité financièrement le voyage de nombreux délégués étrangers, accueillit tous ses hôtes avec une courtoisie, un sens de l'hospitalité, vraiment exemplaires.

Ainsi se termina une semaine vraiment bien remplie. Les participants européens purent, assurément, en tirer la conclusion que l'on travaille beaucoup aux U. S. A. (et avec des moyens importants) dans le domaine de la mécanisation de l'information. Bien des méthodes que l'on croit encore inédites sur le Vieux Continent, ont en fait déjà été l'objet d'essais et parfois de réalisations pratiques, de l'autre côté de l'Atlantique. Que tout ce mouvement n'aille pas sans une certaine confusion d'idées, que l'on ne sache pas toujours où l'on va exactement (et que l'on aboutisse ainsi, parfois, à des impasses assez prévisibles, par des voies fort coûteuses) - cela est aussi évident. Qu'une meilleure collaboration internationale - y compris avec l'Est - permettrait des progrès plus rapides, et des organisations à la fois plus efficientes et beaucoup moins coûteuses, voilà qui est non moins indéniable. Si l'ICSU peut avoir constitué - comme nous le pensons - une première étape vers une telle collaboration, elle aura largement payé de leur peine ses organisateurs, et sera sans doute considérée, par les historiens futurs de l'information scientifique, comme une importante étape 12.

  1. (retour)↑  Voir : The Royal society scientific information conference. 21 June-2 July 1948. Report and papers submitted. - London, The Royal society. - 21 cm, 723 p., fig.
  2. (retour)↑  Voir : Conférence internationale sur l'analyse de documents scientifiques... Rapport final. - [Paris] Unesco [1951]. - 24 cm, 200 p., pl.
  3. (retour)↑  Grolier (E. de). - Les Méthodes applicables à la recherche rétrospective des documents scientifiques. - Paris, Unesco, 1955 (document 320/5601).
  4. (retour)↑  L'Académie des sciences de Paris avait constitué une délégation à l'ICSI, comprenant MM. Escande, Denoix, Wyart et Boutry, professeur au conservatoire national des arts et métiers, mais cette désignation avait eu lieu quelques jours seulement avant la Conférence. Seul M. Boutry ayant pu se rendre à Washington, l'Académie envoya en outre pour la représenter MM. Boquet, de l'Institut Pasteur, Brygoo, chef du Service de documentation de l'Institut Pasteur, et Samain.
  5. (retour)↑  Voir sur l'organisation de la conférence : Informations F.I.D. 1957, nOs 2 et 10; 1958, nOs 3 et 5.
  6. (retour)↑  Répartis ainsi : U. S. A., 102 (62,2 %); Grande-Bretagne, 33 (20,1 %); France, 8 (4,9 %); autres pays d'Europe occidentale, 8 (4,9 %); Europe orientale, 6 (3,6 %); divers, 7 (4,3 %) dont 2 pour l'Inde et 1 pour chacun des pays suivants : Afrique du Sud, Argentine, Canada, Israël, Japon. Sur les sept présidents de section, il y avait 5 Américains, 1 Anglais, 1 Français. L'absence la plus notable était celle de la Chine. Onze Français assistèrent effectivement aux séances : un président de « discussion panel » (E, de Grolier), un rapporteur également membre d'un « discussion panel » (G. Boutry), trois membres de « discussion panels » (Dr. Brygoo, B. Mandelbrot, J. Samain), deux rapporteurs (Dr. Boquet, J. C. Gardin), quatre observateurs (G. Cordonnier, Mme Duval, Mme Eiseinmann, pour le C. N. R. S., A. Leroy, pour le commissariat de l'énergie atomique).
  7. (retour)↑  Un rapport que j'aurais dû moi-même donner sur les résultats d'une enquête par questionnaire auprès des chercheurs du Commissariat à l'énergie atomique, de l'Institut français du pétrole, de l'Institut de recherches sidérurgiques et du Centre d'études et de recherches des Charbonnages de France, ne fut pas prêt à temps, et seuls quelques résultats d'ensemble en furent évoqués au cours de la discussion.
  8. (retour)↑  Voir le compte rendu de l'article de Bernal : The Supply of information to the scientist (paru dans The Journal of documentation de décembre 1957), in : B. Bibl. France. 3e année, n° 10, oct. 1958, pp. 770-772 (n° 1403).
  9. (retour)↑  Voir un compte rendu de la Conférence de Dorking in : B. Bibl. France. 3e année, n° 1, janv. 1958, pp. 40-41.
  10. (retour)↑  Il est dommage que les rapports de Pagès (L'analyse codée, technique de classification documentaire) et d'Artozoul (sur l'emploi de fiches Synoptic pour un fichier concernant la tensioactivité d'une série de détergents à fonction sulfonique) n'aient pas pu être retenus, étant arrivés à Washington avec quelque retard sur les délais fixés par le comité d'organisation. Deux rapports du Dr Brygoo, étudiant les possibilités d'emploi de machines Bull (d'abord cartes perforées classiques, puis calculatrice série Gamma) pour la documentation microbiologique à l'Institut Pasteur, avaient été distribués aux assistants par les soins de l'auteur.
  11. (retour)↑  La System Development Co., filiale d'IBM, avait distribué de son côté un très intéressant « Permutation index des Preprints de la Conférence, préparé automatiquement.
  12. (retour)↑  Signalons à l'attention de nos lecteurs, divers comptes rendus de la Conférence scientifique de Washington parus dans des revues étrangères dont nous venons d'avoir connaissance au moment de mettre sous presse : Revue de la documentation. Vol. 26, n° i, févr. 1959; Aslib proceedings. Vol. II, n° 2, Febr. 1959; Liaison. Library association news-sheet. Jan. 1959 (N.D.L.R.).