Nécrologie

Thérèse Kiener

Jenny Delsaux

Thérèse Kiener, née Schneegans, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, est décédée subitement le 9 mars 1958 dans sa 68e année. Elle avait choisi sans hésitation sa carrière suivant l'exemple de son aïeul, le grand bibliothécaire André Jung, et nous avons ensemble effectué la préparation et accompli le stage professionnel à la Bibliothèque municipale de Strasbourg.

La carrière de Thérèse Kiener s'est déroulée de 1919 à 1957 à Strasbourg et elle prenait intimement part aux bonnes et aux mauvaises journées de la Bibliothèque nationale et universitaire. C'est ainsi qu'elle participa pendant la deuxième guerre mondiale à l'évacuation des fonds vers Clermont-Ferrand, où elle subit en 1943 près de deux mois de détention à la prison militaire, ayant été comprise dans l'arrestation massive des professeurs de l'Université de Strasbourg.

Elle fut la fervente collaboratrice de son mari, Fritz Kiener, qui enseigna à l'Université de Strasbourg pendant de longues années l'histoire d'Alsace et joua un grand rôle dans la vie publique de la province.

Déléguée dans les fonctions d'administrateur en 1943, Thérèse Kiener dirigea le fonctionnement de la bibliothèque.

Issue d'une très ancienne famille de Strasbourg, elle possédait une culture exceptionnelle à la fois linguistique, artistique et historique, sensible à tous les courants littéraires de l'époque. Sa curiosité d'esprit lui faisait apprécier les premières éditions d'un Rilke, d'un Stéphan George ou d'un Hoffmannsthal ainsi que les premières œuvres de Gide et Proust, sans oublier les auteurs italiens et les auteurs anglais contemporains.

Les savants, les chercheurs, les lecteurs de toute l'Alsace qui se sont adressés à elle pendant de longues années n'ont jamais trouvé en défaut sa compétence ni son dévouement. Elle prenait part à tous les travaux qui s'élaboraient autour d'elle et guidait les lecteurs avec un goût sûr.

Elle avait une conscience approfondie de l'importance du rôle qu'une grande bibliothèque comme celle de Strasbourg est appelée à jouer dans le développement intellectuel d'une province.

Avec elle une personnalité vivante, consciente, gaie, d'une grande distinction d'esprit, disparaît de la vieille capitale au carrefour des civilisations.